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Culture - Disparitions

Leila Alaoui « était tout ce que les terroristes ne pourront jamais abattre »

La photographe franco-marocaine, grièvement blessée dans les attaques de Ouagadougou, est décédée lundi soir des suites de ses blessures. Elle résidait une partie de l'année au Liban, où l'avaient menée les liens du cœur. Elle y était appréciée autant pour son talent que pour sa personnalité charismatique.

Leila Alaoui, un regard et un sourire.

Elle avait pour seule arme la caméra. Et pour objectif la lutte, par l'image, contre l'intolérance, le racisme, les frontières entre les peuples. Photographe documentaire et portraitiste hors pair, l'identité et la migration étaient parmi ses thèmes de prédilection. Sa fibre sociale et ses études sociologiques la portaient à croire au « rôle important de l'art dans la réflexion et le questionnement de nos sociétés ».
Leila Alaoui, 33 ans, a succombé sur « son » champ de bataille. Celui de la photo-vidéo humaniste et documentaire. Abattue par ces esprits ignares, ces âmes noires qu'elle combattait au moyen de son art, de son talent, de sa curiosité et de son ouverture aux autres.


La photographe franco-marocaine était au Burkina Faso dans le cadre d'une mission pour l'ONG Amnesty International, lorsque les jihadistes d'Aqmi (el-Qaëda au Maghreb islamique) ont perpétré leur attentat contre d'innocentes victimes. Leila Alaoui se trouvait à la terrasse du café-restaurant Cappuccino du centre de Ouagadougou, mitraillé vendredi soir. Touchée au poumon, à l'abdomen, au bras et à la jambe, par les balles à bout portant d'un de ces semeurs de haine et de mort, elle avait été transportée à l'hôpital, où elle avait été opérée durant plusieurs heures. Malheureusement, alors qu'on la croyait sortie d'affaire, la photographe « est décédée lundi vers 21h15 des suites d'un arrêt cardiaque », a indiqué l'agence de presse marocaine MAP, citant l'ambassade du Maroc au Burkina Faso.

 

Une artiste de terrain
Elle laisse le souvenir d'une jeune femme aussi appréciée humainement qu'estimée professionnellement. La qualité et la sensibilité de son travail lui avaient valu une importante reconnaissance. Dans un message publié dans la nuit, la ministre de la Culture en France, Fleur Pellerin, s'est dit « bouleversée », saluant la mémoire d'une « jeune et talentueuse » photographe. Le président Hollande lui a également rendu hommage ainsi que le Premier ministre Manuel Valls. Ce dernier a écrit sur son compte Twitter : « Leila Alaoui, c'était l'engagement, la culture, le talent. Tout cela, les terroristes ne pourront jamais l'abattre. »
Contacté par L'Orient-Le Jour, Patrick Baz, directeur photo de l'AFP (Moyen-Orient et Afrique du Nord), a déploré « cette grande perte pour le monde de la photo. Elle faisait partie de cette nouvelle génération de photographes dont le monde arabe a besoin ».


Leila Alaoui avait à son actif d'importantes expositions à New York, Dubaï, Beyrouth (Art Factum) ou encore Paris, à l'Institut du monde arabe. Sa série sur les Marocains était d'ailleurs exposée ces dernières semaines à la Maison européenne de la photographie dans la capitale française. « Je contemplais encore ce week-end cette série à la MEP dans le cadre de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain... Brûlantes d'actualité, engagées, humanistes et sans artifices, ces œuvres sont à l'image de leur auteur », affirme Raphaële de La Fortelle. Médiatrice artistique France-Maghreb, celle-ci avait collaboré avec Leila Alaoui. Elle évoque « une artiste de terrain, qui n'hésitait pas à parcourir des kilomètres pour aller à la rencontre et témoigner de la vie de ses contemporains, Marocains de tous horizons, hommes et femmes, Berbères, guerrab (porteurs d'eau), joueurs de gnaouas, migrants subsahariens... À travers son regard authentique, Leila Alaoui abolissait les clichés et révélait la beauté innée, l'humanité et la fierté de ces êtres aux destins brisés par les affres de la mondialisation. C'est avec beaucoup d'émotion et de tristesse que le Maroc et l'art en général perdent cette belle artiste dont le souvenir doit nous guider pour continuer d'œuvrer à la rencontre entre les cultures ».
Parallèlement à son œuvre photographique, elle s'impliquait aussi avec l'enthousiasme qui la caractérisait sur la scène artistique libanaise, en gérant notamment avec son compagnon Nabil Canaan la galerie Station à Jisr el-Wati.

