Les attentats de Qaa continuent d'occuper les scènes médiatique et politique, chaque partie les interprétant selon ses intérêts politiques propres. Les divergences portent sur deux points essentiels : l'objectif réel des kamikazes et leur lieu d'origine.
Concernant la destination finale, le premier à réagir avait été le chef des Forces libanaises Samir Geagea qui avait commencé par affirmer que Qaa n'est pas l'objectif des kamikazes. Cette réaction avait été interprétée par les milieux du 8 Mars comme une façon indirecte de justifier les attentats en laissant entendre qu'ils étaient destinés à des régions chiites en riposte à l'intervention du Hezbollah dans les combats en Syrie. Après la seconde vague d'attentats, le soir même, le chef des Forces libanaises s'était rétracté avant de revenir à la charge dans un entretien accordé hier au quotidien al-Akhbar. Dans cet entretien, Geagea a donc réaffirmé que Qaa n'était pas la cible des kamikazes et ceux-ci ont dû se faire sauter parce qu'ils ont été découverts par un des habitants. Concernant les attentats du soir, Geagea a estimé que ces quatre kamikazes faisaient partie du même groupe que celui du matin et ils se sont fait exploser parce qu'ils se sont retrouvés isolés...
(Lire aussi : Salam : La bataille contre le terrorisme sera longue)
D'un côté, il s'agit donc pour le chef des FL et ceux qui défendent cette thèse de rassurer les chrétiens des villages frontaliers en essayant de les convaincre qu'ils ne sont pas la cible prioritaire de Daech et de ses semblables. De l'autre, il s'agit de dénoncer l'intervention militaire du Hezbollah en Syrie, pour la rendre responsable de la volonté de Daech de s'étendre au Liban, alimentant ainsi la polémique politique. Mais plus important que ces objectifs, le souci principal du camp hostile au Hezbollah est de l'empêcher de faire croire aux chrétiens, et aux Libanais en général, que la menace que représente Daech est collective et englobe tout le Liban, confortant ainsi la thèse défendue par le Hezbollah qui affirme contribuer à la protection et la défense du pays et de sa population, toutes confessions confondues.
Il faut toutefois signaler, dans ce contexte, que le responsable des Forces libanaises, le général à la retraite Wehbé Katicha, a de son côté estimé que les kamikazes et ceux qui les manipulent souhaitaient transformer Qaa en un nouveau Nahr el-Bared (en 2007 ce camp palestinien était devenu le fief du groupe terroriste islamiste Fateh el-islam. Ce qui a contraint l'armée à mener une bataille de trois mois pour défaire ce groupe). Selon Katicha, il s'agissait donc de commencer par attaquer le barrage de l'armée devant la bourgade avant de prendre le contrôle de celle-ci en terrorisant la population pour la pousser à fuir...
(Lire aussi : L'armée et les FSI en état d'alerte pour le Fitr)
La thèse qui réfute le fait que Qaa soit la destination finale des kamikazes est donc brandie par le camp hostile au Hezbollah. C'est aussi ce camp, dans son sens large, qui privilégie la thèse selon laquelle les kamikazes seraient venus de Syrie. Les raisons qui poussent ce camp à adopter cette thèse sont multiples : si les kamikazes sont venus de Syrie, cela signifie qu'ils n'étaient pas installés en territoire libanais et que ce n'est pas là qu'ils avaient planifié les attentats et préparé leurs ceintures explosives.
Cette version est donc plus rassurante pour la population. Ensuite, et c'est une raison très significative, dire qu'ils étaient au Liban, forcément donc dans des camps de déplacés syriens tout proches des localités habitées, comme Qaa ou Ersal, pourrait exacerber la colère des Libanais contre les déplacés et entraîner des réactions racistes qui ne sont pas dans l'intérêt du pays, ni bien sûr dans celui des réfugiés, sans oublier le fait qu'elles sont vivement condamnées par la communauté internationale.
C'est d'ailleurs un des messages délivrés par les responsables occidentaux en visite au Liban, le dernier en date étant le ministre danois des Affaires étrangères qui a clairement demandé à ses interlocuteurs officiels libanais de ne pas laisser la grogne et la peur des citoyens se retourner contre les déplacés syriens. Ce que les diplomates ne disent pas, c'est que si les déplacés syriens sont maltraités au Liban, ils risquent de vouloir se réfugier sous des cieux plus cléments, notamment en Europe...
Mais le fait de dire que les kamikazes viennent de Syrie a aussi une autre raison : il s'agit de faire taire les demandes de plus en plus précises, faites à l'armée libanaise, de nettoyer « les poches » de combattants extrémistes dans les jurds de Qaa, de Ersal, de Ras Baalbeck et d'autres localités, en territoire libanais. Or, il semble que depuis les premiers affrontements de Ersal, il y a bientôt deux ans, l'armée n'a jamais eu un mandat clair pour en finir avec ces poches, tantôt pour cause de présence de camps de déplacés à proximité et tantôt pour ménager les sensibilités de la population sunnite de Ersal. Depuis les élections municipales et le vote de Ersal contre ceux qui avaient des positions ambiguës à l'égard des extrémistes, il aurait dû être plus aisé de donner des instructions précises à l'armée. Mais rien n'a été fait. Au point que les milieux du 8 Mars accusent le camp du 14 Mars de vouloir maintenir béante la plaie que constituent ces poches et leur environnement, pour garder la pression sur le Hezbollah...
Une semaine après les attentats de Qaa, la tension est un peu retombée, grâce notamment aux propos rassurants du secrétaire général du Hezbollah dans son dernier discours, sur le fait que la sécurité reste bien contrôlée au Liban. Mais la polémique attend la moindre étincelle pour être relancée. Et, faute d'une enquête claire, toutes les versions sont valables et peuvent être exploitées politiquement.
Lire aussi
La République en mode « pause » pour la fête du Fitr
Le Hezbollah prône la « coopération entre l'armée et la résistance pour faire face aux terroristes »
Conseils internationaux au Liban pour l'adoption de mesures préventives
Le spectre terroriste ne hante pas encore le tourisme
Perquisitions, couvre-feu et mesures restrictives pour réglementer la présence des réfugiés syriens
Concernant la destination finale, le premier à réagir avait été le chef des Forces libanaises Samir Geagea qui avait commencé par...
ARTICLE ECRIT PRINCIPALEMENT SUR LE HAKIM... CAR SOLLICITE ! 3AL TALAB YIA KHYAR...
16 h 58, le 05 juillet 2016