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Moyen Orient et Monde - Tournée

La Chine de plus en plus tentée par le Moyen-Orient

Réticent à toute intervention dans les conflits mais désireux d'accroître son influence, Pékin marche sur des œufs dans la région.

Le président iranien Hassan Rohani recevant à Téhéran son homologue chinois Xi Jinping. Reuters/President.ir/Handout via Reuters

Le président chinois Xi Jinping n'a pas failli à sa réputation d'équilibriste hors pair. Quinze milliards de dollars de contrats signés avec l'Égypte, la perspective d'un accord sur le libre-échange avec les monarchies du Golfe, une promesse de multiplier le volume des échanges commerciaux avec l'Iran par 10 en dix ans... Mais quid de la rupture des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite ? Et du conflit syrien ? Le président chinois, au Moyen-Orient du 19 au 23 janvier, a réussi à parler avec chacun sans froisser personne, le tout en confortant ses intérêts dans l'ensemble de la région. Mais derrière cette posture de non-ingérence, habituelle pour la di-plomatie chinoise, Pékin semble prendre au Moyen-Orient la mesure de sa puissance.

 

Pragmatisme et non-ingérence
La tournée diplomatique chinoise au Moyen-Orient n'a pas vraiment commencé le 19 janvier à Riyad. Quelques jours plus tôt, le 13, paraissait un texte intitulé Document de la politique de la Chine à l'égard des pays arabes. Ce texte s'inscrit directement dans la lignée de la tradition diplomatique chinoise : pragmatisme et non-ingérence. Le pragmatisme en clair, ce sont les intérêts économiques. Quand une délégation officielle chinoise fait un voyage d'État, elle le fait avec le chéquier. Dans cette optique, chacun des trois pays visités avait sa pertinence.
La Chine est le plus grand partenaire commercial de l'Arabie saoudite et son premier client pétrolier. De plus, elle avait des relations privilégiées avec Téhéran et entend les garder malgré l'ouverture créer par la levée des sanctions économiques et financières depuis l'accord sur le nucléaire. Les renforcer même car l'Iran fait partie intégrante du projet commercial de la Route de la Soie. Enfin l'Égypte, outre sa position géographique de plaque tournante entre l'Afrique et le Moyen-Orient, est le premier pays arabe à avoir reconnu la Chine communiste en 1956.
Le président chinois a donc bien fait le déplacement avant tout pour conforter les intérêts de son pays. Il faut remonter à 1976 et l'ouverture de la Chine à l'économie de marché pour trouver la source de cette stratégie d'émergence pacifique. Une puissance qui respecte l'ordre international, l'hégémonie américaine, et qui se concentre sur son développement et ses propres intérêts. Constamment rappelée depuis, cette position de simple médiateur pose aujourd'hui quelques interrogations.

 

( Lire aussi : Le Liban veut intensifier ses échanges avec la Chine )

 

« La Chine veut accroître son influence dans cette partie du monde »
La Chine de 2016 n'est pas celle de 1976. Elle a aujourd'hui les moyens de prétendre à autre chose qu'à un statut de pays émergent. Selon Antoine Kernen, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne et spécialiste de la Chine, « le discours officiel reste le même, mais des éléments amènent à penser que nous sommes à un tournant, que la Chine prend conscience de sa puissance ». Par exemple, l'installation prochaine d'une base militaire à Djibouti, point de passage entre l'Afrique et le Golfe est un signe révélateur. Et puis Pékin ne peut raisonnablement pas se détourner des questions politiques, la stabilité de la région est primordiale pour l'économie chinoise. À un moment où l'Iran et l'Arabie saoudite sont à couteaux tirés, où les grandes puissances s'enlisent dans la crise syrienne, « la Chine, désormais deuxième puissance mondiale, veut accroître son influence dans cette partie du monde où par tradition elle était peu présente et peu influente », note pour sa part Jean-Pierre Cabestan, politologue à l'Université baptiste de Hong-Kong, contacté par L'Orient-Le Jour. « La Chine est encore un acteur nouveau dans la région. Elle déclare ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures du Moyen-Orient, contrairement aux Occidentaux, et essaie d'en tirer un supplément de popularité. Mais en réalité, ses capacités d'intervention y restent faibles alors que ses intérêts économiques et ses ressortissants sont de plus en plus nombreux », poursuit M. Cabestan, auteur de La Politique internationale de la Chine : entre intégration et volonté de puissance.

 

( Lire aussi : L'Iran et la Chine en faveur d'un "partenariat stratégique")


À l'instar de l'Empire britannique au XIXe siècle avec ses colonies, de la puissance américaine après 1945 en Europe, la Chine a besoin de débouchées et son président multiplie les déplacements pour peser davantage dans l'échiquier mondial.
On retiendra donc surtout de cette tournée de Xi Jinping l'intensification programmée des relations économiques avec le Moyen-Orient. Pékin est encore loin de l'influence de Washington dans la région, mais c'est peut-être cette réticence à intervenir dans les conflits qui confère à la Chine une telle attractivité pour ces pays, sous pression partout ailleurs.

 

 

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