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À La Une - Reportage

Visite du pape à Lesbos: "peut-être qu'il fera ouvrir les frontières?

Des pensionnaires d'un hôtel "sont très excités, veulent toucher le pape et lui parler, et espèrent qu'après sa visite, les choses iront mieux".

Un migrant dans le centre de détention de Moria à Mytilène, principale ville de Lesbos en Grèce, le 15 avril 2016. Photo AFP / ARIS MESSINIS

"Peut-être qu'il peut faire ouvrir les frontières?": Nedal, Syrien de 35 ans, connaît le pape par la télévision. Mais il veut croire que François réalisera un miracle lors de sa visite à Lesbos, samedi.

Le pape va passer quelques heures sur cette île grecque, principale porte d'entrée en Europe depuis 2015 de plus d'un million de personnes fuyant guerres et pauvreté, à l'égard desquelles François refuse le distinguo européen entre réfugiés et migrants économiques.

Une visite, a-t-il dit, pour "exprimer proximité et solidarité" aux réfugiés et aux citoyens de Lesbos. Le souverain pontife sera accompagné de hauts dignitaires orthodoxes, religion ultra-majoritaire en Grèce, dont le patriarche de Constantinople Bartholomée. Celui-ci a considéré vendredi cette visite comme "une invitation à la communauté internationale" à se mobiliser pour l'accueil des exilés, en invoquant la tradition chrétienne de l'hospitalité.

Vendredi, hormis les dizaines de journalistes étrangers arpentant l'île, tout semblait inchangé à Lesbos.
A part la peinture fraîche sur les murs du camp de Moria, où sont enfermés quelque 3.000 personnes arrivées après la date fatidique d'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie, le 20 mars, et vouées au renvoi, sauf hypothétique acceptation de leur demande d'asile en Grèce.

"On a fait seulement un peu de nettoyage pour rendre la ville présentable, +ils+ veulent que tout soit très simple, c'est une visite humanitaire", souligne auprès de l'AFP Marios Andreotis, porte-parole et conseiller du maire de Mytilène, Spyros Gallinos. Ce dernier s'est félicité dans un communiqué de cette "visite hautement symbolique", "historique", des leaders de la chrétienté.

A quelques kilomètres de Mytilène, ils sont 200, tous arrivés avant le 20 mars, principalement des familles syriennes attendant une relocalisation dans l'UE, à vivre dans un hôtel loué en novembre par l'ONG catholique Caritas.

Rien à voir avec les camps improvisés sordides du Pirée près d'Athènes ou d'Idomeni à la frontière macédonienne. L'hôtel a un air de vacances. Les petits galopent autour de la piscine soigneusement bâchée, les mamans font du coloriage à l'ombre de la terrasse avec leurs enfants, les pères fument ou jouent aux cartes.

Nedal, un ingénieur, et son épouse sont restés à Lesbos parce que leur fils de 3 ans, malade, a dû être hospitalisé à l'arrivée. Avec deux amis, il compte bien aller samedi au port de Mytilène voir le pape, "un homme bon et gentil, qui aide tout le monde et veut aider les Syriens".

Maritina Koraki, coordinatrice de Caritas à Lesbos, confirme que les pensionnaires de l'hôtel "sont très excités, veulent toucher le pape et lui parler, et espèrent qu'après sa visite, les choses iront mieux".

 

(Lire aussi : Le pape dénonce "les gouffres spirituels et moraux" et le "refus" des migrants)

 

'Pas trop d'illusions'

Un peu à part, le président de la conférence épiscopale de Grèce, Fragkiskos Papamanolis, discute avec le nonce apostolique en Grèce, Edward Adams. Lui aussi espère que les réfugiés "comprendront l'intérêt et l'amour" que leur porte le pape, et "seront contents".

A Moria, au milieu des collines plantées d'oliviers, l'ambiance est tout autre. La police empêche qu'on s'approche des clôtures. Les tentes du Haut commissariat de l'Onu aux réfugiés (HCR) s'étendent à perte de vue.

Giorgos Patalakas, un quinquagénaire qui tient une friterie devant le camp, juge "importante" la venue du pape qui doit rencontrer des réfugiés à Moria. Le pape, c'est "comme une grande star de football, mais avec plus de pouvoir et de popularité", selon lui.
Panos, qui travaille un peu plus haut dans un garage donnant sur le camp, n'est pour sa part pas rassuré. Pour lui, cette visite est à la fois "bien et mal": il craint que les bagarres qu'il entend tous les jours dans le camp "ne dégénèrent en présence" du souverain pontife.

Joint par téléphone à l'intérieur du camp, Farydoon, un Afghan de 23 ans, est désespéré. Il évoque plusieurs tentatives de suicide parmi ses compagnons d'infortune. "Peut-être que le pape comprendra au moins ce qui nous arrive", avance-t-il.
Ilias, un Gréco-Congolais d'Athènes, a eu l'autorisation de venir converser à travers la clôture avec son cousin de Kinshasa, arrivé là il y a deux semaines, auquel il a apporté un peu d'argent. Le jeune migrant, qui ne donne pas son nom, n'a pratiquement aucune chance d'obtenir l'asile.
Avec son élégante chemise en jean et sa montre dorée, un peu décalées, il parle tête baissée. "C'est quand même bien que le pape vienne", souffle-t-il, "il va plaider pour nous". "Dans ta situation, ne te fais pas trop d'illusions", tranche Ilias.

 

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