Ai Weiwei, star de l'art contemporain, en chair et en os au Liban. Figure de la dissidence chinoise, cet artiste qui a bravé le pouvoir de Pékin et l'a payé par un traumatisme crânien et 81 jours de mise au secret en 2011, est depuis mercredi à Beyrouth où il a rencontré les responsables de Human Rights Watch et ceux de Carnegie Middle East Center à Beyrouth. Samedi matin, il a même fait une incursion au camp palestinien de Aïn el-Héloué, près de Saïda.
Depuis qu'il a récupéré en août dernier son passeport, Ai Weiwei sillonne le monde et multiplie les installations militantes. Ces derniers temps, l'artiste chinois consacre son militantisme artistique à la cause des réfugiés. C'est d'ailleurs grâce à Samia Sauma et l'ONG Kayani qui construit notamment des écoles pour les réfugiés syriens que l'artiste est au Liban.
Dans le cadre de cet engagement, il est allé, vendredi en compagnie de Nora Joumblatt, à la rencontre des réfugiés syriens à Bar Élias et Ersal. Épaulé par une équipe de photographes bardés d'un équipement pointu, l'artiste a passé une bonne partie de la journée à réaliser des documents photo et vidéo. Dans le bastion sunnite de Ersal, pris en étau entre le Front al-Nosra et les villages chiites de la périphérie, il a immortalisé le quotidien d'un vaste camp où vivent dans le dénuement le plus total 100.000 réfugiés non enregistrés auprès du HCR, et 40.000 Libanais en proie à une crise économique sans précédent, selon le président de la municipalité.
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— Walid Joumblatt (@walidjoumblatt) April 8, 2016
Les fragments d'images seront au cœur de la prochaine création de Weiwei. A priori aucune information sur la forme exacte que prendra celle-ci n'a été dévoilée. Mais il ne s'agit pas d'un « secret » volontairement gardé. C'est dans son quartier général à Berlin, où il est établi depuis 2015, que la star chinoise de l'art contemporain mettra en forme sa performance. Il veut « trouver la bonne façon d'interpeller le public, de l'alerter... et susciter une prise de conscience », a-t-il expliqué à L'Orient-Le Jour.
Vu son sens aigu de la mise en scène, sa prochaine création, comme les précédentes, devrait faire parler d'elle. A l'instar de celle qu'il avait signée, à Berlin en février dernier, lors de la 66e Berlinale. En plein festival de cinéma, il avait habillé les colonnes néoclassiques du Konzerthaus, la grande salle de concert, de 14.000 gilets de sauvetage oranges, abandonnés par les réfugiés sur le rivage de Lesbos, en Grèce, après leur dangereuse traversée. Une œuvre symbole de cet exode et de ses périls.
(Pour mémoire : Le célèbre artiste dissident chinois Ai Weiwei à Beyrouth)
Fin janvier, l'artiste avait également annulé sa participation à deux expositions au Danemark en signe de protestation contre l'adoption, par le Parlement du pays, d'une loi permettant aux autorités de saisir les biens des réfugiés au-delà d'une valeur de 1.300 euros.
Avec ses coups d'éclat et ses « J'accuse » médiatiques, Ai Weiwei est devenu l'un des artistes contemporains les plus célèbres ; le chouchou des médias et des curateurs, qui applaudissent ses performances mais aussi... ses provocations : briser une urne de la dynastie Han, « pour en constater l'effet », ou en décorer une autre d'un logo Coca-Cola, au nom de la liberté d'expression !
Toujours accompagné de Nora Joumblatt, Ai Weiwei et son équipe ont profité vendredi de leur journée dans la Békaa pour visiter les ruines de Baalbeck, avant de mettre le cap sur la réserve des cèdres du Barouk, puis à Moukhtara où l'artiste et son équipe ont été reçus à dîner par le leader druze, Walid Joumblatt. Samedi, l'artiste est allé à la découverte du Musée national et des antiquaires de Beyrouth. Chez Nagi Asfar, il a acquis une pile d'ouvrages anciens. A Beyrouth, Ai Weiwei, qui a lancé sa première collection pour un collectif de créateurs de bijoux en Angleterre, était également en quête de perles de verre romaines, notamment celles qui représentent des fleurs (millefiori), des silhouettes ou des visages. On ne sait pas si cette quête là fut fructueuse.
Dimanche matin, Ai Weiwei était de retour dans la Békaa, pour rencontrer, de nouveau, des réfugiés dans le camp de Dar Hamieh. Après le Liban, il devrait prendre l'avion pour la Jordanie, où, là aussi, il rencontrera des réfugiés.
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Uuuuuuuuuft !
15 h 53, le 11 avril 2016