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Moyen Orient et Monde - Primaires américaines

Comment les électeurs évangéliques font peser la balance dans l’Iowa

Camille Froidevaux-Metterie, professeure de sciences politiques à l'Université de Reims Champagne-Ardenne, et Nicole Bacharan, spécialiste des États-Unis, décryptent pour « L'Orient-Le Jour » l'importance du vote évangélique lors du caucus de l'Iowa.

Le candidat à la primaire républicaine, Donald Trump. Carlos Barria/Reuters

Les courses aux investitures républicaine et démocrate ont officiellement été lancées hier, en Iowa. Traditionnellement, cet État a, depuis 1972, le privilège d'inaugurer la première étape du processus d'investiture à l'élection présidentielle. Lors des primaires, l'Iowa a la particularité d'être également l'un des rares États à désigner ses délégués par caucus, c'est-à-dire lors de réunions publiques, plus communément définies comme des « réunions de voisins », et non par un vote traditionnel. Il s'agit d'une étape scrutée à la loupe par les médias et les analystes politiques car elle permet de prendre le pouls des électeurs, sans pour autant peser lourd dans la balance, car cet État ne représente que 1 % des délégués nationaux.

Considéré par certains comme l'un des États les plus religieux du pays, l'Iowa et ses 3 millions d'habitants entament donc la marche à l'élection du futur président américain, prévue pour novembre. État blanc, rural, la population évangélique, donc protestante très pratiquante, représente 60 % de l'électorat, et elle est donc la réserve à séduire pour les partis républicain et démocrate.

Pour Camille Froidevaux-Metterie, membre de l'Institut universitaire de France, spécialiste de la politique et de la religion aux États-Unis, auteur de l'ouvrage « Politique et religion aux Etats-Unis » (La Découverte, 2009), interrogée par L'Orient-Le Jour, le vote évangélique est « important », car cette communauté représente 30 % de la population de l'Iowa, donc un peu plus que la moyenne nationale de 25 %. « Ce réservoir électoral, de chrétiens évangéliques, est un réservoir qu'aucun candidat ne peut se permettre de négliger, estime-t-elle. On l'a notamment vu en 2008, lorsque Barack Obama a été le premier Démocrate à se tourner vers eux ». Selon la politologue, l'apparition d'une gauche religieuse a même été évoquée.

(Lire aussi : Trump en chasse sur les terres évangéliques)

 

Augmentation des « sans-religion »
« L'Iowa n'est pas l'État le plus religieux des États-Unis, mais c'est un État assez homogène sur le plan religieux. Il y a 60 % d'adultes qui sont protestants pratiquants, cela suppose qu'il y en a 40 % qui ne sont pas dans le même état d'esprit », précise de son côté l'historienne et spécialiste des États-Unis, Nicole Bacharan, notamment auteure de l'ouvrage Du sexe en Amérique, une autre histoire des États-Unis (Robert Laffont, 2016), également interrogée par L'Orient-Le Jour.

Les deux spécialistes s'accordent à dire que le nombre d'Américains se déclarant « sans religion » est en forte hausse, puisqu'ils sont passés de 16 % à 23 % en 8 ans. Ainsi, malgré le fait que la religion soit extrêmement importante aux États-Unis et qu'elle soit étroitement liée avec la politique, elle serait en perte de vitesse. Par ailleurs, « si les Américains ont toujours été réticents à voter pour quelqu'un qui ne serait pas expressément religieux », précise Mme Froidevaux-Metterie, il semblerait qu'ils seraient de moins en moins nombreux à faire « de la question religieuse le socle de leur vote pour un candidat », cependant de manière plus distinctive du côté républicain. « Deux tiers d'entre eux estiment qu'il est important que le candidat soit expressément religieux, alors que cela est le cas chez seulement 50 % des Démocrates », poursuit la chercheuse.

(Lire aussi : Donald Trump s'est trouvé un rival de poids: Ted Cruz)

 

Vocation évangélique
Depuis plusieurs années, cette frange de la population ne se « reconnaissait pas dans les candidats conservateurs », comme John McCain ou Mitt Romney, estime Nicole Bacharan. Tout le challenge pour Ted Cruz et Donald Trump aura été de réussir à séduire ce réservoir de voix, dont « la vision assez musclée de la tradition » tranche visiblement avec certains aspects du profil de ces deux candidats. En effet, comme l'explique l'historienne, Ted Cruz s'est « découvert une vocation évangélique, très honnêtement, assez récente », mais tient désormais « un discours dans la tradition évangélique, politiquement tout à fait reconnaissable », alors que son adversaire, presbytérien, est loin d'être d'une ferveur assidue. « Il ne va pas souvent à l'église, a divorcé deux fois et a été marié trois fois, et s'est emmêlé en citant les Saintes Écritures », précise Nicole Bacharan.

Pourtant, cette tendance non ou peu religieuse du candidat non conventionnel ne semble pas poser problème à l'électorat conservateur, bien au contraire, affirment, toutes deux, les spécialistes interrogées. Ce qui séduirait ces électeurs religieux tend davantage au discours de « la Grande Amérique », de la « nostalgie du passé » et du « rejet de l'étranger », explique Nicole Bacharan. « Quand Donald Trump exprime la frustration de la petite classe moyenne blanche qui se sent en perte de vitesse, qui a l'impression qu'on en a trop fait pour les autres groupes de la société, elle se reconnaît à travers ce discours », conclut l'historienne.

 

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