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À La Une - Reportage

Retour doux-amer au pays pour de nombreux Irakiens

"La nuit, vous vivez avec la peur d'être arrêté ou de vous faire agresser par ces espèces de nazis qui n'aiment pas les réfugiés", raconte Moustafa

Déception, mal du pays, sentiment de marginalisation: de plus en plus de migrants irakiens retournent chez eux après avoir tout risqué pour tenter l'aventure en Europe. AFP / SABAH ARAR

Déception, mal du pays, sentiment de marginalisation: de plus en plus de migrants irakiens retournent chez eux après avoir tout risqué pour tenter l'aventure en Europe.
Chaque mois, ils sont des centaines à revenir au pays, la plupart avec l'assistance de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Beaucoup sont désabusés et ont dépensé toutes leurs économies, notamment pour payer des passeurs, mais tous ne regrettent pas l'aventure.

"Ici, c'est comme dans le film +Un jour sans fin+: c'est toujours la même chose," déclare Mourtada Hamid pour décrire Aziziyah, sa ville natale qu'il a quittée l'an dernier parmi le flot de migrants, bravant une périlleuse traversée pour frapper aux portes de l'Europe. "Lorsque vous vous levez le matin, les rues ont toujours l'air en pagaille, les égouts n'ont pas été réparés et il n'y a de travail pour personne", énumère-t-il.

Cette ville de 100.000 habitants à 75 kilomètres au sud-est de Bagdad ne compte que quelques rues bétonnées. Les autres sont enveloppées de poussière en été et de boue en hiver. Malgré les cours élevés du pétrole pendant des années, la ville d'Aziziyah est devenue le symbole du népotisme et de la corruption, de nombreux Irakiens ne voyant pas leur situation s'améliorer.

Mourtada, un jeune homme de 26 ans au sourire éclatant, se souvient de l'architecture, des rues propres et des beaux jardins publics d'Erlangen, en Bavière (sud de l'Allemagne), où l'a conduit son périple.
"J'avais une petite amie de Bosnie. C'était amusant pendant un certain temps, nous avons profité de la vie nocturne", raconte-t-il.

 

(Pour mémoire : En Jordanie, des demandeurs d'asile irakiens s'impatientent en rêvant d'Europe)

 

3.500 retours en 2015
Son frère Moustafa est plus amer. "J'ai dépensé tout mon argent et la nourriture était immangeable", souffle-t-il. "Là bas, tout coûte les yeux de la tête. Les cigarettes les moins chères valent six euros le paquet. J'ai dû me mettre aux roulées", dit ce diplômé en chimie âgé de 29 ans.

Mais surtout, Moustafa qui rêvait de cours de langue et d'accompagnement professionnel, a eu le sentiment de ne jamais avoir été accueilli en Allemagne. "La nuit, vous vivez avec la peur d'être arrêté ou de vous faire agresser par ces espèces de nazis qui n'aiment pas les réfugiés", raconte-t-il.

Alors que de nombreux Irakiens fuyaient les combats, la persécution et les conditions désastreuses des camps de réfugiés, d'autres comme Moustafa et Mourtada voulaient échapper au chômage et au manque de perspectives.

Selon une étude de l'OIM, 80% des Irakiens interrogés déclaraient avoir quitté leur pays car ils n'avaient "plus d'espoir dans l'avenir". L'an dernier, l'organisation a aidé près de 3.500 Irakiens à rentrer chez eux et ce nombre ne cesse d'augmenter. Selon la porte-parole de l'OIM Sandra Black, plus de 800 personnes sont revenues en janvier, un millier en février.

Dans certains cas, les personnes de retour peuvent bénéficier d'une assistance de réintégration financée par leur pays d'accueil. L'OIM peut aussi les aider à trouver du travail. "Quelle que soit leur vocation, les personnes s'occupent des devis et nous achetons du matériel pour les aider à redémarrer leur petite entreprise," explique Sandra Black.

 

(Pour mémoire : A Chypre, 17 ans d'attente pour des réfugiés syriens et irakiens)

 

'Toujours un étranger'
Hassan Basy ne garde aucun souvenir de Nuremberg, où il a attendu l'asile pendant quatre mois, mais il affirme avoir appris sur lui-même.

"Mon rêve était d'obtenir (le droit de) résidence et de trouver un emploi", confie-t-il avec nostalgie. "Au début, tout paraissait beau, je pensais avoir réalisé mon rêve. Mais jour après jour, j'ai commencé à avoir le mal du pays", raconte-t-il. "Finalement, je n'ai presque plus rien mangé pendant un mois. C'est à ce moment là que j'ai commencé à penser au retour".
"J'ai compris que quelque soit ce que j'accomplissais là-bas, je serai toujours un étranger. Au moins ici, je suis entouré de mes proches et je peux essayer de construire une nouvelle vie", ajoute-t-il.

Mourtada en a tiré une leçon similaire. "Je ne me suis pas mis la pression pour réussir à 100%, j'avais des doutes. Je m'étais dit: +Si ça me plait, je reste+. Pour moi, ce fut une aventure", témoigne-t-il.
"Ce fut une expérience très utile, j'ai appris à m'organiser, à être discipliné. Et cela m'a aidé à aimer mon pays."

 

 

 

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