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Moyen Orient et Monde - Cinéma

« Baba Joon », le plus iranien des films israéliens

« Je voulais que le film soit international, que personne ne puisse dire : ça c'est israélien, ça c'est iranien », affirme le réalisateur.

« Ma génération verra l’Iran, ce n’est qu’une question de temps », assure le réalisateur israélien Youval Delshad. Photo AFP/Ahikam Seri

Israël et l'Iran se menacent régulièrement du pire et se rendre chez l'un ou chez l'autre est interdit par la loi : pourtant, pour la première fois de l'histoire du cinéma dans l'État hébreu, un film vient d'y être intégralement tourné... en persan !
Avec Baba Joon, Youval Delshad, réalisateur israélien d'origine iranienne, lance un pied de nez à l'étanchéité affichée par les deux régimes ennemis en utilisant le persan, ou farsi, de bout en bout de son film et en faisant jouer des acteurs juifs israéliens et musulmans iraniens – en exil.
Mais malgré le contexte diplomatique et international explosif, Baba Joon ne recèle aucune référence politique. Il se concentre sur le huis clos poétique d'une famille de juifs iraniens installée dans une ferme du sud d'Israël.
Sous le même toit, le grand-père Baba Joon, surnom affectueux en farsi, les parents et leur fils unique nourrissent les uns pour les autres des rêves peu compatibles : le grand-père a transféré sa ferme de volailles d'Iran en Israël, son petit-fils Motti s'en désintéresse avec tout l'acharnement propre à l'adolescence et le père Yitzhak est coincé entre les deux.
L'enfant y est interprété par Asher Avrahami, juif israélien de 13 ans dont les parents sont d'origine iranienne. Il ne parlait pas farsi et n'avait jamais mis les pieds sur un plateau de cinéma avant le tournage.
Le père est joué par Navid Neghaban, acteur musulman né en Iran et désormais installé aux États-Unis. Il est connu du public pour avoir incarné à l'écran le terroriste Abou Nazir dans la série américaine à succès Homeland.
« Sur le tournage, je disais "coupez", ils allaient tous s'asseoir dans un coin et je les voyais chanter et danser sur de la musique traditionnelle iranienne, se parler de leurs régions d'origine. Grâce à la culture iranienne, à ce lien iranien, ils se sont rapprochés si vite, ils ont formé une famille, celle que l'on voit dans le film et c'est ce que je voulais », explique à l'AFP M. Delshad, 43 ans, qui signe ici sa première fiction.

« Ma génération verra l'Iran »
Seules quelques répliques en hébreu rappellent que l'action se déroule en Israël, mot qui n'est pas prononcé une seule fois dans l'heure et demie que dure le film qui a remporté en septembre l' « Ophir » de la meilleure photographie, l'équivalent des Oscars israéliens.
Les paysages brouillent aussi les pistes. Le réalisateur a arpenté à moto pendant des semaines les chemins caillouteux du sud d'Israël à la recherche de collines arides qui pourraient évoquer la campagne iranienne.
Parce que le conflit de génération « est international, je voulais que le film soit international, que personne ne puisse dire : ça c'est israélien, ça c'est iranien », affirme le réalisateur.
Avant la révolution islamique de 1979, entre 80 000 et 100 000 juifs vivaient en Iran, principalement à Téhéran, Ispahan et Mashad. En 2011, ils n'étaient plus que 8 756, la grande majorité ayant immigré aux États-Unis et en Israël. La première génération immigrée en Israël a maintenu un lien culturel fort et pétri de nostalgie avec l'Iran, où le séjour d'Israéliens est interdit par les lois israélienne et iranienne.
« On a eu des milliers de commentaires sur notre page Facebook d'Iraniens qui veulent voir le film, qui se disent fiers qu'un réalisateur israélien d'origine iranienne ait fait un film dans leur langue », assure Youval Delshad qui espère que les Iraniens parviendront à le « pirater sur Internet ».
Il s'est aussi forgé la conviction qu'à défaut de pouvoir projeter son film en Iran, il pourra un jour se rendre dans le pays de ses parents.
« Ma génération verra l'Iran, ce n'est qu'une question de temps », assure-t-il, arguant qu'un « printemps iranien » est inévitable. « Quand je pourrais y aller, je peux vous assurer que j'y serai beaucoup, je n'irai d'ailleurs probablement plus dans aucun autre pays », veut-il croire.
Daphné ROUSSEAU / AFP

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