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Moyen Orient et Monde - Afghanistan

Les talibans survivront à Barack Obama

Malgré la mort du mollah Mansour, le mouvement afghan devrait continuer de se battre contre les Américains.

Des combattants talibans dans une province de l’Afghanistan. Photo archives AFP

Les Américains peuvent en témoigner : l'Afghanistan mérite bien son surnom de « cimetière des empires ». Malgré presque quinze ans de guerre, soit déjà plus que la durée de celle du Vietnam, et des centaines de milliards de dollars investis, les États-Unis n'arrivent pas à se désengager totalement du bourbier afghan. Non seulement le pays n'est toujours pas stable, mais les talibans n'y ont jamais occupé autant de terrain depuis 2001.

Alors qu'il avait promis de mettre fin à ce conflit, le président Barack Obama a fini par admettre l'impossibilité d'un retrait total. Cette guerre, qu'il est, selon ses propres mots, « plus difficile de terminer que de commencer », aura accompagné tout au long de ses deux mandats celui qui avait reçu le prix Nobel de la paix en 2009, le contraignant à laisser près de 10 000 hommes sur place pour assister l'armée afghane et contrecarrer les plans de l'insurrection talibane. Notamment en bombardant ses positions et en éliminant, par des frappes de drone, ses leaders. Le président Obama semble en effet être un grand adepte de la stratégie de « la décapitation », comme elle est appelée, qui vise à éliminer les chefs pour désorganiser le groupe et l'affaiblir ainsi sur les plans politique et militaire. Le dernier exemple en date, et non le moins fameux, étant l'élimination du mollah Akhtar Mansour le 21 mai dernier par des frappes de drone. Moins d'un an après sa nomination à la tête des talibans, succédant au mollah Omar après l'officialisation de sa disparition, le mollah Mansour a été tué alors qu'il se trouvait au Pakistan, dans la région du Balouchistan.

 

(Lire aussi : Les talibans afghans exécutent au moins 16 passagers d'autocars)

 

Coup dur
Forts de leurs offensives printanières, les talibans ont multiplié les succès sur le terrain ces dernières semaines. La mort de leur chef, qui refusait toute perspective de négociations avec Kaboul, est évidemment un coup dur pour le mouvement radical. Mais la (très) rapide désignation de son successeur, en la personne de Haibatullah Akhundzada, montre que le mouvement a appris de ses erreurs passées et a voulu éviter une nouvelle période de confusion et de division, après celle qui avait suivi la mort du mollah Omar.

Le numéro deux du mouvement, Sirajuddin Haqqani, chef du réseau Haqqani, l'une des plus puissantes milices sur le terrain, s'est d'ailleurs rallié à ce choix. Le pari américain de semer la division au sein du mouvement ne semble donc pas avoir réussi. Bien au contraire, tout comme son prédécesseur, le mollah Akhundzada devrait continuer de faire prévaloir la logique des armes pour au moins trois raisons : répondre à la mort du mollah Mansour, renforcer sa légitimité par des victoires sur le terrain et éviter que des combattants quittent les rangs de l'organisation pour rejoindre un mouvement plus radical, comme celui de l'État islamique (EI).

La montée en puissance de l'organisation jihadiste en Afghanistan oblige les talibans à occuper le terrain, pour ne pas être dépassés. Mais le mouvement a tout de même tenu à mettre en avant ce qui le différenciait de l'EI, en acceptant notamment de négocier discrètement avec certains États, comme l'Iran. Ceci expliquerait pourquoi le mollah Mansour, pourtant à la tête d'un mouvement réputé pour sa haine des chiites, revenait d'Iran au moment où il a été tué en Afghanistan. Hanté à l'idée que l'EI ne parvienne à mettre la main sur un large territoire dans ce pays voisin, Téhéran aurait offert un soutien discret aux talibans en contrepartie de leurs combats contre l'EI à la frontière irano-afghane. Cette alliance, circonstancielle, démontre que le mouvement des talibans est capable de faire preuve de pragmatisme en fonction de ses intérêts. Les Américains doivent observer cette évolution de très près, conscients que le jeu des puissances régionales a favorisé à plusieurs reprises les talibans.

 

(Lire aussi : Ex-otage des talibans, il raconte la captivité, les tortures et la fuite)

 

Message de Washington
Les liens que le mouvement insurrectionnel entretient avec le Pakistan sont un secret de polichinelle. Islamabad, qui prône une solution négociée avec le mouvement, utilise le dossier pour s'immiscer dans la scène politique afghane. Mais en abattant le chef des talibans dans une région pakistanaise, sans qu'Islamabad soit tenu au courant de cette mission, Washington a envoyé un message clair au Pakistan. Et c'était peut-être l'un des principaux objectifs de l'opération. C'est parce que les Américains devaient être convaincus qu'aucune négociation n'était possible avec le mollah Mansour qu'ils ont décidé de l'éliminer dans une région où ils s'étaient refusés d'intervenir jusqu'à présent. Quitte à provoquer la colère d'Islamabad en les mettant devant le fait accompli et en dévoilant leur collaboration avec les talibans.

Éliminer les chefs, mettre les alliés face à leurs responsabilités : la stratégie américaine est offensive, mais rien ne garantit son efficacité. Si les talibans ont pu se relever de la disparition du mollah Omar et ont pu résister à la concurrence de l'EI, tout porte à croire qu'ils devraient une nouvelle fois survivre à ce coup dur. D'autant plus si les effectifs américains sont réduits de moitié l'année prochaine – les négociations sont en cours –, alors que le gouvernement afghan reste largement affaibli par le partage du pouvoir entre le président Ashraf Ghani et son rival Abdullah Abdullah.

Ce qui est certain, quoi qu'il advienne, c'est que le futur président des États-Unis héritera, à son tour, de l'impossible gestion de cette guerre qui n'en finit plus.

 

 

 

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