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Liban - Portrait

Rima Flitt : Restituer à Ersal ses lettres de noblesse

La nouvelle vice-présidente du conseil municipal de Ersal, Rima Karnabi Flitt.

« C'est un regard réprobateur qu'on me lance dès que j'annonce ma ville d'origine. Immédiatement, je suis placée sur le banc des accusés. Un peu comme si j'avais la peste. » C'est par cette image forte que la nouvelle vice-présidente du conseil municipal de Ersal, Rima Karnabi Flitt, dénonce la stigmatisation dont souffrent les habitants de sa ville.

Mère de 6 enfants qui poursuivent brillamment leurs études, membre de quatre ONG, Rima Flitt aura sans aucun doute profondément marqué l'histoire des élections municipales qui viennent de s'achever.
Originaire de cette ville sunnite qui abrite, à la frontière de la Syrie, trois fois le nombre de ses habitants en réfugiés, cette activiste de 42 ans a réussi un pari de taille. Élue avec le plus grand nombre de voix, avec l'ensemble de ses colistiers, la jeune femme a laissé bouche bée ses adversaires de la liste opposée, soutenue par le courant du Futur. Avec un taux de participation qui a dépassé les 60 %, phénomène unique lors de ce scrutin, elle a réussi d'un coup à balayer tous les stigmates et les a priori sociaux aussi bien que politiques qui ont entaché la réputation de la ville. D'abord, l'idée que Ersal est le chef-lieu des terroristes avec un conservatisme rampant, des femmes voilées et barricadées chez elles et des bombes humaines ambulantes. Autant de « balafres qui blessent et qui ont fini par me lasser, dit-elle. Désormais, lorsqu'on me le demande, je leur dis que je viens du pays des daechistes », ajoute la jeune dame dans un entretien avec L'Orient-Le Jour.

« C'est une ville comme les autres, non sans problèmes certes, mais qui a une vie partisane et des réflexes démocratiques comme partout ailleurs. » Il serait probablement plus correct de dire « plus qu'ailleurs ».
Au premier tour des élections, c'est dans le calme le plus total que les habitants de la ville ont fait parler leurs urnes, en exprimant de la manière la plus civilisée un non catégorique à la politique qui a failli mener au bord du gouffre cette localité. Ersal a connu, en août 2014, des affrontements sanglants entre l'armée et des éléments relevant de l'État islamique et du Front al-Nosra, qui ont pris en otage la ville et sa réputation.
« Ce n'était pas de développement dont s'occupait l'ancien conseil municipal, mais de politique étrangère », dénonce la nouvelle élue, en allusion aux apparitions télévisées régulières de l'ancien président, Ali Hojeiry, alias Abou Ajineh, dont la liste, soutenue par le courant du Futur, a été complètement évincée lors de ce nouveau test de popularité.

 

(Pour mémoire : Une femme, Yousra Sidani, obtient le score le plus élevé à Beyrouth)

 

Convaincue de l'importance de l'engagement humanitaire et citoyen auprès de ses hôtes syriens, elle refuse toutefois que Ersal « devienne une tribune pour prôner la chute de Bachar el-Assad », le président syrien. Une « mission » qui a valu aux habitants « des conséquences foudroyantes et un chaos sans précédent », entraînant, du fait du cordon sécuritaire imposé depuis par l'armée sur le périmètre de la ville, des conséquences désastreuses sur le plan économique.
En effet, une grande partie des habitants de la ville vivent des carrières et des jardins fruitiers situés dans le jurd où l'armée est désormais déployée en force pour riposter aux coups de bouc donnés par les jihadistes repoussés dans les parages.
C'est d'ailleurs l'une des priorités sur lesquelles la vice-présidente du conseil compte s'atteler avec le reste des membres, pour tenter, par le biais de négociations, de trouver un règlement à cette question sensible, à caractère hautement sécuritaire également. Son second souci est celui de la politique de bon voisinage et d'ouverture sur les localités chiites de Laboué et de Aïn dont les habitants ont toujours entretenu des relations pacifiées avec ceux de Ersal.
« Si la députée Bahia Hariri a réussi à épargner à Saïda, autre ville sensible, les tensions communautaires, je ne vois pas pourquoi Ersal ne peut pas en faire autant », confie Mme Flitt.

