Avec Avigdor Lieberman, c'est un vétéran en politique connu pour ses diatribes antiarabes et son populisme belliqueux qui semble appelé à prendre la tête du ministère de la Défense, chargé d'administrer les territoires palestiniens occupés. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a engagé la discussion avec M. Lieberman, son ancien ministre des Affaires étrangères, pour faire revenir au gouvernement celui qui avait déjoué tous ses plans en 2015 en refusant de participer à sa coalition après les législatives. M. Netanyahu élargirait ainsi son étroite majorité parlementaire avec les votes du parti nationaliste Israël Beiteinou (« Israël notre maison ») que dirige M. Lieberman.
La direction palestinienne a déjà dénoncé le retour de M. Lieberman comme « une nouvelle preuve que Netanyahu préfère promouvoir l'extrémisme » et « la confirmation que les Palestiniens n'ont pas de partenaire pour la paix côté israélien ». Sans être hostile à la création d'un État palestinien, M. Lieberman défend un échange de territoires qui ferait passer sous administration palestinienne une partie de la minorité arabe d'Israël en échange des colonies de Cisjordanie. Cette idée, désavouée par M. Netanyahu, est inacceptable pour les Palestiniens.
Propos à l'emporte-pièce
M. Lieberman est habitué à faire des vagues par ses idées iconoclastes et ses propos à l'emporte-pièce, contre les Palestiniens, les Arabes, les voisins d'Israël et les autres. Florilège :
– les Arabes israéliens déloyaux envers Israël « méritent de se faire décapiter à la hache » (2015) ;
– le président palestinien Mahmoud Abbas est un « terroriste diplomate » (2014) ;
– « Si vous ne restituez pas sous 48 heures les corps des soldats (israéliens tués pendant la guerre de Gaza en 2014), on vous élimine, vous et toute la direction du Hamas », dirait-il au chef du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, s'il était Premier ministre (2015). Concernant la bande de Gaza, il a oscillé entre les appels à renverser le Hamas par la force et réoccuper l'enclave palestinienne ;
– dans les années 2000, il a prôné de bombarder le barrage d'Assouan pour inonder l'Égypte en cas de soutien à l'intifada palestinienne ;
– et Benjamin Netanyahu est « un menteur, un tricheur et une crapule » (2016).
Ces déclarations, souvent mélangées aux traits d'humour, ont valu à cet homme trapu autant d'admirateurs inconditionnels que de critiques fustigeant son racisme, voire ses penchants « fascisants ».
Né dans la république soviétique de Moldavie, Avigdor Lieberman, 57 ans, a émigré en 1978 en Israël, où il a travaillé un temps comme videur de boîte de nuit. Diplômé en sciences sociales, il a rejoint le Likoud, le grand parti de la droite nationaliste, dont il a gravi les échelons jusqu'à devenir directeur de cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu lors de son premier mandat (1996-1999). Mentor de « Bibi », il est pour beaucoup dans son ascension.
Un « Raspoutine » israélien
Les médias l'ont alors affublé des surnoms de « tsar », de « Raspoutine » et de « KGB », en allusion à son comportement autoritaire et ses origines, dont son verbe lent en hébreu conserve un lourd accent. Depuis 2001, il a détenu différents portefeuilles, dont celui de ministre des Affaires étrangères de M. Netanyahu (2009-2012 et 2013-2015). Son image a été entachée par les affaires de corruption qui l'ont obligé à quitter les Affaires étrangères entre 2012 et 2013. En 1999, il a créé son propre parti, à la droite de la droite, Israël Beiteinou, capitalisant sur le vote du million d'Israéliens émigrés de l'ex-URSS, une base électorale qu'il a considérablement élargie depuis.
Nationaliste mais résolument laïc, M. Lieberman réclame la création d'un « contrat d'alliance », ersatz de mariage civil qui n'existe pas en Israël. Il défend le service militaire pour les ultraorthodoxes juifs qui le refusent. Mais il serait prêt à renoncer à ces revendications pour entrer au gouvernement et ne pas froisser les ultraorthodoxes qui s'y trouvent. M. Lieberman n'est pas un partisan du « Grand Israël », défendu par le lobby des colons, mais vit à Nokdim, une implantation juive près de Bethléem, en Cisjordanie occupée. Il se dit cependant prêt à déménager en cas de paix avec les Palestiniens, même s'il juge cette perspective irréaliste. Il est marié et père de trois enfants.
Delphine MATTHIEUSSENT/AFP
MIN WEN ARI3TOU ?
16 h 37, le 21 mai 2016