Le discours du secrétaire général du Hezbollah était très attendu pour définir les contours de la prochaine étape aux yeux de ce parti. Mais certains ont été déçus, estimant que Hassan Nasrallah n'a rien dit de nouveau.
En réalité, le discours prononcé lundi soir comptait pourtant des éléments importants, notamment sur la détermination du Hezbollah à rendre coup pour coup, imposant ainsi ses nouvelles règles dans la confrontation avec Israël. Selon ceux qui savent décoder les discours de Hassan Nasrallah, ce dernier a soulevé plusieurs points essentiels. D'abord, il a considéré que Samir Kantar est un résistant au même titre que Imad Moghniyé, ou d'autres figures importantes du Hezbollah. C'est un pas important dans l'élargissement du concept de la résistance qui se dote désormais de figures non chiites et, en même temps, étend son champ d'action, créant une unité d'action entre la résistance palestinienne, celle en Syrie et celle du Liban. Dans les propos du secrétaire général du parti chiite, il s'agit d'une dimension stratégique qui, jusque-là, était théorique mais qui devient désormais une réalité sur le terrain. Dans ce même discours, Hassan Nasrallah rend un hommage soutenu à la jeune Palestinienne Achrakat Katanani pour confirmer l'unité de l'action contre Israël. À travers ce discours, et en insistant sur l'appartenance de Samir Kantar au mouvement qu'il dirige, le secrétaire général du Hezbollah a replacé la Palestine et la lutte contre Israël en tête de ses priorités, en dépit des développements dans la région et de la guerre déclarée au terrorisme et à Daech en particulier. Ce n'est pas seulement pour lui le résultat d'une conviction profonde, c'est aussi une volonté d'augmenter sa crédibilité sur le plan arabe en revenant à la cause mère, celle qui est censée rassembler et qui trouve toujours un écho dans les cœurs des Arabes : la Palestine.
Le second élément important du discours de Nasrallah est l'accusation directe portée contre Israël, dans l'assassinat de Kantar. Hassan Nasrallah a choisi de ne pas entrer dans les détails de l'opération qui a mis fin à la vie du responsable druze. Il a sciemment choisi de rendre les Israéliens responsables de sa mort, se donnant ainsi le droit à une vengeance.
Et c'est là le troisième point important de ce discours, lorsqu'il dit sans la moindre hésitation que la riposte est certaine, le Hezbollah se réservant toutefois le droit d'en choisir la manière, la portée, le lieu et le timing. Pour bien expliquer sa position, il a même relu le paragraphe d'un discours qu'il avait prononcé le 30 janvier dernier, après la mort de six membres de son parti dont Jihad Imad Moghniyé dans un raid israélien à Koneitra (on dit d'ailleurs que Kantar était visé par ce raid, mais qu'il ne se trouvait pas au sein du convoi). Dans cette partie de l'allocution, Hassan Nasrallah avait alors clairement annoncé l'intention du Hezbollah de riposter à l'agression israélienne. Et lorsqu'il avait prononcé ce discours, l'opération avait été déjà conçue et préparée et il ne restait plus que son exécution. Autrement dit, le conseil de guerre du Hezbollah s'était déjà réuni, avait adopté à l'unanimité le principe de la riposte et il avait déjà choisi le lieu (le secteur des fermes de Chebaa, pourtant particulièrement bien surveillé par les Israéliens et même par la Finul, dans une portion de territoire libanais occupé). Seul le timing n'avait pas encore été fixé, sachant que la surveillance des lieux par les vigiles du Hezbollah avait déjà commencé et que ceux-ci attendaient le moment propice pour que le commando frappe efficacement la patrouille israélienne et rentre ensuite chez lui.
Ceux qui connaissent bien Hassan Nasrallah affirment qu'il n'aurait pas parlé de la riposte à l'assassinat de Samir Kantar si les contours de l'opération n'avaient pas été déjà définis. De plus, le fait de reprendre textuellement le paragraphe prononcé en janvier est un message précis en direction des Israéliens. La riposte devrait donc ressembler à celle qui a suivi le raid de Koneitra. Elle devrait être suffisamment forte pour faire mal aux Israéliens, sans pour autant être considérée comme une déclaration de guerre susceptible de provoquer une escalade incontrôlée. C'est en effet un des principaux soucis du Hezbollah qui ne peut pas laisser passer l'assassinat de Kantar sans réponse, tout en essayant de préserver le statu quo actuel à la frontière du Sud, sachant que la situation est déjà bien assez compliquée à la frontière avec la Syrie.
Les Israéliens ont tenté d'ironiser au sujet de l'opération qui a coûté la vie à Kantar. Un responsable a même dit que « les Finlandais sont derrière cette opération ou même le Zimbabwe », mais l'explosion de joie qui a suivi l'annonce de la mort de Kantar était en elle-même édifiante. Aujourd'hui, le ton a un peu changé et le cabinet ministériel restreint israélien a tenu une réunion d'urgence, alors que des mesures préventives de sécurité ont été prises dans les régions limitrophes du Liban. La presse israélienne se fait aussi l'écho d'une véritable inquiétude au sein de la population et des dirigeants israéliens après les menaces de Hassan Nasrallah. Mais s'il faut en croire l'expérience de janvier 2015, le suspense ne devrait pas se prolonger. La riposte devrait donc confirmer le fait qu'en dépit de son engagement dans la guerre en Syrie et du nouveau rôle régional qui lui est dévolu, le Hezbollah garde en tête de ses priorités la lutte contre Israël, qui reste pour lui l'ennemi numéro un.
Enfin, le dernier élément à retenir du discours du secrétaire général du Hezbollah est son annonce que Samir Kantar avait pris la responsabilité de former une structure de résistance contre l'occupation israélienne dans le Golan. On le savait, certes, mais c'est désormais un fait officiel. De plus, Hassan Nasrallah a précisé que même si Kantar est mort, l'essentiel de sa mission a été déjà rempli. À bon entendeur salut !
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Vive la guerre!!!!
19 h 45, le 23 décembre 2015