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Le monde en 2015

Jihadisme et migrants : quand l’Europe tangue…

Les guerres qui sévissent en Irak et en Syrie vont enfanter deux crises mondiales : celle des réfugiés et la lutte contre le terrorisme.

Un policier turc examine de corps sans vie du jeune Aylan Shenu, retrouvé sur une plage de Bodrum, début septembre 2015. PHOTO / Nilufer Demir / DOGAN NEWS AGENCY

Novembre 2014 : un agrégé de lettres et un historien, Bernard Lecherbonnier et Serge Cosseron, publient La fatalité de l’an 15. Le livre prédit trois évènements sur le point de se produire : la guerre contre le jihad à l’échelle mondiale, la crise de l’euro et la crise politique française. Loin des prédictions des pythonisses des temps modernes, certaines de leurs théories vont dramatiquement prendre corps.

Le 1er janvier, le quotidien français Le Parisien titrait : « 2015 : et si on vivait une année historique ?en présentant leur ouvrage. Quelques jours plus tard, les 7 et 9 janvier, les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher vont malheureusement conforter l’une des thèses de leur ouvrage aux accents prémonitoires. Bernard Lecherbonnier confie d’ailleurs au Journal du dimanche, une semaine avant les attentats, qu’ « à l’an 15, on a l’impression que les gens se réveillent et se disent qu’ils sont dans un autre monde et qu’ils doivent désormais se prendre en main ».

Dans un autre monde ?  Le Moyen-Orient y est déjà plongé. Un califat, qui ne cesse de gangréner en se nourrissant du chaos dans lequel se noient deux pays en guerre, l’Irak et la Syrie, brandit son spectre sur l’Occident. La guerre civile syrienne a 4 ans. C’est qu’entre luttes intestines et bégaiements des dirigeants de la planète qui n’arrivent à entrevoir une issue possible au conflit, l’hydre jihadiste a bel et bien grandi. Terroriser les populations sous son joug ne lui suffit plus. La désormais célèbre multinationale État islamique (EI) veut exporter l’horreur. Les guerres qui sévissent dans cette région du monde vont enfanter deux crises mondiales : celle des réfugiés et la lutte contre le terrorisme.  Le 18 mars, un attentat revendiqué par l’EI contre le musée du Bardo, à Tunis, fait 22 morts, dont 21 touristes étrangers. Quelques mois plus tard, le 28 juin, c’est un hôtel pris pour cible à Sousse qui témoigne de la folie meurtrière commanditée par le même groupe. Hors d’Irak et de Syrie, l’EI revendiquera 47 attaques meurtrières dans 14 pays. La Libye, l’Égypte, le Yémen, l’Afghanistan, la Turquie, le Pakistan, le Koweït, le Liban, le Canada, l’Australie et les États-Unis vont être la cible de sa barbarie.

 

Le jeu des extrêmes

Dans le même temps, ce  qu’on va surnommer la plus grande crise des migrants depuis la Seconde Guerre mondiale dévoile à la face du monde une autre figure de l’horreur. Le naufrage tragique de près de 800 migrants, en majorité africains, aux larges des côtes libyennes bouleverse l’opinion publique et inaugure une funeste série de noyades en Méditerranée. Cette mer en apparence si calme et chaude sera le nouveau cimetière de près de 3 500 hommes, femmes et enfants partis, en vain, à la recherche d’un avenir meilleur. Une onde de choc va se propager à la vue de la photographie qui fera le tour de la planète du petit Alan, 3 ans, mort échoué sur le sable grège d’une plage de la célèbre station balnéaire de Bodrum, en Turquie. Syrien d’origine kurde, l’enfant a fui Kobané, alors sous l’emprise de l’EI, avec sa famille. Le monde entier encaisse le coup, à la fois coupable et impuissant, et s’empare du symbole pour relancer le débat sur l’accueil des réfugiés syriens et des migrants en général.

L’Europe sort de sa torpeur et prend à bras-le-corps l’épineux dossier. Partout sur le Vieux Continent, deux logiques s’affrontent. La terre d’asile aux valeurs d’égalité et de fraternité est aussi un terreau fertile pour les extrêmes, conservateurs et xénophobes. Le terrorisme qui sévit au sein même de ce Vieux Continent pétri de valeurs judéo-chrétiennes, et les arrivées massives de réfugiés afghans, syriens, et irakiens, à majorité musulmans, font le jeu des extrêmes. Les dirigeants européens sont dans le viseur de l’opinion publique et se doivent de gérer cette crise majeure à l’unisson.

 

Le bon grain et l’ivraie

Mais l’image d’une Europe solidaire n’est plus ce qu’elle a pu être. Chacun orchestre le problème « à sa manière ». L’Allemagne, avec à sa tête celle que les refugiés vont surnommer affectueusement « Mama Merkel », prend le problème à bras-le-corps et organise l’accueil d’un grand nombre de réfugiés. De réunions en sommets et de sommets en réunions, l’Europe est désaccordée. Pendant ce temps, après les drames maritimes viennent les désarrois sur la terre ferme.  Les images de réfugiés agglutinés les uns sur les autres dans des camps de fortune montés à la hâte en Europe centrale ou s’entassant dans des wagons à destination de l’Autriche ou de l’Allemagne  font revivre des heures douloureuses à une génération qui n’a eu de cesse de vouloir enfouir les épisodes les plus sombres de son histoire. L’année 2015 s’achève à Paris. Le 13 novembre, la capitale française est prise pour cible par des terroristes français ayant fait allégeance à l’EI. Fusillades et attaques-suicides s’enchaînent durant plusieurs heures, un samedi soir pas comme les autres. L’échappée funeste fera 129 morts et 355 blessés. Frappée en son cœur, la France fait désormais de la lutte contre le terrorisme sa priorité absolue. Le monde entier est aux aguets et craint d’être frappé aussi intensément à son tour. Les réfugiés en attente dans les pays de transit en pâtissent inexorablement. Certains n’hésitent pas à dire qu’il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie, que des jihadistes se cacheraient parmi les migrants – un discours qui profite, encore une fois, à l’EI.

Ce pourtour méditerranéen chahuté n’a jamais autant été lié autour de mêmes drames qui profitent aux extrêmes sur les deux rives. L’Europe se rend désormais compte de l’urgence de mettre un terme à la guerre syrienne pour préserver sa propre sécurité. La pacification des pays du Sud devient le prix à payer pour la paix des pays du Nord.

 

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La crise des migrants en chiffres

 

 - Un million de réfugiés et de migrants ont rejoint l’Europe en 2015.

 - Selon les statistiques de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au 21 décembre, quelque 972 500 personnes avaient déjà effectué la traversée souvent dangereuse de la Méditerranée.

 -  L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que plus de 34 000 personnes sont arrivées depuis la Turquie en Bulgarie et en Grèce par voie terrestre

 -  Un arrivant en Europe sur deux ayant traversé la Méditerranée cette année était un Syrien fuyant la guerre. Les Afghans représentaient 20 % du total et les Irakiens 7 %.

 -  Le nombre des personnes traversant depuis l’Afrique du Nord vers l’Italie est passé de 170 000 en 2014 à environ 150 000 en 2015.

(Source : HCR)

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La montée de l’extrême  droite en Europe

Allemagne 

Lancé en 2014, le mouvement Pegida milite contre la politique d’immigration de l’Allemagne et  contre l’islamisation de l’Europe.

France 

Lors des élections régionales du 6 décembre 2015, le Front national est arrivé en tête avec 27,96% des suffrages. Au second tour, ce parti d’extrême droite est battu et n’obtient aucune région.

Grèce 

Le parti néonazi Aube dorée créé en 1980 redevient populaire après la crise économique de 2012 et la crise des migrants en 2015.

Hongrie 

L’actuel Premier ministre Viktor Orban est également président de la Fidesz - Union civique hongroise (Fidesz - MPSz), parti conservateur et eurosceptique.

 

 

Novembre 2014 : un agrégé de lettres et un historien, Bernard Lecherbonnier et Serge Cosseron, publient La fatalité de l’an 15. Le livre prédit trois évènements sur le point de se produire : la guerre contre le jihad à l’échelle mondiale, la crise de l’euro et la crise politique française. Loin des prédictions des pythonisses des temps modernes, certaines de leurs théories vont...