 

Généreuse, talentueuse, créative...
Parmi les témoignages de ses amis libanais, ceux de nombreux artistes qui saluent son professionnalisme, son engagement, son goût de la vie, des gens et... du Liban aussi.
Pour Joy Mardini, la galeriste d'Art Factum, « Leila photographiait la vie. Son envie d'aller jusqu'au bout de son art et de ses recherches ne l'ont pas protégée. (...) La galerie a perdu une photographe de grand talent et générosité, respectée par tous. Et j'ai (personnellement) perdu une amie, une complice. Je me rappellerai de son regard et de son sourire (...) »
« Leila, c'est le jour. Leila reste un sourire dans ma vie. Une femme intelligente, généreuse, chaleureuse, créative et belle », lance le photographe Thierry Van Biesen. « Leila a toujours fait et fera toujours partie de ce que ces nihilistes déjà morts-vivants eux-mêmes veulent tuer : la vie, la vraie. Celle qui crée, qui construit, qui fait le lit de ses enfants, au lieu de le brûler. Elle est morte mais son esprit est bien plus vivant que le leur. Elle est morte mais ils ont perdu d'avance. Mon cœur est lourd pour Nabil, son (ami) qui se faisait une joie de la voir revenir après chaque départ, et avec qui elle voulait fonder une famille. J'ai très peu dormi mais je vais au travail ce matin avec un peu de son esprit en moi, bien décidé à le faire vivre tous les jours, comme tous ses amis qui le portent aussi en eux. De plus en plus décidé à le faire vivre en fait, et à lui rester fidèle. Pour participer aux rêves de tous ceux qui construisent. Et défaire les cauchemars de ceux qui ne savent que détruire. »
Leila restera aussi dans les pensées de Gaby Daher, collectionneur et antiquaire, comme cette « jeune et jolie photographe franco-marocaine me racontant, lors de notre première rencontre il y a cinq ans, son bonheur d'habiter Beyrouth longtemps décrite comme ville dangereuse. Mais c'est à Ouagadougou, ville calme et paisible pourtant, que les forces du mal lui ont ôté la vie. Elle était courageuse, entreprenante et fragile à la fois ».


« J'avais rencontré Leïla en 2012 à Dubaï, lors d'une expo de travaux de plusieurs femmes photographes arabes. J'étais frappé par son talent, sa modestie, sa positivité. Elle traitait en image, avec son studio mobile, les gens de la rue comme des top models et avec le même respect que l'on porte aux chefs d'État, se souvient le photographe Ammar Abd Rabbo. Elle avait ce côté "citoyenne du monde", cosmopolite qui lui permettait d'être bien partout : un jour à Dubaï, le lendemain à Marrakech, puis à New York, Buenos Aires, Paris... Et surtout Beyrouth, où elle promenait son sourire sur le toit de "Station", pour parler de ses projets, manger, boire et rire. Si son corps n'a pu vaincre les blessures de cinq balles d'une kalachnikov terroriste. Et si les yeux créatifs et si expressifs de Leïla se sont fermés au Burkina, son beau regard sur la vie, sur notre monde et sur les Marocains, lui ne pourra jamais s'éteindre et ne nous quittera pas ». Idem pour Gilbert Hage qui affirme, pour sa part, avoir « très peu connu Leila mais suffisamment pour l'aimer, suffisamment pour être en ce matin très triste et suffisamment pour partager la douleur et la rage de sa famille et de tous ceux qui l'ont connue ».

 

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Elle avait pour seule arme la caméra. Et pour objectif la lutte, par l'image, contre l'intolérance, le racisme, les frontières entre les peuples. Photographe documentaire et portraitiste hors pair, l'identité et la migration étaient parmi ses thèmes de prédilection. Sa fibre sociale et ses études sociologiques la portaient à croire au « rôle important de l'art dans la réflexion et le...

commentaires (2)

Leila, rayonnante dans la beauté de sa jeunesse!!! Que c'est triste!! Mais n'est ce pas que les inégalités injustes entre riches et pauvres, entre instruits et analphabètes, entre enfants éduqués et enfants lâchés dans la rue, génèrent aussi des terroristes? La délinquance est le produit de la pauvreté, de la faim, de l'ignorance et de la misère! ´La bande de voyous qui ont attaqué l'hôtel à Burkina Fasso, sont pris en charge par des criminels qui, eux sont les vrais terroristes. Ils manipulent leurs "bourreaux" en les bourrant de drogue et de lavage de cerveau! Mais ces "patrons" de la mort se cachent derrière leurs abominables opérations infernales et ne seront découverts que lorsque justice sera faite....Peut être jamais! Autrement, les victimes innocentes du terrorisme seront tombées en vain. Que l'âme de Leila Alaoui repose en paix

Zaarour Beatriz

21 h 44, le 20 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • Leila, rayonnante dans la beauté de sa jeunesse!!! Que c'est triste!! Mais n'est ce pas que les inégalités injustes entre riches et pauvres, entre instruits et analphabètes, entre enfants éduqués et enfants lâchés dans la rue, génèrent aussi des terroristes? La délinquance est le produit de la pauvreté, de la faim, de l'ignorance et de la misère! ´La bande de voyous qui ont attaqué l'hôtel à Burkina Fasso, sont pris en charge par des criminels qui, eux sont les vrais terroristes. Ils manipulent leurs "bourreaux" en les bourrant de drogue et de lavage de cerveau! Mais ces "patrons" de la mort se cachent derrière leurs abominables opérations infernales et ne seront découverts que lorsque justice sera faite....Peut être jamais! Autrement, les victimes innocentes du terrorisme seront tombées en vain. Que l'âme de Leila Alaoui repose en paix

    Zaarour Beatriz

    21 h 44, le 20 janvier 2016

  • Jeune intelligente et belle. Voilà le travail que cette alliance wahabito occicon sio veut détruire chez nos sociétés arabes.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 41, le 20 janvier 2016

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