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Parfum de triche

Au Liban, même les poubelles sont accusées d'espionnage au profit d'Israël, ironisait hier le site israélien francophone Coolamnews ; celui-ci se référait au sévère réquisitoire dressé par le collectif Nous réclamons des comptes contre le patron de la firme britannique chargée d'exporter en Russie les ordures ménagères qui, depuis le mois de juillet dernier, s'amoncellent chez nous.

Magouilleur éclaboussé par un scandale de pots-de-vin dans la Libye de Kadhafi, familier d'Ariel Sharon puis de Benjamin Netanyahu, accrédité comme médiateur auprès de sociétés israéliennes et déjà condamné d'ailleurs pour collaboration : du sieur Mohammad Ali Ajami, dirigeant de la Chinook Urban Mining Ltd, les mouvements sociaux libanais disent pis que pendre. En attendant qu'apparaisse la vérité, c'est de fraude caractérisée que se rend visiblement coupable cette entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables.

Et quelle fraude ! Colossale d'audace, celle-ci, puisque laissant croire à des complicités mafieuses opérant sur place ? Ou plutôt ahurissante (j'allais écrire désarmante) de stupidité ? Toujours est-il que, selon le ministère russe de l'Environnement, c'est à l'aide de documents trafiqués, portant de fausses signatures officielles, que Chinook a tenté d'offrir à nos déchets une glorieuse fin de carrière dans les immensités de la toundra avec le prétendu agrément de Moscou.

Et ce n'est pas tout. À Moscou, et bien que mise en cause par les Russes, l'ambassade du Liban dit ne rien savoir de toute cette affaire. Et à Beyrouth, où les responsables observent un strict silence radio, l'ambassade de Russie se dit elle aussi non concernée, l'affaire étant du ressort des partenaires commerciaux de la transaction. Faux, archifaux, car la Convention de Bâle, dont le Liban est signataire, n'admet que les accords entre États. À cela s'ajoute plus d'une irrégularité de procédure, le marché ayant été concédé – au prix fort – en l'absence de tout appel d'offres, et par simple et arbitraire élimination des autres candidats en lice.

En somme, et pour l'heure du moins, les milliers de tonnes d'immondices qu'ont collectionnées pour nous nos dirigeants nous restent sur les bras : tout cela à cause d'une malheureuse petite triche de rien du tout, comme il s'en produit tant, tous les jours, dans notre charmant petit pays ! Fraude, disiez-vous ? Tout ou presque est fraude désormais sur ce minuscule arpent de terre où le légendaire sens commercial des Phéniciens a fait place à l'affairisme effréné de dirigeants indélicats, avides de commissions, autoexemptés d'impôt et qui ne craignent pas de faire étalage de leur bien mal acquis. Par quel miracle dès lors, on vous le demande, les institutions de l'État, l'administration et jusqu'au discours politique pouvaient-ils échapper à si triomphante pourriture ?

La pestilentielle affaire des ordures, c'est tout le contraire de l'histoire de la poule et de l'œuf, dont on ne sait lequel des deux a donné naissance à l'autre. Pas de confusion possible cette fois : fiez-vous tout simplement à votre nez...


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Au Liban, même les poubelles sont accusées d'espionnage au profit d'Israël, ironisait hier le site israélien francophone Coolamnews ; celui-ci se référait au sévère réquisitoire dressé par le collectif Nous réclamons des comptes contre le patron de la firme britannique chargée d'exporter en Russie les ordures ménagères qui, depuis le mois de juillet dernier, s'amoncellent chez...