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À Beyrouth, un phare dans la nuit

Il y avait un large sourire vendredi soir sur les visages des gardiens du Musée national de Beyrouth. Le sourire d'hommes fiers de voir le musée, leur musée, pris d'assaut par une foule ravie d'être là. Des hommes, des femmes et des nuées d'enfants découvrant les scènes de l'Iliade sur des sarcophages de la nécropole romaine de Tyr ou le combat de David contre le lion sur des bas-reliefs byzantins.
La nuit des musées, belle et indispensable parenthèse dans une actualité aux relents fétides.
Vendredi soir, Beyrouth vibrait d'une belle énergie, de Hamra au musée national en passant par la rue Sursock. Dans les rues de la capitale, et au delà, les Libanais se réappropriaient leur histoire, d'hier à aujourd'hui. Avec quelque chose de fondamentalement émouvant, alors que le citoyen libanais se voit dépouillé de ses droits par un État en déliquescence rongé par la corruption, l'incompétence et les tensions confessionnelles.
Belle parenthèse, aussi, dans une ville dont l'histoire millénaire fut (et est toujours) trop souvent rasée par les bulldozers.
Nuit essentielle, enfin, dans cette région du Moyen-Orient en proie aux fanatiques qui pillent et détruisent l'histoire des peuples, de Nimrod à Palmyre.
En cette période sombre, les musées sont plus que jamais des phares.
Musée de Beyrouth où, pendant la guerre civile, des justes firent ce qu'ils pouvaient pour protéger les trésors en son sein, coulant des dalles de béton sur les mosaïques et cachant les statuettes dans les sous-sols murés.
Musée de Bagdad qui, après avoir vécu des heures tragiques, est aujourd'hui un refuge pour des vestiges de grandes civilisations dont d'autres trésors sont, ailleurs, détruits à grand renfort d'explosifs par les jihadistes de l'organisation État islamique. Musée de Damas dont le conservateur a supervisé, en 2014, une opération de grande envergure visant à sauver ce qui pouvait l'être des autres musées syriens menacés par Daech.
À Bagdad, Damas, Beyrouth, des musées contre la bêtise et la haine, des refuges pour le salut de la région.
Firyad Rwandzi, ministre irakien de la Culture, disait récemment lors d'une interview : « Une nation sans musée est comme un homme sans yeux. » Une nation aveugle.
Et l'on se prend à espérer que cette Nuit des musées soit un signe que tout n'est pas perdu, que les yeux peuvent s'ouvrir.
Les municipales, qui approchent, seront une occasion d'ouvrir bien grands les yeux. Ce d'autant plus que de stimulantes initiatives fleurissent, à l'instar de « Beyrouth madinati », une campagne menée par des volontaires visant à redonner aux citoyens le pouvoir de décision locale en reprenant les rennes du conseil municipal par le biais des prochaines élections.
Si l'on se réapproprie son histoire, ne se réapproprie-t-on pas son avenir ?

Il y avait un large sourire vendredi soir sur les visages des gardiens du Musée national de Beyrouth. Le sourire d'hommes fiers de voir le musée, leur musée, pris d'assaut par une foule ravie d'être là. Des hommes, des femmes et des nuées d'enfants découvrant les scènes de l'Iliade sur des sarcophages de la nécropole romaine de Tyr ou le combat de David contre le lion sur des bas-reliefs...

commentaires (3)

Cet article est, si j'ose dire, séduisant. Tout est si bien décrit; j'ai eu la chance de lire un texte si attachant, parce que d'une extrème sensibilité! Les musées du Liban le méritent! Bravo et merci Mme. Émilie Sueur

Zaarour Beatriz

13 h 03, le 11 avril 2016

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Commentaires (3)

  • Cet article est, si j'ose dire, séduisant. Tout est si bien décrit; j'ai eu la chance de lire un texte si attachant, parce que d'une extrème sensibilité! Les musées du Liban le méritent! Bravo et merci Mme. Émilie Sueur

    Zaarour Beatriz

    13 h 03, le 11 avril 2016

  • Meercin pour la nuit des musees...

    Soeur Yvette

    09 h 16, le 11 avril 2016

  • Merci à tous les acteurs de la vie et de la nuit des musées, d'ici et d'ailleurs.

    Christine KHALIL

    07 h 43, le 11 avril 2016

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