Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Reportage

Un an après les attentats, le tourisme peine à se relever à Sousse

Dimanche dernier, les familles des victimes et des survivants de l'attentat ont assisté à une cérémonie de commémoration en présence d'officiels britanniques et tunisiens. Un an jour pour jour après l'attentat qui a coûté la vie à 38 touristes. Reportage dans la région de Sousse, où l'économie et les mémoires sont durablement affectées.

Sur la plage de l’hôtel Marhaba, une plaque commémorative en hommage aux victimes de l’attentat a été posée dimanche 26 juin. Fethi Belaid/AFP

Fermé, l'hôtel impérial Marhaba est figé dans le temps. Les draps blancs recouvrent les fauteuils, le bar momifié, vidé de ses chaises... Dehors, seul l'arroseur automatique est à l'heure, la pelouse est toujours aussi bien tondue et entretenue qu'avant. Au centre, la piscine ne compte plus que des flaques d'eau, souvenirs des dernières pluies. Quant à la plage, du fil barbelé en condamne l'accès.

Le 26 juin 2015, cet établissement a connu l'attaque terroriste la plus meurtrière de l'histoire de la Tunisie : 38 touristes étrangers, dont une majorité de Britanniques, sont morts sous les balles de Seifeddine Rezgui, 23 ans, qui s'est revendiqué comme membre de l'État islamique (EI). Un coup fatal au tourisme et à l'économie survenu quelques mois après l'attentat du musée du Bardo, dans la banlieue de Tunis, ayant coûté la vie à une vingtaine de visiteurs. L'été dernier, ce cinq étoiles de luxe a tenté de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en restant ouvert jusqu'à la fin de la saison estivale de 2015. En septembre, l'hôtel a « provisoirement » fermé... en profitant pour faire sa mue. La chaîne hôtelière espagnole, Riu, dont il faisait partie, a cessé ses activités dans le pays. La propriétaire de l'établissement, Zohra Driss, élue au Parlement du parti Nidaa Tounès arrivé en tête des dernières législatives, n'a qu'une hâte, tourner la page de cet événement tragique. Son établissement devrait être rebaptisé « Kantaoui Bay ».

La région de Sousse est une destination prisée par les touristes occidentaux en manque de soleil. L'industrie touristique y a débuté dès les années soixante. « Nous avons une capacité de 40 000 lits répartis sur 96 hôtels. D'habitude, ils affichent complet à cette période. Mais en ce moment, nous n'avons que neuf mille touristes présents, dont six mille Russes », regrette Foued Loued, le commissaire régional au tourisme. La crise de confiance dans le pays se reflète dans les chiffres : le nombre de touristes britanniques – le premier « marché » de la région – s'est effondré de 98 % par rapport à la saison précédente. Cela s'explique par les recommandations du gouvernement de Londres de ne pas se rendre en Tunisie.

Même si le gouvernement tunisien a obligé les hôtels à se doter de caméras de surveillance, de vigiles ou de détecteurs de métaux, l'image de la Tunisie comme destination sûre semble durablement écornée. Une inflexion qui a commencé depuis le soulèvement de 2011 et la fuite du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali en Arabie saoudite. À Sousse, qu'on surnomme « la perle du Sahel », sur les 96 hôtels, 15 ont fermé entre 2011 et 2015, et 17 autres au lendemain de l'attaque. Ceux qui sont restés ouverts se contentent d'un taux de remplissage d'un peu plus de 20 %.

(Lire aussi : Une question sociale orpheline d'un parti politique)

 

La médina nostalgique
En plus de ses plages magnifiques, Sousse se distingue par une médina préservée qui se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud de la zone touristique. Le ribat qui a servi de caserne militaire durant les conquêtes arabes du VIIIe siècle est intact, son mirador fait face au port moderne. L'activité économique dans ces ruelles couvertes ne se limite pas au tourisme de masse, les Tunisiens, en cette période de ramadan, y font leurs courses, au milieu des échoppes de souvenirs bordées de drapeaux russes et d'inscriptions en cyrillique. Un clin d'œil à l'attention de la nouvelle clientèle russe. Sur le bord d'un trottoir minuscule, les coups de marteau résonnent, saccadés et vifs. Un palmier, un chameau et un minaret se dessinent sur l'assiette en cuivre d'un jaune brillant. Mondher Chayada, installé sur le minuscule trottoir, s'affaire à graver « Tunisie 2016 », une année « moins bien que la précédente », selon ce quinquagénaire. « En 2015, nous avions encore des Belges, des Français, des Allemands et quelques Britanniques... mais cette année, il n'y a plus d'Européens. » Les Russes, eux, ne sont pas affectionnés par les artisans... « Ils n'ont pas la curiosité et la tradition d'achat de souvenirs des Européens, ils n'achètent que de l'usuel, des sacs en cuir, ou des outils », ajoute-t-il.


(Lire aussi : Pour relancer le tourisme, la Tunisie met en avant soleil, mer... et sécurité)

 

Même son de cloche chez les propriétaires de cariole, dont certains critiquent cette nouvelle clientèle prompte à marchander et hésitante à payer. « Ce n'est pas la même qualité de touristes », tranche Mondher. Même si le commissariat du tourisme attend 400 000 Russes pour cette saison « si tout se passe bien », la nostalgie du touriste « européen » est générale. Pour éviter de se retrouver avec des hôtels totalement vides, la Tunisie a dû mettre le cap à l'est, et démarcher les Russes, Ukrainiens, etc. Cependant, il a fallu baisser encore les prix. Sur des sites russes, on trouve facilement des séjours de dix jours dans un quatre étoiles, billet d'avion compris, à seulement 450 dollars. A échelle nationale sur les cinq premiers mois, les entrées d'étrangers ont beau baisser de 20 % par rapport à 2015, les recettes touristiques ont régressé deux fois plus vite frôlant les -45 %. Mais pour les commerçants de la médina, la seule éclaircie viendrait des Algériens qui devraient débouler après le Fitr sur les plages tunisiennes, mieux équipées que les leurs. L'industrie touristique est accrochée à ce fil de solidarité entre pays voisins. Un fil précaire.

 

Lire aussi

Plus qu'au référentiel islamique, « c'est à la révolution » qu'Ennahda renonce

Marzouki à « L'OLJ » : « Le monde arabe de papa, c'est fini »

« La Tunisie aujourd’hui, je dirais qu’elle n’est pas gouvernée du tout »

En Tunisie, on assiste à un mouvement de restauration qui s'est produit de manière démocratique

Fermé, l'hôtel impérial Marhaba est figé dans le temps. Les draps blancs recouvrent les fauteuils, le bar momifié, vidé de ses chaises... Dehors, seul l'arroseur automatique est à l'heure, la pelouse est toujours aussi bien tondue et entretenue qu'avant. Au centre, la piscine ne compte plus que des flaques d'eau, souvenirs des dernières pluies. Quant à la plage, du fil barbelé en...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut