La crise entre Riyad et Téhéran, deux protagonistes majeurs du conflit syrien, menace la poursuite du très fragile processus laborieusement mis en œuvre par la communauté internationale pour tenter de trouver une solution politique à cette guerre.
« Le conflit irano-saoudien aura certainement un impact négatif » sur ce processus, a déploré hier Samir Nashar, un membre de l'opposition syrienne en exil. Prévues pour fin janvier à Genève, les négociations sous l'égide de l'Onu entre représentants du régime de Damas et de l'opposition syrienne étaient déjà hypothétiques.
Elles « s'annonçaient déjà difficiles, presque impossibles, et le conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran ne fera que durcir les positions », a encore dit ce responsable de la Coalition nationale syrienne.
En Syrie, l'Iran soutient le régime de Bachar el-Assad et a envoyé des milliers de « conseillers militaires » sur le terrain, tandis que Riyad a juré la chute du président syrien, et appuie financièrement et militairement des groupes rebelles, notamment salafistes.
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Crise inextricable
Dans cette crise syrienne déjà inextricable, tant par le nombre des acteurs impliqués que par les intérêts en jeu de chacun, « la rivalité irano-saoudienne a été un des éléments moteurs dès le départ », et son exacerbation risque d'affecter les efforts en vue d'un règlement politique, estime Yezid Sayigh, associé au centre de réflexion Carnegie Middle East Center.
La crise entre Riyad et Téhéran « annihile quelques-uns des progrès réalisés au cours des dernières semaines pour amener l'Arabie saoudite, l'Iran et leurs affidés à avoir des discussions directes », renchérit le centre de réflexion new-yorkais Soufan Group.
Au cours de deux réunions internationales à Vienne en octobre et novembre, tous les acteurs impliqués dans le conflit syrien, soutiens arabes et occidentaux de l'opposition d'un côté, alliés russe et iranien de Damas de l'autre, se sont retrouvés pour la première fois autour de la table de négociation.
À cette occasion, des diplomates occidentaux ont constaté la profondeur de la méfiance entre Saoudiens et Iraniens, évoquant par exemple une passe d'armes entre le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif et son homologue saoudien Adel al-Jubeir à propos de la définition des « terroristes ». « Mais au moins se parlent-ils », se félicitait une de ces sources. C'était avant la rupture des relations diplomatiques.
« On avait progressé avec ce retour à la table de (négociation) tous les protagonistes, et la résolution de l'Onu permettait de marquer l'engagement de la communauté internationale. Il est capital de maintenir la négociation, mais le processus est encore plus fragilisé », s'inquiète une source proche du dossier.
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Pour le chercheur Karim Bitar, « cette escalade va encore compliquer toute perspective d'avancée en Syrie, deux semaines après la mort de Zahran Allouche », un puissant chef rebelle soutenu par Riyad, qui avait accepté le principe de négociations intersyriennes et qui a été tué dans un raid aérien revendiqué par le régime.
Inquiets de l'escalade et soucieux de préserver des chances de règlement politique, aussi ténues soient-elles, en Syrie et au Yémen, Washington, Paris, Rome et Berlin ont appelé à l'apaisement. « Il ne fait aucun doute que le règlement des crises (en Syrie et au Yémen) et d'autres crises ne peut être trouvé que si la puissance sunnite qu'est l'Arabie saoudite et l'Iran chiite sont prêts à faire un pas l'un vers l'autre », a résumé hier Berlin.
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19 h 23, le 07 janvier 2016