Le Liban a annoncé en mai son adhésion au Forum mondial sur la transparence fiscale. En quoi cela était-il important dans le contexte actuel ?
Nous sommes très enthousiastes car l'adhésion du Liban au Forum mondial et son engagement à appliquer la norme CRS (dès septembre 2018) constituent un message très positif.
Le monde se dirige vers de plus en plus de transparence fiscale depuis déjà plusieurs années. Mais suite à plusieurs scandales, comme celui de la banque suisse UBS qui a éclaté en novembre 2008 (lorsque des banquiers américains ont facilité l'évasion fiscale de certains clients), les membres du G20 ont demandé au Forum mondial (une organisation intergouvernementale ayant pour but d'assurer l'application des normes internationales d'échange d'informations fiscales) de mettre en place une norme d'échange d'informations fiscales sur demande et de s'assurer de son implémentation. Nous menons donc des évaluations par les pairs sur l'implémentation de ce standard. En 2010, nous avons évalué le Liban et avions identifié des lacunes au niveau de son cadre légal pour permettre cet échange. Le Liban avait alors été relégué, avec 11 autres pays, dans le groupe de ceux ayant été jugés inaptes à passer à l'étape suivante.
D'abord parce que le Liban n'avait pas de législation permettant l'accessibilité des données par les autorités fiscales ni de loi interdisant les actions au porteur. De plus, son réseau de traités bilatéraux avait été jugé obsolète car il ne permettait pas l'échange d'informations fiscales.
Puis après l'affaire des Panama papers, considérée comme un tsunami dans le monde de la transparence fiscale, les gouvernements ont été d'autant plus préoccupés par cette question. Je sais d'ailleurs qu'il y avait de nombreux comptes de Libanais révélés dans les Panama papers...
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Quelles mesures doit prendre le Liban pour se mettre en conformité avec ces normes internationales ?
Le Forum mondial évalue l'implémentation de la norme d'échange d'informations sur demande. Le Liban doit mettre en place cette norme et certaines mesures qui avaient déjà été pointées du doigt lors du dernier rapport d'évaluation du Forum mondial doivent être prises avant la fin de cette évaluation, prévue pour septembre. Bien que la Banque centrale ait pris (en février dernier) des mesures à l'encontre des actions au porteur en interdisant au secteur financier de traiter avec des entreprises ayant ce type d'actions, cela n'est pas suffisant. Ensuite, pour mettre en place le système d'échange automatique d'informations, le Liban devra ratifier la convention multilatérale d'assistance mutuelle en matière fiscale, et ce avant la fin de l'année 2016.
Il y a donc beaucoup à faire en peu de temps et nous sommes conscients de la réalité politique du pays et de la difficulté à changer les lois. Mais nous avons vu une vraie volonté de la part du Liban, donc tout est possible. Ces quelques mois seront difficiles, mais le jeu en vaut la chandelle.
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Que risque le Liban si ces mesures ne sont pas prises dans les délais impartis ?
Je ne peux pas promettre que si toutes les législations sont adoptées le rapport d'évaluation du Forum mondial sera positif car c'est à ses membres d'en décider. Par contre, si rien n'est fait avant septembre, le Liban sera certainement désigné comme juridiction « non conforme » (les statuts possibles étant : « conforme », « largement conforme », « partiellement conforme » et « non conforme »). Pour l'instant, aucune juridiction n'est désignée de la sorte par le Forum mondial, et en octobre les évaluations de toutes les juridictions seront complétées. C'est donc la dernière opportunité donnée au Liban pour modifier sa législation, avant de se voir désigné comme non conforme.
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De plus, les institutions internationales et organisations peuvent utiliser ce résultat pour développer des listes de pays non coopératifs ou de pays qui ne respectent pas les règles internationales, comme par exemple l'Union européenne (qui a déclaré le 6 avril vouloir préparer une liste noire des paradis fiscaux). Donc en n'implémentant pas ces standards, le Liban prend le risque d'être mal noté par la communauté internationale.
L'OCDE prépare également les critères permettant de désigner les pays non coopératifs, qui seront définis dans le courant du mois et transmis au G20. Ces critères regrouperont sûrement à la fois les résultats des évaluations du Forum mondial, l'existence d'une convention multilatérale sur l'échange de renseignements signée ainsi que l'engagement à l'adoption de la norme CRS. Suite à cela, l'OCDE commencera à inscrire des noms sur cette liste, selon son propre calendrier.
Enfin, les bailleurs de fonds internationaux, comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd, qui a accepté la demande d'adhésion du Liban en son sein en décembre 2015) ou la Banque mondiale pourront se référer aux résultats des évaluations du Forum mondial pour décider de mener à bien ses financements de projets.
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08 h 12, le 15 juillet 2016