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Culture - Salon du livre / Rencontre

Pour Andrée Chedid, « l’amour est toute la vie »...

Pour son neuvième opus, après essais et romans, Carmen Boustani a choisi d'écrire la biographie d'Andrée Chedid, née au Caire, résidant un certain temps au Liban et vivant définitivement à Paris.

Carmen Boustani, analyste-décrypteuse des textes francophones, surtout féminins, du monde arabe. Photo Michel Sayegh

Aujourd'hui, avec la parution d'Andrée Chedid, L'écriture de l'amour (Flammarion, 391 pages), une grande lacune dans l'univers des études sur la littérature francophone est comblée. Rencontre avec Carmen Boustani, une amie de longue date de l'auteure de La cité fertile et analyste-décrypteuse des textes francophones, surtout féminins, du monde arabe.

Les cheveux coupés mi-longs, le tailleur élégant, la voix douce et bien posée, les bijoux au cou et aux doigts discrets, le regard un peu triste (« tant, dès l'aéroport, le chaos et l'odeur nauséabonde des déchets sont dans le paysage », dit-elle) Carmen Boustani pose la main sur le pavé écrit qu'elle vient de ramener de Paris. Un ouvrage à la présentation lumineuse, qui a pris deux ans de recherche, étayé d'une documentation fouillée et passée au crible d'une étude de texte qui ne laisse rien au hasard. Ainsi que de nombreuses rencontres, interviews et discussions avec l'entourage, les proches et les membres de la famille de l'auteure de L'enfant multiple et de Néfertiti et le rêve d'Akhenaton.

Qui est Andrée Chedid ? Pourquoi ce livre ? Questions auxquelles Carmen Boustani a répondu en toute simplicité, chaleur et spontanéité. Pour mieux retrouver une femme de lettres qui a atteint en toute dignité et force de combat ses 91 ans et dont l'œuvre (plus d'une soixantaine d'opus) entre poésies, romans, nouvelles, récits et théâtre est encore dans la mémoire. Et qui de sa plume fidèle et humaine a toujours eu le regard bienveillant et compassionnel sur un Liban en proie à la dévastation et la destruction.

Pourquoi avoir choisi Andrée Chedid dans la cohorte de femmes (et d'hommes) de lettres francophones qui pointent en ce moment à l'horizon?
C'était une amie. À notre actif, plus d'un quart de siècle d'amitié. C'était aussi une promesse entre elle et moi que ce livre verrait le jour. Le point de départ, c'est l'écriture, bien entendu, mais c'est surtout parce que c'était une Orientale. Je l'ai fréquentée, même quand elle avait la maladie d'alzheimer (qu'elle appelait la maudite !) à la fin de son parcours. La cohésion est restée malgré les rides, les troubles de santé et l'âge. Je suis émue par ce livre à cause d'un sentiment de mélancolie et la finitude des choses... Quoique j'ai voulu la plus scrupuleuse des objectivités, la subjectivité prend quand même parfois le dessus...

Quelle impression avez-vous de cette vie ?
C'est une femme exceptionnelle. Irremplaçable. C'est une orientale qui a été une jeune femme libre et s'est imposée dans le paysage littéraire parisien. Elle était fidèle à l'Orient qu'elle portait en elle. « Le Nil est le plus beau fleuve du monde », disait-elle. Son écriture est existentielle. Elle s'est engagée dans les guerres de l'Orient. Il n'y avait pas d'écart entre être une femme et une romancière. Rien d'autobiographique ne transparaît dans ses livres, mais elle se cache bien derrière tout l'écran romanesque. C'était une belle femme et j'étais impressionnée par ses grands yeux pour accueillir toujours l'autre. On la retrouve aussi bien au théâtre que dans les essais, les romans, les poésies. Il y a là l'amour du prochain. Elle cherche le sens de l'univers, c'est bien d'une quête double qu'il s'agit : existentielle et spirituelle. L'amour était l'assise de sa vie. Elle le disait d'ailleurs : « L'amour est toute la vie. Il est vain de prétendre qu'il peut y avoir d'autres équilibres... ». C'est l'entité à deux personnes qui mène à Dieu. Et le paradoxe, tous ses romans mènent à la mésentente et l'amour malheureux...

Quelle est, selon vous, sa plus belle poésie ?
Son premier recueil, Seul le visage. Il traduit toute sa philosophie des lettres... Il parle de ce qui permet d'avoir accès à l'être par les détails des visages.

Le corps est-il de moindre importance ?
Le corps est omniprésent dans cette écriture ; il est le rythme biologique de la phrase, comme si j'écoutais sa voix charnelle. Comme si les mots sortaient de son corps et criaient sur la page. Les mots sont des êtres vivants à la vie autonome.

Et quel est son plus beau livre ?
J'ai aimé tous ses livres. Celui qui m'a le plus marquée est sans doute L'autre. Il traduit l'ouverture justement à l'autre. Mais il y a aussi La maison sans racines, sur la guerre du Liban. C'est une partie d'Andrée Chedid dans ses personnages.

Son fils Louis, son petit fils Mathieu, M, et tous les autres jeunes de la famille Chedid qui s'adonnent à la musique, les avez-vous aussi rencontrés ?
J'aimerais dire que la rencontre avec son mari Louis a été pour moi une occasion de découvrir l'intelligence, l'humour et les traits d'esprit d'un homme remarquable. J'ai apprécié aussi la confiance que m'a accordée aussi sa fille Michèle. J'ai rencontré Mathieu, mais pas son fils Louis... En fait, Andrée Chedid voulait enseigner la langue française à ses fils et petits-fils, elle s'est ainsi transformée en parolière pour leurs chansons. Et c'est ainsi qu'elle a, une fois de plus, décroché un prix, celui de la Francophonie.

À qui s'adresse ce livre ?
À tout lecteur. Chacun trouve ce qu'il cherche...

Entre les deux rives où sa vie s'est écoulée, vous auriez aimé qu'elle soit libanaise ou égyptienne ?
J'aurais voulu, bien entendu, qu'elle fût libanaise. Elle disait que l'Égypte l'habitait et que le Liban était le pays de ses racines et elle lui vouait un grand attachement. Et c'est sur sa guerre qu'elle a écrit...

Quelle part secrète ou inconnue éclaire ce livre ?
Je fais découvrir un auteur qui a été très discret, qui n'a jamais parlé de lui.

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Rendez-vous au Biel

La signature du livre Andrée Chedid, L'écriture de l'amour de Carmen Boustani aura lieu au Salon du livre (Biel) le jeudi 10 novembre à 18h, salle 1, au stand de la librairie Le Point. Il y aura aussi une table ronde autour du thème « Andrée Chedid, le défi biographique », avec comme intervenants Tarek Mitri, Renée Herbouze, May Menassa et l'auteure Carmen Boustani.



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