L'unité nationale n'aura pas duré plus de 24 heures. Dès le soir des attentats qui ont fait 129 morts, le président français François Hollande avait appelé à « l'unité indispensable » pour défendre « notre patrie (...) les valeurs d'humanité ». De même, son Premier ministre Manuel Valls a exhorté hier les partis à « l'union sacrée ».
Le président socialiste a par ailleurs reçu hier tous les chefs de partis représentés au Parlement, y compris la dirigeante du Front national Marine Le Pen, avant de s'exprimer devant le Parlement réuni en congrès à Versailles aujourd'hui. Une procédure rarissime justifiée selon lui par le besoin « d'unité » et de « rassemblement » face à cette épreuve.
Mais, le chef de la droite Nicolas Sarkozy a fait voler en éclat cette union nationale en appelant hier à des changements « drastiques » dans la politique de sécurité du pays.
Le dirigeant du parti Les Républicains a été le premier responsable politique reçu dans la matinée par François Hollande. Mais au sortir de son entrevue avec le chef de l'État, le ton de Nicolas Sarkozy était très critique. « J'ai dit au président Hollande qu'il me semblait que nous devions construire des réponses adaptées, ce qui veut dire une inflexion de notre politique étrangère, des décisions au plan européen et des modifications drastiques de notre politique de sécurité », a-t-il déclaré. Il a aussi réclamé « une nouvelle politique d'immigration » européenne même si, a-t-il ajouté, il n'y a « pas de lien » avec les attentats. Nicolas Sarkozy avait dès vendredi exigé des « inflexions majeures » dans la politique de sécurité de la France.
Marine Le Pen a de son côté déclaré samedi que « la France et les Français ne sont plus en sécurité », que « la France a été rendue vulnérable » et « doit se réarmer ».
Pour le politologue Jérôme Sainte-Marie, François Hollande ne pouvait espérer renouer avec le soutien quasi inconditionnel exprimé après la première vague d'attentats de janvier 2015. En dix mois, le contexte politique a changé. Malgré des mois de bombardements, d'abord en Irak et depuis septembre en Syrie, la coalition internationale peine à affaiblir le groupe État islamique (EI), suscitant des appels de l'opposition en France à une action de plus grande ampleur, coordonnée avec la Russie et même, selon certains, avec le pouvoir de Bachar el-Assad.
« Aller plus loin »
Cette fois, après un « réflexe immédiat de solidarité de l'opinion », le président risque « un effet de retour peut-être très douloureux », juge M. Sainte-Marie. « La répétition des choses peut provoquer une réflexion politique sur les choix élyséens, des critiques. D'une part sur l'efficacité de la prévention, l'aspect sécuritaire, mais également l'aspect diplomatique », estime-t-il.
Critique sur la stratégie de François Hollande en Syrie, Nicolas Sarkozy l'avait appelé à « travailler » avec la Russie, jugée « incontournable » à la résolution de la crise, quitte à renoncer à faire du départ de Bachar el-Assad une condition préalable à toute solution politique.
Samedi, Alain Juppé, ex-Premier ministre et candidat aux primaires à droite, a lui aussi jugé « indispensable de clarifier les objectifs de la coalition internationale (en Syrie), qui aujourd'hui n'est pas efficace ». « J'étais sur la ligne du gouvernement, ni Daech ni Bachar. Aujourd'hui (...) il y a des hiérarchies, il y a des priorités, il faut écraser Daech », a déclaré M. Juppé sur la chaîne France2.
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commentaires (6)
Quelle "union Nationale" des Français ? Déjà face à Hitler ils s'étaient divisés, et une grande majorité d'entre eux avait même carrément collaboré !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
12 h 30, le 17 novembre 2015