Depuis quelques années, l'actualité de Tripoli est phagocytée par les stigmates de la guerre voisine et des poussées de violence interne, aux grand dam des entrepreneurs locaux qui tentent d'y maintenir une activité. Mais la situation pourrait peut-être changer. « Un peu plus d'un an après le dernier attentat en date, qui avait fait sept victimes dans le quartier de Jabal Mohsen en janvier 2015, la situation sécuritaire à Tripoli est aujourd'hui excellente », affirme le directeur du port de la ville, Ahmad Tamer.
De fait, la semaine a été marquée par une série d'annonces confirmant le regain d'activité de la deuxième ville du pays, mais qui ne pèserait environ que 10 % de son PIB et où un habitant sur deux vivrait dans la pauvreté, selon le ministère de l'Économie et du Commerce. Lundi, la société Gultainer, qui gère le nouveau terminal conteneur du port de Tripoli, a annoncé la signature des premiers contrats de transport au départ du nouveau quai. Mercredi, le président de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Tripoli (CCIAT), Toufic Dabboussi, a conclu un protocole d'accord avec l'Union des banques arabes afin de soutenir les PME dans le Liban-Nord. Quelques heures plus tôt, il remettait à la présidente de l'autorité de la Zone économique spéciale (ZES) de Tripoli, Raya el-Hassan, les clefs d'un local de 500 m² pour y accueillir temporairement ses futurs bureaux. « On peut parler de véritable nouveau départ pour Tripoli », s'enthousiasme Mme Hassan.
(Lire aussi : Port de Tripoli : la mise en service du nouveau quai encore retardée)
Temps perdu
Initiés pour la plupart dans les années 2000, les projets de développement économique lancés dans la zone portuaire de Mina-Tripoli ont été retardés par la multiplication des troubles sécuritaires dans la ville. « C'est par exemple le cas du nouveau marché de fruits et légumes, qui a été évoqué pour la première fois il y a 10 ans et dont les travaux n'ont pas pu être relancés avant 2014 », raconte M. Dabboussi. Érigé au nord de la zone portuaire, ce nouvel espace de 105 000 m² doit remplacer l'ancien marché situé dans le quartier de Bab el-Tebbané et accueillir 184 maraîchers. « Ce projet de 9 millions de dollars – dont 1 million de dollars issu d'un prêt saoudien, 2 millions financés par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et le reste par l'État – sera finalisé d'ici à l'été », complète-t-il. « Il permettra entre autres de rapprocher les grossistes du port et de la ZES », ajoute-t-il.
Situé à quelques encablures, le terminal conteneur du port de Tripoli a, lui aussi, connu des débuts compliqués. « Ce chantier de 80 millions de dollars partiellement financé par un prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI) a en effet démarré en 2005 pour ne s'achever que 7 ans plus tard », rappelle M. Tamer. La société Gulftainer, qui a remporté en 2013 une concession de 25 ans pour en assurer l'exploitation, a dû ensuite attendre près de 3 ans de plus avant de pouvoir accueillir ses premiers clients.
(Pour mémoire : Le Liban va se doter de trois nouvelles zones industrielles)
Trop tôt
Le quai flambant neuf de 600 mètres de long jouxte, lui, les limites de la ZES, dont la réalisation a été repoussée pendant des années depuis sa consécration par une loi en 2008. « Les opérations de remblayage pour créer la zone terrassée de 550 000 m² lancées en octobre – une opération de près de 25 millions de dollars financés par le CDR – ne seront pas terminées avant un an et demi », avance Mme Hassan. « Ce temps pourra toutefois être employé à trouver les fonds pour financer les infrastructures de la ZES », ajoute-t-elle.
Pour autant, la construction de cette zone qui doit accélérer le développement économique de la ville en attirant les investissements étrangers est encore loin d'être acquise. « Les lois qui doivent mettre en place les mesures d'incitation fiscale de la ZES doivent être encore votées et le gouvernement doit se décider à allouer un budget à l'autorité pour financer son recrutement et ses projets », confirme le conseiller au ministère de l'Économie et du Commerce, Jassem Ajaka.
« De manière générale, il est encore trop tôt pour se réjouir, que ce soit pour la ZES ou pour la ville », conclut-il, soulignant que la relance de l'activité économique à Tripoli dépend surtout d'une stabilisation durable en Syrie. En attendant, l'État libanais étudie déjà la possibilité de construire une ligne ferroviaire de 30 km vers la frontière syrienne, au départ de l'ancienne gare située au sud de la zone portuaire. « Le lancement d'un appel d'offres était prévu au printemps, mais la finalisation de l'étude technique a pris du retard suite à certaines difficultés posées par la topographie du terrain », indique une source au CDR, sans plus de précisions.
Pour mémoire
Le terminal du port de Tripoli décharge sa première cargaison
Le marché de fruits et légumes de Tripoli bientôt achevé
Le chantier de la zone économique spéciale de Tripoli prêt à démarrer