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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les enjeux des frappes US à Syrte

Barack Obama a rappelé que les frappes de l'armée américaine contre l'EI en Libye relevaient de la « sécurité nationale » de son pays et de ses alliés européens.

Un combattant des forces progouvernementales tirant un obus d’un tank T-55, hier contre l’EI à Syrte. Goran Tomasevic/Reuters

En juin 2015, la branche libyenne du groupe État islamique établissait ses quartiers à Syrte, berceau du clan Kadhafi, après avoir échoué à s'implanter à Derna. Près d'un an plus tard, le 12 mai 2016, une offensive, au nom sans équivoque, Libération de Syrte, était lancée par le gouvernement d'union nationale (GNA) pour reprendre la ville. Mais, malgré le siège de la cité démarré le 9 juin dernier, les combats se sont enlisés et les forces jihadistes continuent de résister. Cela explique probablement pourquoi, lundi, Washington a autorisé ses avions de combat à mener leurs premiers raids à Syrte. Pour justifier cette décision, le porte-parole du Pentagone, Peter Cook, a réaffirmé la volonté des États-Unis à « frapper l'EI partout où il pointe son nez ».

Celui-ci a en outre assuré que les frappes aériennes « se poursuivraient aussi longtemps que (le gouvernement libyen) le réclame ». Le président américain Barack Obama avait préalablement donné son feu vert après avoir répondu à l'appel à l'aide du fragile gouvernement de Tripoli. Sept frappes ont encore été menées hier selon la Maison-Blanche. C'est la première fois que les États-Unis appuient des forces libyennes engagées sur le terrain.

Quelques heures après l'annonce des frappes américaines à Syrte, les forces progouvernementales ont pu entamer une percée significative. Dans un article paru lundi dans le New York Times, des responsables américains estiment qu'il y aurait moins de 1 000 combattants de l'EI à Syrte. Ces hauts dignitaires affirment que les avions américains pourraient donner un avantage décisif aux attaquants et les aider à sortir de l'impasse sur les différents fronts au sud et à l'est de la ville.

 

(Portrait : Haftar, un général controversé au cœur de la crise en Libye)

 

Faubourgs de Syrte
« Les forces progouvernementales avaient besoin de cet appui militaire américain », explique Kader Abderrahim*, maître de conférences à Sciences-Po Paris et chercheur à l'IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). Après plusieurs mois à piétiner autour de la ville, aucun progrès n'était en vue. Mais « un appui aérien conséquent leur permet d'entrer dans les faubourgs de Syrte », poursuit-il.

Barack Obama a jugé hier que les frappes menées par ses forces armées contre l'EI à Syrte, en Libye, relevaient de la « sécurité nationale » de son pays et de ses alliés européens. « Il est dans l'intérêt de la sécurité nationale de l'Amérique, dans notre combat contre l'EI, de faire en sorte qu'elles (les forces libyennes) puissent terminer le travail », a justifié M. Obama lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche. Cependant, une coalition internationale contre l'EI en Libye, comme déjà établie en Syrie et en Irak, semble peu probable pour l'heure. « Obama est en fin de mandat et n'a pas l'intention de se laisser entraîner dans un nouveau conflit dont il ne maîtrisera absolument pas les évolutions », estime M. Abderrahim.

Il y a quelques semaines, trois militaires français ont été tués par des miliciens islamistes près de Benghazi, selon les déclarations du ministère de la Défense, confirmant ainsi pour la première fois la présence de soldats français dans ce pays. Mais des frappes françaises contre l'EI en Libye ne semblent pas, pour l'instant, d'actualité. « S'il devait y avoir une intervention militaire occidentale, celle-ci devrait être réclamée par le gouvernement de Fayez el-Sarraj, ce qui n'est pas son intention ni son intérêt sur le plan politique », explique M. Abderrahim.

Fragilisé par la concurrence de l'autorité de Tobrouk et par sa dépendance envers les milices de Misrata, le gouvernement Sarraj a besoin d'une victoire contre l'EI pour gagner en légitimité. Mais l'appui occidental, nécessaire à cette victoire, pourrait lui valoir de nombreuses critiques dans un pays où toute action extérieure est dénoncée comme une entreprise colonialiste. « Ces frappes ont été demandées et assumées par Fayez el-Sarraj », note Kader Abderrahim. Reste à savoir si les différentes milices qui combattent l'EI au sol accepteront de coopérer avec l'aviation américaine.

 

* « Daech : Histoire, enjeux et pratiques de l'État islamique» (éditions Eyrolles-septembre 2016)

 

 

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En juin 2015, la branche libyenne du groupe État islamique établissait ses quartiers à Syrte, berceau du clan Kadhafi, après avoir échoué à s'implanter à Derna. Près d'un an plus tard, le 12 mai 2016, une offensive, au nom sans équivoque, Libération de Syrte, était lancée par le gouvernement d'union nationale (GNA) pour reprendre la ville. Mais, malgré le siège de la cité...

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