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À La Une - Liban - Hydrocarbures

Pétrole et gaz offshore : le Liban saura-t-il saisir sa chance ?

Les experts estiment que les revenus liés à l’exploration des hydrocarbures découverts au large des côtes libanaises pourraient couvrir dix fois la dette publique nationale. Le temps presse cependant et l’Autorité de régulation en charge de lancer les appels d’offres n’a toujours pas été nommée. Rabih Yaghi, expert et consultant pétrolier, revient pour « L’Orient-Le Jour » sur le dossier.

Selon un expert pétrolier, les revenus liés à l’exploration des hydrocarbures découverts au large des côtes libanaises pourraient couvrir dix fois la dette publique nationale. Archives AFP

On attendait depuis des mois la nomination de l’Autorité de régulation du dossier pétrolier, mais elle n’a finalement pas eu lieu hier soir en Conseil des ministres comme prévu. « Cette commission est la clé de voûte pour l’exploration des hydrocarbures au large des côtes libanaises et sans sa nomination, il est impossible d’avancer sur le dossier », explique à L’Orient-Le Jour Rabih Yaghi, ingénieur pétrolier et expert consultant pour la commission parlementaire de l’Énergie. L’Autorité de régulation devrait comprendre six membres, nommés pour une durée de six ans, qui assureront, tour à tour, la présidence pendant un an. Elle sera chargée d’orchestrer toutes les prochaines étapes du dossier et aura donc pour rôle d’approcher les sociétés pétrolières internationales, de négocier les contrats E&P (d’exploration et de production) et de veiller quotidiennement à la bonne application des décrets d’application votés et des clauses signées avec les entreprises étrangères.


Découverts à 1 634 mètres de profondeur, les fonds marins libanais abriteraient 3 454 milliards de mètres cubes de gaz et 1,7 milliard de barils de pétrole, selon une étude américaine du US Geological Survey. « Et même si les chiffres varient selon les sources et qu’aucune estimation officielle sur la valeur de ces réserves n’est encore disponible, il est toutefois certain que la découverte de la présence de ces gisements d’hydrocarbures offre une source de revenus gigantesques aux pays concernés », souligne M. Yaghi. Pour référence, Israël, qui a pris de l’avance par rapport au Liban, possède un réservoir équivalant à 300 milliards de dollars. Et selon les études menées depuis plus de dix ans par des sociétés étrangères, la capacité du Liban est nettement supérieure. Selon l’expert pétrolier, « les revenus de cette découverte permettraient de couvrir dix fois la taille des dettes du pays ». Pour rappel, en janvier dernier, le Premier ministre Nagib Mikati avait même annoncé la création d’un fonds réservé aux recettes de l’exploration du pétrole et du gaz, dans le but de réduire la dette publique, qui représente près de 130 % du PIB.

Le Liban a pris du retard dans le dossier
Mais selon M. Yaghi, le Liban est encore loin de pouvoir bénéficier des recettes dues à l’exploitation de ses ressources en hydrocarbures offshore, « il lui faudrait encore au moins dix ans, et cela dans le cas où les premiers appels d’offres auraient effectivement lieu à la date annoncée, c’est-à-dire avant la fin de l’année ». Et le temps presse. Certains experts accusent le gouvernement libanais d’avoir négligé ce dossier en prenant du retard dans la mise en place des dispositions légales pour s’attaquer au forage. C’est au début des années 2000 que le gouvernement commence à montrer de l’intérêt pour ses ressources en hydrocarbures offshore. Il fait alors appel à la société britannique Spectrum qui établit une étude sismique de la zone en 2D. Les résultats sont déjà très prometteurs. En 2006, la société norvégienne Petroleum Geo Services entame une exploration en 3D. Ses résultats ne font que confirmer les études réalisés précédemment par Spectrum. Quelques mois plus tard, et dans le cadre de son fonds pour l’aide internationale, le gouvernement norvégien aide le Liban à la rédaction d’un texte de loi concernant l’exploitation offshore de ses hydrocarbures. Mais ce n’est que quatre ans plus tard, en août 2010, que le gouvernement libanais approuve la loi-cadre. Depuis, le ministère de l’Énergie et de l’Eau œuvre pour la mise en place de décrets d’application. Enfin, il y a un an, le Parlement adopte la loi établissant la zone économique exclusive maritime du Liban (ZEE), soit l’espace maritime sur lequel l’État côtier dispose du droit souverain d’explorer et d’exploiter les fonds marins.

