Mardi soir, après une conférence de presse du président français Emmanuel Macron à la Résidence des Pins à Beyrouth, à l'issue d'une visite de deux jours dans un Liban meurtri, une scène inédite est filmée par les caméras, notamment dans des images exclusives de la chaîne d'information française LCI.
Dans cette séquence, c'est un président en colère qui apostrophe le journaliste français du Figaro Georges Malbrunot. "Ce que vous avez fait là, compte tenu de la sensibilité du sujet, compte tenu de ce que vous savez de l'histoire de ce pays, est irresponsable. Irresponsable pour la France, irresponsable pour les intéressés ici, et grave d'un point de vue déontologique", lance le chef de l'Etat français, entouré de ses gardes du corps, au journaliste en face de lui. "Vous m'avez entendu défendre les journalistes. Je le fais toujours, mais je vous parle avec franchise : ce que vous avez fait est grave, non professionnel, et mesquin", poursuit M. Macron.
"Surpris"
L'Orient-Le Jour a pu obtenir confirmation que l'article qui a suscité la colère du président Macron est daté du 30 août et intitulé : Macron revient au Liban, face aux chefs de clans. Dans cet article, Georges Malbrunot, spécialiste du Moyen Orient et ancien otage de l'Armée islamique en Irak, affirme que "dans une indiscrétion au Figaro à la fin de sa visite éclair, le 6 août dernier, le président français a brandi la menace d’imposer des sanctions aux leaders politiques, réfractaires aux réformes (...)".
"Je suis très surpris de la virulence de cette attaque, qui est inacceptable et à laquelle j'ai répondu. Je me suis expliqué avec l'Élysée, pour moi l'incident est clos", a commenté Georges Malbrunot interrogé l'AFP. "Ce que le président lui a reproché, c'est de ne pas avoir donné à l'Elysée la possibilité de réagir à des informations qui le mettaient en cause", a de son côté réagi l'Elysée. "Nous avons échangé avec Georges Malbrunot et le Figaro. L'incident est clos".
Pendant la conférence de presse de mardi soir, Emmanuel Macron avait déjà épinglé l'article, sans le nommer, en critiquant ceux qui "écrivent les pires bêtises sur le sujet sans vérification aucune" et en les invitant à "lui poser directement la question". Interrogé sur l'hypothèse de sanctions individuelles contre les leaders libanais, il a ensuite démenti cette hypothèse, sans écarter complètement, à plus long terme, "un mécanisme de sanctions plus large".
C'est la première fois que le président français s'emporte publiquement contre un journaliste. Emmanuel Macron s'est efforcé depuis des mois d'apaiser ses relations avec les journalistes, très tendues au début du quinquennat. A Beyrouth, interrogé sur le procès de l'attentat contre Charlie Hebdo, il a d'ailleurs répété mardi son respect pour la liberté de la presse.
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Cette altercation sent le théâtre à plein nez. Il n'y avait pas, en effet, de quoi fouetter un chat. Macron avait bel et bien - tout le monde a pu l'entendre - évoqué la possibilité de sanctions personnelles contre les dirigeants libanais. Il a voulu corriger ses propos en limitant cette éventualité au cas de corruption avérée ou de soutien au terrorisme (ce qui, en bonne logique, devrait s'appliquer dès maintenant aux membres du Hezbollah}. Malbrunot a simplement fait les frais de cette rectification.
Yves Prevost
07 h 40, le 03 septembre 2020