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Liban - Beyrouth I / Reportage

A Beyrouth I, des électeurs engoués, mais peu nombreux

Les députés sortants Nadim Gemayel et Serge TerSarkissian devant Zahret el-Ihsan, à Achrafieh.

Achrafieh. Comme pour inciter une dernière fois les électeurs à voter pour eux, les candidats continuent, malgré le silence électoral qui leur est imposé, à s’exprimer à travers leurs portraits et affiches omniprésents dans les rues du quartier, comme d’ailleurs à Saïfi, Rmeil et Medawar. Et pour compléter le spectacle en images et en sons, des drapeaux et des fanions font leur parade sur fond de refrains partisans, notamment aux abords des bureaux de vote et des QG des partis et candidats.
À 9h, les rues étroites empruntées pour arriver à ces sites regorgent d’automobilistes venus remplir leur devoir électoral, ainsi que de convois de jeunes qui entendent appuyer haut et fort les candidats de leur choix, la main sur l’avertisseur.

À proximité des bureaux de vote, les délégués des partis (Courant patriotique libre, Forces libanaises, Kataëb) et ceux des listes de la société civile (notamment Koullouna Watani et Nous sommes Beyrouth) sont installés sous des tentes de couleurs variées, arborant des tee-shirts et casquettes assortis. Tous proposent leurs services à des électeurs qui veulent des explications sur la manière de remplir les bulletins ou sur l’adresse des centres électoraux qui leur ont été désignés. Le voiturage est même assuré.

Dans la rue qui mène vers l’école complémentaire officielle pour les filles, rue Saydé, une supporter de Paula Yacoubian, candidate au siège arménien-orthodoxe, hèle les automobilistes pour leur distribuer des portraits de sa candidate. Aux portes de l’école, un important dispositif de sécurité veille à en contrôler l’entrée en vérifiant scrupuleusement l’identité de chacun.

Il est 10 heures. L’affluence est encore faible. À l’intérieur des classes, les chefs de bureau évoquent un taux de participation d’à peine 7 %. Côté organisation, ils sont satisfaits. « Le vote se déroule dans de bonnes conditions et aucun incident particulier n’a jusque-là été enregistré », s’accordent-ils à dire.
Direction Medawar, fief de la communauté arménienne. Les embouteillages sont si inextricables dans ce quartier qu’il vaut mieux circuler à pied. Rencontrés en chemin, Harout et Annie, tous deux 65 ans, achètent des fruits dans une épicerie. « Nous avons accompli notre devoir parce qu’il est important d’obtenir nos droits », soulignent-ils, exhibant leur pouce imprégné d’encre violette.
Au 2e étage du bâtiment de l’école Tchatalbachian, Zarig vient voter pour son gendre Serge Jokhadarian, « un jeune comme le pays en a besoin », affirme-t-elle.


(Lire aussi : Législatives libanaises 2018 : Les leçons à retenir du scrutin)



Les personnes à mobilité réduite
Plus bas dans l’escalier, une femme tenant la rampe d’un côté, et de l’autre le bras de son fils, tente désespérément de grimper une marche, comme s’il s’agissait pour elle de gravir l’Himalaya. Le spectacle est insoutenable, mais un militaire assure qu’avec ses compagnons d’armes, il se propose de porter « toute personne incapable d’accéder aux étages supérieurs ».
À l’école Ali ibn Abi Taleb, quartier Beydoun, même tableau : des personnes âgées et impotentes prennent en moyenne 5 minutes pour monter ou descendre deux marches. Gina Chammas, candidate sur une des listes de la société civile, soutient sa mère. « Les plus de 65 ans doivent pouvoir voter dans des locaux situés au rez-de-chaussée », clame-t-elle, furieuse.

Tout en rendant hommage au sens du service des forces de sécurité, le député Nadim Gemayel affirme à L’OLJ que « leur rôle doit pourtant se focaliser sur la préservation de la sécurité ». Rencontré dans la cour de l’école Zahret el-Ihsan, il affirme qu’« il faut absolument que les personnes âgées et handicapées puissent remplir leur devoir dans des endroits qui leur sont accessibles ».
À quelques mètres de M. Gemayel, Elena Valenciano, chef de la mission d’observateurs européens au Liban, tient un point de presse dans lequel elle relève aussi « les difficultés des personnes à mobilité réduite à pouvoir accéder aux urnes » tout en évoquant « une évaluation positive de la gestion du vote » qui, selon elle, se fait « en toute normalité ».


