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Auto - Feux toujours verts

Parlons voitures, parlons politique

Illustration par Maria Homsy

Loin d'une dénonciation, ceci est un simple communiqué pour informer de la magnanimité du gouvernement concernant le transport au Liban.
Commençons par la religion qui a le plus d'influence dans notre chère entreprise prénommée Liban, bien plus dominante que nos héros du 8 ou du 14 Mars, une divinité toute-puissante appelée dollar. Comme tout autre établissement affichant bienveillance et credo anticorruption, le gouvernement, à travers les douanes libanaises, oppose un non ferme à la tentation de se gonfler les poches de pots-de-vin. Il faut dire que les douanes n'en ont même pas besoin. Elles ont créé un concept de loin plus lucratif : la taxe sur la voiture. Après consultation de plusieurs scientifiques et professionnels du monde financier, elles ont abouti grâce à maintes recherches et simulations minutieuses à une équation juste et nette. Cette équation ambiguë et bougrement compliquée, la voici : (prix de la voiture – 8 000) / 2. Et ce n'est pas tout ! Les Libanais feront désormais aussi partie des heureux élus qui pourront contribuer à une incroyable aide sociale sponsorisée par l'État à travers une superbe invention, la « mécanique », par laquelle une poignée d'experts vont juger si leur voiture est apte à affronter les ruelles high-tech libanaises, lesquelles ne peuvent accepter que la crème de la crème des bagnoles. Un seul coup d'œil sur la circulation journalière automobile pourra confirmer la réussite totale et incontestable de cette œuvre. Et tout cela contre un simple versement d'argent. Quel honneur, quelle générosité ! Et ne croyez pas un seul instant que c'est fini ! Les Libanais auront aussi quelques autres petites surprises de temps en temps, histoire de ne pas rentrer dans le piège de l'ennui. Des contraventions venues de nulle part, inexpliquées et sans preuves, viendront frapper à votre porte avec des lots et des prix hors normes appliqués lorsque le gouvernement a besoin de financer quelque projet altruiste, humanitaire et bien sûr charitable.
En d'autres termes, leur voiture va leur coûter plus d'une fois et demi son prix en moyenne générale. Il faudra rajouter après cela quelques abonnements annuels aux coûts aléatoires. Mais ils peuvent considérer que cela est un investissement pour tous les bénéfices et avantages que le gouvernement leur offre en sus.
Tout d'abord, les prix de l'essence sont gonflés pour ne pas donner la sensation qu'ils achètent un carburant de mauvaise qualité, rien de moins bien que du super 98 pour leurs autos. Certains vont encore plus de l'avant dans l'innovation et mélangent gentiment l'essence à l'eau, question d'hydrater et de fournir encore plus de nutriments aux moteurs. Ces mêmes moteurs seront entretenus par des garages qui, au prétexte de faire économiser quelques sous aux Libanais, leur installeront des pièces de contrefaçon au lieu des originales. En cas de problème plus grave, un accident par exemple, ces Libanais pourront faire confiance à leur fidèle compagnie d'assurances qui contactera son « expert » (il n'y a que des experts dans ce pays, mais experts en quoi au juste ?) pour établir le constat et généralement engager le maximum de responsabilité à celui qui est le mieux assuré, qu'il soit fautif ou pas, afin de couvrir les frais de celui qui est souvent l'arrière-petit-neveu du beau-frère du chat de l'ex-femme du voisin de cet « expert ».
Voici donc quelques astuces et conseils certifiés : la meilleure assurance est la pire ; mieux on est assuré et plus on est fautif, et plus on est sujet à payer des primes qui augmentent d'année en année. Cela étant réglé, les Libanais auront quand même l'avantage de rouler sur des rues qui puent l'asphalte frais, lisses comme les panneaux de signalisation, et dont la circulation est organisée par des policiers au bon cœur qui les encourageront, en toute mansuétude, à brûler les feux rouges. Mais pour une sécurité optimale, l'État a aussi planté quelques panneaux supplémentaires là où on n'en aurait même pas besoin : limite de 30 km/h en autoroute, ruelles à double sens interdit... On en voit vraiment de toutes les couleurs !
Il faut admettre qu'être propriétaire d'une voiture au Liban est un luxe extrême. Après tout, pourquoi se payer un transport personnel quand on a à sa disposition un des meilleurs réseaux de transport en commun au monde ? Mais jusqu'où iront toutes ces revendications absurdes du peuple libanais ? Plaider pour une connexion Internet plus rapide et moins chère ? De l'eau courante peut-être, une électricité stable tant qu'on y est ? Pourquoi ne pas réclamer un air respirable qui ne donne pas le cancer, ou pire, demander l'élection d'un président ? Allons donc...

Loin d'une dénonciation, ceci est un simple communiqué pour informer de la magnanimité du gouvernement concernant le transport au Liban.Commençons par la religion qui a le plus d'influence dans notre chère entreprise prénommée Liban, bien plus dominante que nos héros du 8 ou du 14 Mars, une divinité toute-puissante appelée dollar. Comme tout autre établissement affichant...

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