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Poly-techniques

Depuis qu'on a inventé la politique, il y a toujours eu loin de la parole aux actes. Et il n'est pas rare que les actes, à leur tour, produisent tout le contraire du résultat escompté. Tel est bien le cas de la décision saoudite de suspendre le financement d'un marché de matériel militaire français destiné à l'armée et à la police libanaises : cela en représailles contre une diplomatie libanaise jugée inamicale, voire hostile.

Or non seulement cette mesure pénalise lourdement le Liban tout entier, sous prétexte de châtier ceux qui se satisfont de l'influence croissante de l'Iran ; mais elle ne fait que compliquer la tâche de ceux, des Libanais, qui voudraient précisément mettre un frein au débordement persan. Que le Hezbollah n'échappe guère lui-même à ce genre de paradoxe n'a évidemment rien de consolant. C'est aux quatre coins du monde arabe qu'est occupée à guerroyer cette milice officiellement vouée à la lutte contre l'ennemi israélien ; et c'est sur le terrain syrien qu'elle se dépense avec le plus d'acharnement et de pertes en vies humaines : tout cela pour défendre un régime dont Israël n'a jamais caché pourtant qu'il est son adversaire préféré.

Non moins extravagante est la démarche de tel champion autoproclamé des droits des chrétiens qui, pour promouvoir les intérêts de sa communauté, mise sur l'aide désintéressée de l'Iran, République farouchement islamique, toujours résolue à exporter sa révolution et qui, 27 ans après, en est encore à rééditer régulièrement sa fatwa de mort contre Salman Rushdie...

Pour en revenir à la crise surgie entre Beyrouth et Riyad, ce n'est pas, une fois de plus, en secouant furieusement le prunier libanais qu'on pourra en attendre des fruits meilleurs. En décrétant terroriste un Hezbollah solidement représenté au Parlement comme au gouvernement, les royaumes du Golfe, et à leur suite la quasi-totalité des pays membres de la Ligue arabe, ont seulement fait de l'infortuné Liban un État partiellement terroriste : écueil que l'Union européenne avait réussi à éviter (au prix d'un bel exercice de casuistique, il est vrai) en accablant la seule aile militaire de ce parti.

C'est à des gesticulations de contorsionniste chinois que se trouve ainsi condamné notre pays : discipline totalement inconnue pour le ministre des Affaires étrangères, l'homme par qui le scandale est arrivé quand, invoquant une étrange notion de la neutralité du Liban, il a paru favoriser outrageusement l'Iran en rompant l'unanimité arabe en faveur de l'Arabie. Bien plus fin diplomate vient de se montrer, devant ses homologues arabes réunis à Tunis, le ministre de l'Intérieur. Sans naturellement souscrire à la diabolisation du Hezbollah, il n'a pas manqué en effet de dénoncer les menées subversives de l'Iran, déplorant en prime l'insoluble, le cornélien dilemme auquel se trouve confronté notre pays.

Pour appréciable que soit la performance, elle jette une lumière crue sur l'éparpillement d'un pouvoir exécutif qui n'a jamais semblé plus incohérent. L'inexistence d'un président de la République (quand le chat n'est pas là...) achève de faire de chaque ministre un substitut de président libre de toute ligne gouvernementale : un touche-à-tout tâtant de toutes les disciplines, qu'il s'agisse de crises régionales ou de fruste crise de déchets ménagers.

Nécessité n'est pas toujours mère de bonnes inventions.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Depuis qu'on a inventé la politique, il y a toujours eu loin de la parole aux actes. Et il n'est pas rare que les actes, à leur tour, produisent tout le contraire du résultat escompté. Tel est bien le cas de la décision saoudite de suspendre le financement d'un marché de matériel militaire français destiné à l'armée et à la police libanaises : cela en représailles contre une...