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Moyen Orient et Monde - Reportage

Jerusalem Pride March : la parade de la discorde

De nombreuses associations LGBT palestiniennes – mais pas toutes – refusent de collaborer avec des organisations israéliennes.

Khader Abou Seif (à gauche), militant palestinien des droits LGBT et personnalité de la scène culturelle gay de Tel-Aviv, faisant le tour des intervenants pour une émission en ligne. Photos Emma Blanchard

Malgré un climat tendu après plusieurs déclarations homophobes de personnalités publiques ces dernières semaines, la marche des fiertés de Jérusalem a réuni près de trois fois plus de manifestants que prévu : 25 000 personnes ont défilé au milieu de drapeaux arc-en-ciel, d'hommes portant des voiles de mariées, de femmes arborant des moustaches autocollantes et de banderoles dénonçant la discrimination. Rien ne manquait lors de la 15e édition de l'événement jeudi soir. Sauf peut-être les Palestiniens...

« Nous travaillons pour et au sein des communautés palestiniennes, nous n'avons aucun intérêt à collaborer avec des organisations israéliennes – LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) ou pas. Nous considérons la société israélienne comme une société coloniale et nous refusons de collaborer avec elle », écrit Hanin Maiki, directrice d'al-Qaws, la principale institution LGBT palestinienne, basée à Jérusalem. Comme de nombreux militants palestiniens, al-Qaws a appelé au boycott de manifestations telles que la célèbre Gay Pride de Tel-Aviv, dénonçant le « pinkwashing » de l'État hébreu – une stratégie de communication qui consiste à promouvoir les droits LGBT avec pour objectif principal de se donner une image progressiste et ouverte.

Dans les déclarations d'organisations telles qu'al-Qaws, Aswat (une association lesbienne palestinienne installée à Haïfa) ou Pinkwatching (une association de Palestiniens surveillant ce qui peut être considéré comme de la propagande israélienne), les principes sont simples : impossible de s'associer à une communauté, même autour d'un combat pour la tolérance et le respect des droits, quand celle-ci est par ailleurs puissante occupante.

Cette ligne idéologique ne convient pas à tout le monde. À l'entrée du parc de la Cloche de la liberté, un homme à l'allure d'elfe mutin virevolte entre les stands de diverses associations israéliennes de défense des communautés LGBT. Grand sourire, houppette blond platine sur cheveux bruns, micro à la main... Khader Abou Seif est un militant palestinien des droits LGBT, originaire de Jaffa, ancienne ville palestinienne désormais intégrée à Tel-Aviv. Personnalité de la scène culturelle et festive gay de Tel-Aviv, il a gagné encore davantage de popularité après avoir participé à plusieurs documentaires sur le quotidien des Palestiniens LGBT en Israël. On découvrait notamment son quotidien avec son ami, un Israélien juif. Khader est venu de Tel-Aviv et fait le tour des intervenants pour une émission en ligne, blaguant avec d'autres figures engagées.

« La plupart de la communauté LGBT palestinienne ne seront pas là aujourd'hui malheureusement. C'est pourtant très important, a fortiori cette année, quand cette marche porte avant tout un combat pour la tolérance vis-à-vis de tout le monde, pas seulement des Israéliens, des juifs ou des gays », explique le trublion, les deux joues barrées de drapeaux multicolores. Aux accusations de propagande, il rétorque : « Je ne pense pas que cette marche puisse être assimilée à du "pinkwashing" puisqu'elle est bien plus politique, il s'agit de droits et d'égalité, c'est différent de celle de Tel-Aviv. » La manifestation à Tel-Aviv rassemble chaque année en juin près de 200 000 personnes venues du monde entier et elle est connue pour son ambiance particulièrement théâtrale et légère.