Son combat citoyen ne date pas d'hier. Depuis 2005, et au lendemain de la polarisation politique et communautaire engendrée par l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, Rima Flitt s'est attelée à calmer les esprits et à œuvrer en permanence en faveur d'une pacification des relations.
C'est dans le même état esprit qu'elle a pris part, la semaine dernière, à la grande manifestation pacifiste organisée par les habitants de Ersal pour dénoncer le crime de vendetta commis par le père du jeune soldat de la famille Hamiyeh, qui voulait venger l'assassinat de son fils par des éléments d'al-Nosra. La victime, un jeune étudiant, Hussein Mohammad Hojeiry, neveu de Moustapha Hojeiry, alias abou Takiyyeh, qui est soupçonné d'avoir des liens avec le front jihadiste, « était absolument innocent », assure Mme Flitt.
« Une fois de plus, les habitants de Ersal ont fait preuve d'une retenue exceptionnelle, en protestant, le plus démocratiquement possible, contre la violence gratuite », dit-elle. Et de rappeler les propos prononcés lors de la marche de protestation par l'oncle de la victime, Abou Takiyyeh, « qui a tenu à souligner que la résistance n'est pas le monopole d'une communauté, puisque son frère, Hussein, est lui-même un martyr, mort il y a quelques années en combattant contre Israël ».

Si les projets d'infrastructure et de développement hantent tout autant la jeune femme, elle persiste et signe que ses deux projets ultimes restent ceux de l'éducation et du renforcement des capacités de la femme.
Rima Flitt considère qu'il y a déjà suffisamment d'hommes au sein du conseil municipal pour « s'occuper de la pierre et des projets de construction et de réhabilitation ». Elle se promet de se consacrer à « l'édification de l'humain » en essayant d'empêcher les jeunes d'abandonner leurs études pour aller trouver un emploi de fortune.

La vice-présidente du conseil municipal et son équipe aspirent également à protéger, sans pour autant sombrer dans le chauvinisme, les opportunités de travail des habitants de la ville, sérieusement menacés depuis l'affluence des réfugiés syriens qui offrent une main-d'œuvre bon marché. Une situation qui « a fait croître la tension entre les deux parties et la rancune de part et d'autre ». Un comité conjoint a été actuellement mis en place pour envisager la possibilité de regrouper toute la population des déplacés dans un seul et même camp, loin de la ville.

 

Pour mémoire

Victoire de la liste opposée au Futur à Ersal

« C'est un regard réprobateur qu'on me lance dès que j'annonce ma ville d'origine. Immédiatement, je suis placée sur le banc des accusés. Un peu comme si j'avais la peste. » C'est par cette image forte que la nouvelle vice-présidente du conseil municipal de Ersal, Rima Karnabi Flitt, dénonce la stigmatisation dont souffrent les habitants de sa ville.
Mère de 6 enfants qui poursuivent...

commentaires (5)

ET SI TOUS LES LIBANAIS SE RETROUVAIENT ET S,EMBRASSERAIENT EN ENVOYANT AU DIABLE LES POLITICIENS AVANT LA POLITIQUE ET TOUS LES PANURGES DEMAGOGUES ? MA AHLEHA BIT KOUN...

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 08, le 01 juin 2016

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Commentaires (5)

  • ET SI TOUS LES LIBANAIS SE RETROUVAIENT ET S,EMBRASSERAIENT EN ENVOYANT AU DIABLE LES POLITICIENS AVANT LA POLITIQUE ET TOUS LES PANURGES DEMAGOGUES ? MA AHLEHA BIT KOUN...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 08, le 01 juin 2016

  • Il n'y a que des Flîttt ou des H'jâïréh dans ce patelin ? On aurait B'chârréehhh avec tous ses Tâwkkk, Toc ou Tôôôk !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 41, le 01 juin 2016

  • BRAVO!

    Christine KHALIL

    08 h 34, le 01 juin 2016

  • "Son souci à Rîmâ est celui de la politique de bon voisinage et d'ouverture sur les localités chiites de Laboué et de Aïn dont les habitants ont toujours entretenu des relations pacifiées avec ceux de Ërssééél." ! Oui, bon, mais qu'en est-il du "bon voisinage et de l'ouverture" sur l'autre localité hyper chïïtique de Britééél surtout ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 05, le 01 juin 2016

  • C'est ça Ëérssééél ? Tout ça pour ça ? Même pas une seule maison à tuiles ? Et toutes aux toits en terre battue ou Ttîîîne ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 59, le 01 juin 2016

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