Sous forte protection policière, les autorités françaises procédaient, hier, à la destruction d'une partie de la « jungle » de Calais. C'est la première étape vers le démantèlement de ce camp de migrants devenu le plus grand bidonville de France. Depuis des années, des migrants, venus pour la plupart de Syrie, d'Afghanistan et du Soudan, y transitent dans l'espoir de gagner la Grande-Bretagne, en profitant notamment du ballet des camions entre les deux pays.
Arrivés avec deux bulldozers, les employés d'une entreprise privée mandatée par l'État ont commencé à s'activer dès le début de la matinée, démontant des abris de fortune situés sur une zone de 100 m2. Sous un grand soleil et par un vent glacial, les employés ont détruit à la main les tentes ou cabanes vides puis se débarrassaient d'objets divers dans de grandes bennes : planches, cartons, éléments de charpente... Les migrants observaient à distance cette opération sur un secteur du camp littéralement quadrillé par les policiers anti-émeutes.
Après une matinée plutôt calme, la situation s'est tendue en début d'après-midi : à la suite d'un départ de feu de cabanes, des projectiles ont été lancés sur les policiers par des migrants et militants radicaux « No Border » (qui luttent pour l'abolition des frontières), impliquant environ 150 personnes, selon la préfecture. Les forces de l'ordre ont riposté en faisant usage de gaz lacrymogène. Une vingtaine de cabanes ont été incendiées, nécessitant l'intervention des pompiers.
Cette partie sud du bidonville abrite de 800 à 1 000 migrants selon la préfecture mais 3 450 selon les associations. La partie nord, qui abrite dans des tentes et cabanes entre 1 100 et 3 500 réfugiés selon les sources, n'est pas concernée et les migrants y restent installés. Il y a un mois, 500 à 700 migrants avaient déjà dû quitter une bande de 100 m de profondeur longeant l'axe routier stratégique menant au port de Calais.
Cohabitation tendue
Le gouvernement français avait obtenu la semaine dernière l'assentiment de la justice administrative pour une évacuation de la zone sud du camp, contestée par des migrants et des associations. Dans son ordonnance, la justice française avait estimé que l'insécurité, l'insalubrité, les violences, notamment entre migrants et forces de l'ordre et vis-à-vis de riverains, justifiaient la mesure d'expulsion sur le secteur sud de la « jungle ». Les migrants doivent être relogés dans des centres d'accueil à Calais même ou ailleurs en France. Pour l'État français, l'objectif est clairement, à terme, le démantèlement de la « jungle », où survivent entre 3 700 et 7 000 migrants selon les sources, ceci dans le cadre d'une « démarche de mise à l'abri des migrants de Calais », selon l'expression du ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. L'État privilégie, en effet, une double solution, dont il tente de persuader les migrants. D'une part l'hébergement d'une partie de ces migrants dans le « Centre d'accueil provisoire », des conteneurs chauffés jouxtant la « jungle » elle-même, où 1 200 personnes se sont installées depuis son ouverture en janvier. Mais aussi et surtout les départs dans l'un des 102 « Centres d'accueil et d'orientation » disséminés partout en France, loin de Calais, où les migrants sont censés réfléchir à leur projet pour déposer des demandes d'asile en France, plutôt que de tenter la traversée clandestine et parfois dangereuse vers l'Angleterre.
(Source : AFP)