(Pour mémoire : Perpétuité pour un juif ultra-orthodoxe ayant tué une adolescente à la Gay Pride de Jérusalem)

 

« Une telle animosité... »
En comparaison, la marche des fiertés de Jérusalem rassemble en moyenne 10 000 personnes et se déroule souvent dans un climat assez tendu, la ville sainte étant nettement plus conservatrice que sa voisine côtière. Dans le cortège, rares sont les pancartes en arabe, à l'exception de celle de l'organisation Omdim Beyachad (Ensemble debout), qui se définit comme « juive arabe » et qui défend la coexistence. On lit en hébreu et en arabe : « Ensemble debout contre les crimes de haine. » Uri, l'un des membres de l'association, regrette le manque de diversité de la manifestation. Il explique que l'an dernier, quelques heures après l'assassinat de Shira Banki, une jeune fille de 16 ans poignardée à mort par un ultraorthodoxe dans le cortège, des colons incendiaient une maison de Douma en Cisjordanie, provoquant la mort d'un nourrisson et de ses parents, et conclut : « Nous avons besoin d'unité contre toutes ces violences, toutes soutenues par l'extrême droite israélienne. »

 

(Lire aussi : Les travestis de Jérusalem bousculent les conventions)

 

Très proche de la communauté gay palestinienne, un jeune ne s'étonne pas de l'absence de représentation palestinienne et rappelle les difficultés de mobilité des habitants de Cisjordanie pour accéder à Jérusalem : permis, barrages... Il ajoute : « Il y a aussi une telle animosité à Jérusalem, où tout est politique, que des Palestiniens peuvent avoir peur de rejoindre la manifestation. En plus, il y a moins de monde qu'à Tel-Aviv, moins d'anonymat, donc ils peuvent aussi avoir peur d'être exposés, reconnus... »

Athir est une Palestinienne de 28 ans vivant à Jérusalem. Elle participe à la Pride March pour la première fois. Les 2 000 policiers mobilisés pour encadrer l'événement ne la rassurent pas : « Ici, vous avez des unités de police particulière, ce sont les mêmes qui vont réprimer les manifestations des Palestiniens de Jérusalem-Est, et je ne sais pas si je devrais me sentir protégée, car je me demande s'ils ne pourraient pas me tuer, juste parce que je parle arabe, ou si je me mets à courir juste pour rejoindre des amis ? Il y a eu tellement d'exécutions sommaires ces derniers mois... », dit-elle. La jeune femme se pose encore beaucoup de questions sur la légitimité de sa présence ici : « Bien entendu, j'ai peur d'être utilisée par la propagande, mais je viens pour montrer aux Palestiniens que quelqu'un de leur culture, de leur langue, peut participer à un tel événement, peut se poser des questions sur le genre, la sexualité... et surtout qu'ils ne sont pas seuls ! » conclut-elle.

 

Pour mémoire
"Marche des salopes" dans les rues de Jérusalem contre les violences sexistes

Malgré un climat tendu après plusieurs déclarations homophobes de personnalités publiques ces dernières semaines, la marche des fiertés de Jérusalem a réuni près de trois fois plus de manifestants que prévu : 25 000 personnes ont défilé au milieu de drapeaux arc-en-ciel, d'hommes portant des voiles de mariées, de femmes arborant des moustaches autocollantes et de...

commentaires (1)

c'est drôle ...ce début de 21ème siècle frivole ....les anti-hétéros ...accusent régulièrement les gens d'homophobie...alors , qu'ils n'ont rien demander...? , question subsidiaire ..., pourquoi des minorités veulent 'elles imposées des logiques sexuelles absurdes ...? du style, tout le monde doit être, l'égal de de la différence de autres ...!

M.V.

13 h 15, le 23 juillet 2016

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Commentaires (1)

  • c'est drôle ...ce début de 21ème siècle frivole ....les anti-hétéros ...accusent régulièrement les gens d'homophobie...alors , qu'ils n'ont rien demander...? , question subsidiaire ..., pourquoi des minorités veulent 'elles imposées des logiques sexuelles absurdes ...? du style, tout le monde doit être, l'égal de de la différence de autres ...!

    M.V.

    13 h 15, le 23 juillet 2016

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