Des soldats américains dans le nord de la Syrie arborant l’écusson du YPG. Reuters/Rodi Said
La course vers Raqqa est désormais lancée. Alors que le processus diplomatique de Genève est au point mort, la capitale syrienne de l'État islamique (EI) est aujourd'hui dans le viseur de deux offensives. Au Nord, les Forces démocratiques syriennes (une coalition regroupant une majorité de combattants kurdes et une minorité de combattants arabes), appuyées par la coalition internationale, avancent en direction de la ville, tout en affirmant qu'un assaut est exclu dans l'immédiat. Au Sud, les forces loyalistes, appuyées par les Russes, progressent en direction de Deir ez-Zor, une ville partagée entre l'armée syrienne et les combattants de l'EI. Les deux offensives, menées simultanément, sont le reflet de la compétition que se mènent les différents acteurs à l'échelle internationale (États-Unis vs Russie) mais aussi au niveau local (entre les Kurdes et Damas). Le « combat contre le terrorisme » devient ainsi un passage obligé pour les différents belligérants afin d'arriver en position de force à la table des négociations. Une participation au combat en contrepartie de quoi chacun des acteurs réclamera son dû : une influence pour les puissances internationales, la reconnaissance d'une zone autonome pour les Kurdes et le maintien de Bachar el-Assad pour le régime.
(Repère : Cinq faits marquants sur Raqqa)
Les conditions militaires et politiques pour une reprise de Raqqa à moyen/long terme ne sont toutefois pour l'instant réunies par aucune des deux forces à l'offensive. Tous les experts s'accordent en effet à dire que seule une force armée arabe sunnite pourrait tenir la ville sans apparaître comme une nouvelle force d'occupation. Dans le cas contraire, une reprise de Raqqa ne réglerait pas le problème de fond, à savoir la représentation des sunnites, et constituerait un terrain propice pour la (re)naissance de l'EI ou d'un autre groupe jihadiste. Autrement dit, même dans le cas d'une reprise de Raqqa, il serait présomptueux de crier victoire trop vite. D'autant plus que l'EI a démontré cette semaine sa capacité à survivre et s'adapter à une éventuelle perte de territoire : en se livrant lundi à un véritable carnage dans les villes de Jablé et de Tartous, deux fiefs du régime, et en menant, hier, une contre-offensive en direction des localités de Aazaz et de Marea, dans la province d'Alep.
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Écusson
La « résistance » de l'EI est aussi directement liée aux divergences d'intérêts entre ses adversaires. Alors que Washington mise essentiellement sur les Kurdes pour combattre l'EI, Ankara voit ce soutien d'un très mauvais œil et n'hésite pas à montrer son mécontentement. Le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, a vivement critiqué hier l'attitude des États-Unis après la publication de photos par l'AFP montrant les forces spéciales américaines en Syrie arborant l'écusson des Unités de protection du peuple (YPG). Washington a tenté de calmer le jeu dans la soirée et exigé de ses hommes qu'ils retirent les écussons. Mais les Turcs, qui considèrent les forces du YPG comme un « groupe terroriste », ne semblent prêts à faire aucune concession sur ce dossier-là.
Du côté du régime, les dissensions sont beaucoup moins visibles mais pas pour autant inexistantes. Si Bachar el-Assad a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de reconquérir toute la Syrie, Moscou ne semble pas, pour l'instant, pressé de le faire. Son attitude générale vis-à vis du régime reste, semaine après semaine, toujours aussi ambivalente. Moscou avait, par exemple, cessé de bombarder la région d'Alep, notamment la route de Castello par laquelle est approvisionnée la partie de la ville contrôlée par les rebelles, depuis l'entrée en vigueur de la trêve le 27 février dernier avant de bombarder à nouveau cette zone le 21 mai dernier.
Alors que le régime avait débuté une nouvelle offensive contre les rebelles contrôlant la Ghouta orientale et Daraya, Moscou a appelé lundi à un cessez-le-feu de 72 heures dans cette zone. Mercredi, la Russie a annoncé avoir décidé de reporter ses bombardements contre les rebelles en Syrie pour laisser le temps à l'opposition de prendre ses distances avec le Front al-Nosra, branche d'el-Qaëda en Syrie.
Trois raisons
Pourquoi Moscou agit-il ainsi alors que le régime a une occasion d'annihiler toutes les forces de l'opposition à Alep et dans la banlieue de Damas ? Probablement pour au moins trois raisons, au-delà d'éventuelles divergences entre les deux acteurs. Un : Moscou doit montrer qu'il ne ferme pas la porte à une solution diplomatique. Deux : la Russie sait que les rebelles ne peuvent pas se désolidariser complètement du Front al-Nosra et les met devant le fait accompli. Trois : à chaque nouvelle trêve, les groupes rebelles se combattent entre eux et s'affaiblissent, alors que les forces du régime réorganisent leurs forces.
Les fronts de Raqqa, d'Alep et de la banlieue de Damas témoignent finalement d'un même paradoxe : les guerres de l'après-EI et de l'après-Assad ont déjà débuté, alors que les problèmes fondamentaux ayant donné naissance au conflit syrien n'ont toujours pas été réglés.
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commentaires (6)
hahahaha on va voir, mais je pari sur le depart pure et simple de bachar .. sinon les hurluberlues moumana3iste crient deja victoire !! hahah on verra bien que poutine fait un virage 90 degres en faveur des rebelles et les declarations qu'il la fait sur le fait qu'il ne soutienne pas assad en tant que personne
Bery tus
17 h 12, le 28 mai 2016