Les appels d’offres
L’annonce de la première phase de l’appel d’offres devrait être officiellement déclarée à la fin de cette année pour une durée de six mois. Au cours de cette période, l’Autorité de régulation devra évaluer les propositions d’environ 35 entreprises intéressées par l’exploration des eaux libanaises et ayant acheté toutes les informations et études produites sur le dossier. Une liste d’environ six participants sera recommandée pour les négociations finales avec le ministère de l’Énergie et de l’Eau. L’accord final devra porter sur un consortium de trois sociétés qui s’engageront pour une période de dix ans.
« Ce consortium aura pour fonction d’investir en équipements, explorer et effectuer les forages pétroliers. Et en cas de découverte commerciale, ces puits pétroliers ou gaziers seront soumis à de nouveaux appels d’offres pour un contrat de 20 à 30 ans avec le gouvernement libanais », souligne M. Yaghi.


« Le forage d’un seul puits coûte environ 150 millions de dollars, selon sa profondeur et la ceinture de sel qui l’enveloppe », explique l’expert. Le consortium d’opérateurs et investisseurs ayant remporté le contrat couvre dans un premier temps tous les coûts de l’opération et les risques qu’elle comporte. En cas de découverte de gisements exploitables, ces coûts sont rapidement recouvrés pendant les cinq premières années de production. Ensuite, à partir de la sixième année, les bénéfices sont partagés entre le gouvernement libanais et le consortium.
« En parallèle, tous les deux ans, de nouveaux appels d’offres seront lancés, afin que les opérations d’exploitation couvrent toute la ZEE qui est divisée en plusieurs blocs, chacun lié à un contrat différent », poursuit M. Yaghi.

Nombreuses interrogations
En décembre 2010, quand Israël signe un accord frontalier avec Chypre pour délimiter sa ZEE, les frontières ne concordent pas avec le tracé libanais, dont les délimitations avaient été conclues trois ans auparavant dans un autre accord avec Chypre. Les chiffres varient selon les sources, mais Israël empiéterait sur 1 500 km² des 25 000 km² de la ZEE libanaise. « L’erreur est due à la délégation libanaise qui, en signant les délimitations de son espace maritime avec Chypre, a donné son accord sur le point 1 Sud, qui est situé à 10 miles plus au nord que le point 23, qui est le point de rencontre entre les zones chypriotes, israéliennes et libanaises », explique M. Yaghi. Mais selon lui, ce problème n’est pas le plus handicapant et il exclut toute possibilité de guerre avec Israël autour de ce dossier. « Les investissements en mer sont tellement importants et les installations offshore israéliennes à quelques kilomètres seulement des côtes libanaises que le gouvernement hébreu ne prendra jamais le risque de voir des milliards de dollars détruits en un seul tir d’obus, ses intérêts économiques sont bien plus importants », estime l’expert pétrolier.
« Le problème essentiel est local et concerne la gestion du dossier au sein même du gouvernement », ajoute M. Yaghi, qui critique fermement la décision prise concernant la structure de l’Autorité de régulation. « Les six membres ne vont pas être nommés en fonction de leurs compétences, mais selon leur confession et leurs affinités politiques », regrette l’expert. Selon lui, la commission comportera donc un sunnite, un chiite, un druze, un maronite, un catholique et un orthodoxe, « issus des métiers de l’administration ou du droit mais pas des experts géologues ou des économistes en pétrole comme il se devrait ». De son côté, le ministère de l’Énergie et de l’Eau n’a pas souhaité se prononcer sur le sujet avant la nomination de l’Autorité de régulation.


Parallèlement, il y a deux semaines, Business Monitor International (BMI) publiait une étude dans laquelle il estimait que le Liban allait encore faire traîner ce dossier en raison de risques politiques persistants combinés aux différentes querelles au sein même du gouvernement. « Et pourtant, ce dossier constitue vraiment l’avenir du pays et tout le monde aurait intérêt à le garder loin des éternelles pratiques de corruption », conclut M. Yaghi. Peut-on rêver ?

On attendait depuis des mois la nomination de l’Autorité de régulation du dossier pétrolier, mais elle n’a finalement pas eu lieu hier soir en Conseil des ministres comme prévu. « Cette commission est la clé de voûte pour l’exploration des hydrocarbures au large des côtes libanaises et sans sa nomination, il est impossible d’avancer sur le dossier », explique à L’Orient-Le...

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