C'est fait. La Cop21 a tenu ses promesses : un accord mondial sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre a vu le jour, dans l'objectif de garder la hausse de la température de la terre dans des proportions viables. C'est le premier accord qui englobe 195 pays dans une démarche « contraignante » de lutte contre le changement climatique. C'est en ce sens que beaucoup ont qualifié l'accord d' « historique ». Beaucoup d'autres dénoncent en même temps que malgré les objectifs ambitieux déclarés (garder la hausse de température le plus proche possible de 1,5 degré, le plancher de 100 milliards de dollars par an pour le financement...), les engagements demandés aux pays restent non contraignants en soi (même si l'accord l'est) et exprimés en des termes plutôt flous (notamment pour le financement et la révision à la hausse des engagements nationaux de réduction des émissions).
Dès l'annonce de ce texte final le samedi au Bourget, des réactions immédiates ont été publiées par la société civile qui suit ces négociations depuis des années. L'éminent économiste Nicolas Stern a qualifié l'adoption de ce texte de « moment historique : l'accord de Paris est un tournant dans la lutte mondiale contre les changements climatiques débridés » et il « ouvre la voie à d'énormes opportunités, à un moment où les pays empruntent la voie vers un développement économique à faible teneur en carbone ».
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Une grande partie des ONG semblent plutôt favorables à l'accord, tout en rappelant, à l'instar d'IndyAct, que le « vrai travail » commence dès aujourd'hui. Kumi Naidoo de Greenpeace International a déclaré : « La roue du changement climatique tourne lentement, mais à Paris, elle a tourné. Cet accord met l'industrie des énergies fossiles du mauvais côté. » Il ajoute : « Beaucoup de choses dans le texte ont été diluées et polluées par ceux qui dépouillent notre terre, mais (l'accord) contient un nouvel impératif, celui de l'objectif de hausse de 1,5 degré. »
Mohammad Adow, de Christian Aid, estime que « bien que les différents pays vont évoluer à différents rythmes, la transition vers un monde à faibles émissions de carbone est inévitable ».
Pour Samantha Smith de WWF, « les gouvernements ont dorénavant accepté de s'engager pour une hausse de température inférieure à 2 degrés, dans les limites de 1,5 degré. Cela veut dire que tout ce qu'ils feront désormais devra être mesuré suivant cet objectif », a-t-elle poursuivi.
Alden Meyer, de Union of Concerned Scientists, pense que cet accord « lance un message clair à l'industrie d'énergie fossile ». « Après des années de mensonges et de déni, vos efforts pour bloquer l'action contre le changement climatique ne fonctionnent plus », leur a-t-il lancé.
Michael Brune, de Sierra Club, ne ménage pas son enthousiasme : « L'accord de Paris est un tournant pour l'humanité. » Il a noté les « progrès dans la politique des États-Unis », qui ont rendu cela possible.
Les plus vulnérables laissés pour compte ?
Sur la question des « pertes et dommages » (en d'autres termes les compensations après les événements climatiques dévastateurs), Sven Harmeling, de CARE International, se félicite de l'introduction de ce concept dans le texte, qui « ne laisse pas les pauvres de côté ».
Certaines réactions sont plus mesurées. Celle de Bill McKibben, cofondateur de 350.org par exemple. Celui-ci considère que « le pouvoir de l'industrie d'énergies fossiles est reflété dans le texte », trouvant que les délais de décarbonisation ne sont pas assez courts pour être efficaces et appelant la société civile à redoubler d'efforts pour accélérer le rythme des réductions d'émissions.
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Pour sa part, Helen Szoke, directrice exécutive d'Oxfam, pense que cet accord « offre une bouée de sauvetage effilochée aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables ». « Seule une vague promesse de financement climatique futur a été faite, sachant que l'accord n'oblige pas les pays à réduire leurs émissions assez rapidement pour empêcher une catastrophe causée par le changement climatique », selon elle.
Dans la même veine, Harjeet Singh, d'ActionAid, trouve que « le résultat de la Cop de Paris n'est pas susceptible d'améliorer l'existence fragile de millions de personnes de par le monde ». « Mais, poursuit-il, l'accord de Paris fournit un crochet sur lequel chacun peut suspendre ses espoirs ».
Krishnell Narayan, de Pacific Islands Climate Action Network, sait bien ce que veulent dire les risques climatiques. « L'accord de Paris ne reflète pas tout ce à quoi on aspirait, dit-il. Mais la Cop21 n'a jamais été considérée comme la fin du chemin, tout au moins une étape progressiste. »
Pour David Turnbull, de Oil Change International, « l'accord de Paris représente le dénominateur commun le plus élémentaire de la politique mondiale, non les aspirations des peuples du monde ». « Les gens dans la rue sont le véritable espoir dans la lutte contre la crise climatique », poursuit-il.
La réaction la plus virulente, sans conteste, est venue du Climate Justice Group, qui a qualifié l'accord d'« échec à répondre aux problèmes des plus vulnérables comme aux impératifs de la science » . « L'accord actuel est plus faible que la convention initiale (sur le changement climatique à Copenhague), nous laissant au même point qu'en 1992 », poursuit leur communiqué.
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Et les scientifiques...
Des scientifiques spécialistes du climat, qui sont déjà intervenus dans le cadre d'une conférence de presse très attendue à la Cop21, ont eux aussi commenté le texte final de l'accord. John Schellnhuber, directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research, estime qu' « un tel accord, s'il est adopté et appliqué, réduira à zéro l'utilisation des énergies fossiles en quelques décennies », estimant qu'il est « en conformité avec les preuves que nous avons apportées sur ce qui doit être fait pour limiter les risques climatiques ».
Corinne Le Quéré, professeur au Tyndall Centre for Climate Change Research, pense que « le texte final de l'accord reconnaît les impératifs de la communauté scientifique sur les moyens d'aborder le changement climatique ».
« Réaliser un équilibre entre les sources et les puits de gaz à effet de serre (les milieux qui les absorbent, comme les océans et les forêts) au courant de la seconde moitié du siècle nécessitera de réduire à zéro les émissions de CO2, souligne pour sa part Myles Allen, de l'Université d'Oxford. Il semble que les gouvernements l'ont compris, même s'ils n'ont pas voulu l'admettre. »
Pour Johan Rockström, directeur exécutif du Stockholm Resilience Centre, cet accord « est un tournant pour une transformation qui se limite à 1,5-2 degrés ». « Maintenant, nous avons besoin d'une action qui soit consistante avec cet objectif », ajoute-t-il.
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L'accord de Paris est un « pas significatif » pour réduire les émissions causées par l'homme, mais ne les élimine pas, souligne Diana Liverman, de l'Université d'Arizona. Selon elle, réviser les contributions nationales au plus tôt en 2018 signifie que beaucoup d'énergies fossiles auront été brûlées d'ici là, ce qui rend les efforts pour l'adaptation et la compensation d'autant plus urgents.
Joeri Roegelj, du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue), se félicite que des seuils aient été définis pour parvenir à une hausse qui soit le plus près possible de 1,5 degré. Il souligne cependant que « les technologies qui ôtent le CO2 de l'air sont devenues indispensables pour atteindre cet objectif ».
Des milieux d'affaires enthousiastes
L'une des nouveautés de la Cop21 est une mobilisation sans précédent des milieux d'affaires et des entreprises. Ceux-ci ont réagi très favorablement à l'adoption de l'accord. La coalition We Mean Business, qui a organisé de nombreux événements au cours de la Cop, a qualifié l'accord de « moment extrêmement important », qui « lance un signal clair aux marchés pour une transition urgente vers une économie propre ».
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