(Lire aussi : Les lenteurs du vote ont-elles fait ombrage à la liberté des législatives ?)


Les délégués fixes
Un avis que ne semblent pas partager des candidats de la société civile, notamment Michelle Tuéni, Gilbert Doumit et Ziad Abs. Rencontré dans le quartier Beydoun, ce dernier affirme que des délégués fixes de la liste Koullouna Watani ont été empêchés d’entrer dans les bureaux de vote. Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, son colistier, M. Doumit, évoque aussi « ces problèmes logistiques », mais se montre « confiant, malgré tout, de l’issue des résultats ». Quant à Michelle Tuéni, contactée également par L’OLJ, elle se demande « pourquoi les délégués fixes de la liste ont été interdits d’entrer, alors que leurs laissez-passer émanent du ministère de l’Intérieur ».

Devant l’école des Trois-Docteurs, montée Accaoui, une déléguée des FL dénonce une autre irrégularité. « Des personnes âgées qui dans les salles de vote ont demandé où se trouve la liste FL sur leur bulletin ont été induites en erreur par des délégués d’autres candidats. »

Entre-temps, l’ancien ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui, candidat sur la liste du CPL, fait sa tournée. « Je me félicite de ce rendez-vous avec la démocratie », affirme-t-il à L’OLJ, souhaitant que « la lutte se fasse désormais au niveau des partis et des programmes électoraux plutôt que de préserver les forces féodales et réactionnaires ». Quant au ministre d’État à la Planification, Michel Pharaon, il a indiqué « attendre avec sérénité les voix des gens », qu’il a exhortés à « venir remplir leur devoir démocratique pour le bien du pays et le leur ».

« Le chef de la tribu... »
À cet égard, Imad Wakim, candidat FL au siège grec-orthodoxe, attribue la faiblesse de la participation au fait que « de nombreux citoyens originaires de Beyrouth ne vivent plus dans la capitale ni même à Beyrouth. D’ailleurs, même lors des élections de 2009 où la bataille portait sur l’enjeu 14/8 Mars, le taux n’avait pas atteint 40 % », observe-t-il.

Cependant, de nombreux électeurs sunnites se sont rendus aux urnes dans la circonscription de Beyrouth I. Rencontrés devant les locaux électoraux de Nicolas Chammas, qui brigue également le siège grec-orthodoxe, des membres de la tribu Arab el-Maslakh ont affirmé à L’OLJ qu’ils sont venus voter pour « cet homme de bien connu pour le bon traitement de ses employés ». « En tout état de cause, il suffit que le chef de la tribu nous donne des consignes de vote pour que nous les exécutions », relèvent-ils.


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Achrafieh. Comme pour inciter une dernière fois les électeurs à voter pour eux, les candidats continuent, malgré le silence électoral qui leur est imposé, à s’exprimer à travers leurs portraits et affiches omniprésents dans les rues du quartier, comme d’ailleurs à Saïfi, Rmeil et Medawar. Et pour compléter le spectacle en images et en sons, des drapeaux et des fanions font leur...

commentaires (2)

une seule méthode pour tout changer le vote sur le lieu de résidence principale, ceci mettra fin au clientélisme et aux clans. Trouvez vous normal (pour exemple) que la municipalité de Beyrouth soit élue avec 7% des habitants ?

yves kerlidou

12 h 44, le 07 mai 2018

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Commentaires (2)

  • une seule méthode pour tout changer le vote sur le lieu de résidence principale, ceci mettra fin au clientélisme et aux clans. Trouvez vous normal (pour exemple) que la municipalité de Beyrouth soit élue avec 7% des habitants ?

    yves kerlidou

    12 h 44, le 07 mai 2018

  • Avouons Beyrouth I des électeurs plus jamais paresseux mais une vraie démocratie pour avoir tout un choix de courants qui ont brisé le mur de soumission .

    Antoine Sabbagha

    08 h 03, le 07 mai 2018

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