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Liban - Liban-Sud

À Rmeich, plus de 60 personnes toujours derrière la frontière

Pour le père Nagib Amil, la situation sera réglée quand une solution globale sera trouvée pour le Moyen-Orient...

Le père Nagib Amil, responsable de la paroisse de Rmeich.

Le père Nagib Amil ne mâche pas ses mots. L'homme, originaire de Rmeich et responsable de la paroisse de ce village exclusivement maronite de la bande frontalière, a toujours été très proche et très apprécié de ses paroissiens. Le père Amil était déjà en fonction sous l'occupation israélienne.

Plus de 550 personnes, miliciens de l'Armée du Liban-Sud (ALS) ou ayant travaillé en Israël, avaient quitté le village pour l'État hébreu par peur des représailles du Hezbollah. Aujourd'hui, il ne reste plus que 60 personnes originaires de Rmeich en Israël, elles vivent dans des localités proches de la frontière de leur village.

Le prélat donne le ton : « Il faut les oublier, leur situation ne sera réglée qu'avec un règlement global du conflit du Moyen-Orient et ce n'est pas demain la veille. Comment voulez-vous qu'ils reviennent, alors qu'on a entendu récemment des personnes à la télé et à la radio appeler à juger à nouveau ceux qu'ils appellent les agents d'Israël car ils estiment que les premiers jugements rendus n'étaient pas assez durs ? » s'insurge-t-il.

« Les habitants du village qui sont toujours de l'autre côté de la frontière ont fait leur vie là-bas. Certains sont morts, se sont mariés ou ont eu des enfants en Israël. Ils ont du travail et leurs enfants sont scolarisés. À Rmeich, jusqu'à présent, lors des dernières élections municipales, 150 personnes n'ont pas pu voter. Elles sont toujours dépouillées de leurs droits civils. Certains aussi sont toujours frappés de mandats d'amener presque permanents et ils peuvent à chaque instant faire l'objet de poursuites judiciaires ou d'interrogatoires », dit-il.

(Pour mémoire : Liban : le Parlement adopte la loi sur le retour des réfugiés en Israël)

Notons dans ce cadre que les personnes jugées pour intelligence avec l'ennemi sont dépouillées durant plusieurs années de leurs droits civils : elles ne peuvent pas, notamment, voter, renouveler un permis de conduire ou entreprendre des démarches pour l'obtention d'un passeport.

Le dossier des enfants nés en Israël et rentrés ensuite avec leurs propres enfants au Liban a été réglé à Rmeich. Le problème s'était posé durant plusieurs années, les administrations libanaises ne reconnaissant pas l'État d'Israël, elles sont incapables de délivrer des certificats de naissance à des enfants nés sur son territoire.
Soulignons aussi que sous l'occupation israélienne, des centaines de Libanaises ont accouché au fil des ans dans les hôpitaux de Haïfa, la bande frontalière ayant été longtemps coupée du reste du Liban. Le lieu de naissance de leurs enfants, inscrit sur les papiers officiels libanais, est le village d'origine de la famille, comme si ces enfants étaient nés à la maison.

(Lire aussi : II- Au Liban-Sud, le terrible calvaire des parents qui attendent un impossible retour)

 

La question de Berry
« Nous avons fait notre possible pour aider ceux qui sont rentrés, notamment au début, concernant leur retour, et ensuite, leur situation en prison puis leur remise en liberté, et cela en frappant aux portes de personnalités influentes. Certaines ont été assez compréhensives, en raison de la situation. Aujourd'hui, nous ne connaissons plus personne au sein de l'État libanais. On ne peut plus rien faire », explique-t-il.
Il raconte avoir une fois parlé au président de la Chambre Nabih Berry du dossier des Libanais en Israël. « Il m'a répondu par une question. Il m'a demandé : "Est-ce que tu peux assurer leur sécurité si ces personnes rentrent au Liban?" Et je pense que tant que la situation est comme ça, il a bien raison », dit-il.
« Nous tentons dans la mesure de possible de les aider, l'évêque maronite de Jérusalem Moussa el-Hajj est en contact permanent avec eux. Rmeich n'est pas le seul village chrétien à la frontière avec Israël à être dans cette situation. Il y a notamment Alma el-Chaab, Debl, Kawzah, Aïn Ebel, Bourj al-Moulouk, Kleiya et Marjeyoun. Souvenez-vous de la situation en mai 2000 et de la peur qui avait régné dans les villages de la bande frontalière avant le retrait israélien. Cela avait poussé plus de 5 000 chrétiens, tous villages confondus, à partir », poursuit-il.

Rappelons que quelques semaines avant le départ des troupes de l'État hébreu du Liban, les miliciens du Hezbollah avaient menacé des pires représailles tous ceux qui avaient travaillé avec Israël. Mais les chrétiens ne sont pas les seuls à être partis. Il y avait aussi de nombreux druzes et chiites.

Le père Nagib Amil tient à rappeler ce qu'était la bande frontalière avant 2000. « Nous avons depuis toujours été délaissés par l'État. Durant 25 ans (sous l'occupation israélienne), l'État nous a complètement oubliés... et puis il a fallu rendre des comptes. Nous avons tout accepté pour revenir dans le giron de cet État », dit-il avec beaucoup d'amertume. « Vous savez, le village n'avait ni eau ni électricité. Nous recevions notre eau et notre électricité d'Israël. Jusqu'en 2005, cinq ans après leur retrait, les Israéliens n'ont pas coupé l'eau du village. L'eau en provenance de l'Office libanais des eaux est arrivée bien après le retrait israélien du Liban », souligne-t-il en conclusion.


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