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Spécial Crise des déchets - Dossier spécial crise des déchets

Crise des déchets : À Tabarja, une juriste et un commerçant paraplégique contournent la paralysie gouvernementale

Caline Moawad et Freddy Ouaiss ont conjugué leurs efforts afin de mettre en place un centre de tri et de compression des ordures ménagères pour faire face à la crise des déchets qui a asphyxié leur région pendant de longs mois.

Des jeannettes et louveteaux des Scouts du Liban en visite au nouveau centre de tri à Tabarja.

Caline Moawad est une avocate résidente à Tabarja, qui ne s'est jamais initiée auparavant, selon elle, aux questions environnementales. Ce n'est qu'après la dernière crise des déchets que Caline s'est sentie concernée par les immondices qui s'amassaient dans son quartier et constituaient une menace au plan de la santé.


C'est en faisant une tournée auprès des notables de la région afin de les inciter à trouver une solution au problème des ordures qui étaient, à défaut d'être ramassées, brûlées dans les bennes, qu'elle rencontre Freddy Ouaiss, un commerçant et une figure familière de tous les habitants de Tabarja. Après maints contacts qui n'ont eu aucun écho auprès des pôles d'influence de la localité – lesquels n'ont proposé que récemment d'apporter une aide à Caline et Freddy –, les deux volontaires ont décidé de prendre les choses en main et d'organiser eux-mêmes, dans la mesure du possible, le tri et le compactage des déchets recyclables produits par les habitants de la région.
Cette initiative, qui semble salvatrice de prime abord, n'a toutefois pas été applaudie par tous. Si de grands établissements dans le secteur, comme le Casino du Liban, Tabarja Beach et Aquamarina, ont encouragé les deux apprentis écologistes en leur envoyant les sacs de déchets triés, une majorité d'habitants n'a affiché aucun enthousiasme à cette idée qui semblait compliquée, vu qu'elle nécessite un premier tri à la maison et une vigilance doublée d'un changement radical des mauvaises habitudes. « On m'a même accusée de ne pas avoir participé à la dernière manifestation organisée par les différents collectifs au centre-ville, déplore Caline Moawad. J'ai répondu que cela ne servait à rien tant que nous n'aurons pas acquis la conviction que la solution se trouve entre les mains de chacune et chacun d'entre nous. »
Et d'ajouter : « Nous devons trier nos ordures avant d'accuser les autres de corruption et le gouvernement, qui est certes fautif, de laxisme, car nous le sommes de la même façon, tant qu'on refuse d'appliquer et d'imposer à notre entourage d'autres alternatives plus saines et moins onéreuses que le ramassage et l'enfouissement de nos déchets dans des décharges qui mettent la vie des autres et notre environnement en danger. »

 

Une responsabilité individuelle
La jeune avocate explique avec détermination le projet concocté avec son nouveau partenaire plein d'énergie, malgré une paralysie qui le force à circuler sur un fauteuil roulant. « Nous avons été aidés dans notre initiative par Ziad Abi Chaker qui nous a facilité le paiement d'un compresseur à déchets capable de réduire et de compacter les ordures recyclables triées à la source avant de les vendre au kilogramme », dit-elle.
Cette initiative a été à l'origine de l'aménagement d'un petit centre de tri et de compression de déchets sur un terrain de 1 000 m2, appartenant à Freddy et situé à proximité du centre balnéaire de Tabarja Beach, prêt à accueillir tous les déchets recyclables déposés par les habitants. « La municipalité, récalcitrante au début, nous a promis récemment une aide logistique : à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil municipal, les différents membres municipaux devraient débattre d'une proposition qui consiste à mettre en place dans la région des bennes de couleurs différentes afin de faciliter le tri à la source », indique Caline Moawad. « Ils auraient même proposé de détacher une camionnette spécialement pour déposer les déchets devant notre centre », ajoute-t-elle.


Sur un autre plan, les bénéfices de la vente des déchets empaquetés par matière serviront à financer les séances de physiothérapie des handicapés démunis et pris en charge par l'association de M. Ouaiss, « Les handicapés et la société ». « Tous les chèques que nous recevrons seront d'ailleurs accessibles au public dans un souci de transparence », affirme la jeune femme qui lance un appel à tous les habitants de Tabarja et de Kfar Yassine, les invitant à se joindre à leur initiative en mettant de côté tout ce qui est recyclable pour le déposer devant le centre.
Une initiative est ainsi née grâce à la simple détermination et à la persévérance d'une jeune juriste et d'un jeune commerçant qui ont agi indépendamment de la paralysie gouvernementale et malgré une paralysie physique, prouvant ainsi que la gestion des déchets est une responsabilité individuelle avant d'être une responsabilité commune. « Dis-moi comment tu te débarrasses de tes déchets, et je te dirai qui tu es », semble être la nouvelle devise de Caline Moawad et Freddy Ouaiss, deux exemples à suivre, à n'en point douter.

 

 

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