Après plusieurs jours de tensions et de débats houleux sur la participation ou non de la majorité des formations chrétiennes à la séance législative prévue jeudi, un accord a pu finalement être dégagé mercredi, ce qui a poussé le Courant patriotique libre et les Forces libanaises, les deux plus importants partis chrétiens, à se préparer à prendre part à la réunion.
"Demain nous serons présents à la séance afin de voter les textes, notamment ceux relatifs aux finances, aux prêts et portant sur des engagements internationaux", a annoncé M. Aoun lors d'un point de presse à Rabieh, laissant croire à la fin du bras de fer. "Un accord global a été obtenu au niveau de la loi sur la nationalité, de celle relative aux municipalités (déblocage des revenus du secteur des Télécoms depuis 1994, au profit des municipalités), ainsi que de la loi électorale, a expliqué M. Aoun. Tout le reste n'est que détail. Je félicite les Libanais!", a-t-il lancé avec satisfaction.
Après M. Aoun, c'est le leader des FL, Samir Geagea, qui a annoncé que sa formation allait se rendre à la séance législative. "Nous irons demain voter les textes qui sont à l'ordre du jour de la séance législative", a déclaré M. Geagea lors d'une conférence de presse à Meerab. Le chef des FL a affirmé que "le partenariat national est au dessus de toute considération" et qu' aujourd'hui, ce qui s'est passé "est une victoire pour tous".
M. Geagea a tenu à remercier le chef du Courant du Futur, Saad Hariri. Il a estimé que ce dernier "a sauvé la situation". "Nous avons conclu un accord avec le Courant du Futur et nous avons décidé de voter la loi du recouvrement de la nationalité", a affirmé M. Geagea, sans plus de détails. Saad Hariri a sauvé la séance de demain", a-t-il martelé. "Le Courant du Futur s'est également engagé à ne pas se rendre, à l'avenir, à toute séance dont l'ordre du jour ne comporterait pas en priorité la loi électorale", a poursuivi M. Geagea qui a également salué la coordination entre son parti et le Courant patriotique libre.
Auparavant, Ibrahim Kanaan, député aouniste, avait annoncé depuis l'hémicycle qu'il y a eu un accord sur la reformulation de la loi sur le recouvrement de la nationalité. "C'est un exploit pour tous les Libanais", s'est félicité M. Kanaan, sans fournir de détails. "Cet accord va bénéficier à tout le pays, surtout dans les circonstances difficiles qu'il traverse", a-t-il ajouté. Et de conclure : "Cet exploit est un exemple de ce que nous pouvons réaliser dans le futur".
D'après M. Kanaan, l'accord est intervenu après des modifications apportées au texte par le député Samir Jisr, membre du bloc du Futur. Cette proposition de loi est à l'ordre du jour de la séance législative.
(Pour mémoire : La bataille se corse entre Aïn el-Tiné et le nouveau front chrétien)
Les engagements de Hariri
Saad Hariri a pour sa part annoncé dans un communiqué que le Courant du Futur comptait assister à la séance de jeudi afin de voter les textes relatifs aux dossiers financier et économique. Mais il a promis que sa formation "ne participerait à aucune autre séance législative, ultérieurement, si l'ordre du jour de celles-ci ne contient pas la loi électorale". Il a également indiqué que le Courant du Futur voterait le texte relatif à la loi sur le recouvrement de la nationalité. M. Hariri a enfin appelé tous les blocs parlementaires à participer à la séance de jeudi, afin de "consacrer le principe du partenariat national et de s'unir en cette période difficile".
Même son de cloche de la part de l'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, qui a appelé, depuis Aïn el-Tiné, le Liban à voter les textes relatifs aux finances sans plus tarder, et "que les Libanais s'entraident afin que leurs amis puissent les aider".
(Lire aussi : Le Futur appelle les députés à se rendre au Parlement demain)
L'intransigeance de Berry
Plus tôt dans la journée, le président de la Chambre, Nabih Berry, s'était montré intransigeant, affirmant que la séance législative allait avoir lieu dans tous les cas.
"La séance aura bien lieu demain", avait assuré le député Kassem Hachem, membre du bloc de M. Berry, à l'issue d'une réunion qui s'est tenue à Aïn el-Tiné. "Si nous sommes amenés à choisir entre la protection du pays et sa destruction, nous choisissons la première option", a-t-il ajouté.
Le président Berry, aux dires de ses visiteurs, a défendu le travail qu'il effectue au niveau de la loi électorale. "Personne ne peut faire de la surenchère contre nous dans ce domaine, a-t-il affirmé. Tout le monde sait qui a œuvré en faveur d'une nouvelle loi électorale, et les preuves sont nombreuses. Que ce soit au niveau du dialogue national, ou lors des débats au sein des commissions parlementaires", a ajouté M. Berry.
Également présent à Aïn el-Tiné, le député Estephan Doueihy, membre du bloc des Marada de Sleiman Frangié, avait plaidé en faveur de la participation à la séance législative. "Aujourd'hui, nous devons légiférer urgemment, à défaut de quoi nous serons sous pression au niveau économique et financier", a-t-il estimé.
Gemayel met en garde contre une "guerre civile"
Pour les Kataëb de Samy Gemayel, la question est déjà tranchée : la formation chrétienne ne participera pas à la séance de jeudi.
"Nous regrettons que certains n'estiment pas que la présidentielle, la crise des déchets, ainsi que le respect de la Constitution, sont des dossiers urgents, a déploré M. Gemayel depuis le siège du Parlement, alors qu'une nouvelle séance de vote à la présidentielle était reportée une énième fois, faute de quorum. "Il s'avère que les questions urgentes sont uniquement celles qui se rapportent aux finances", a-t-il regretté.
"En tant que Kataëb, nous allons faire face à toutes les tentatives de compromis aux dépens de la présidence, de la Constitution et des Libanais. La loi ne nous permet pas d'assister à la séance législative. Nous aurions aimé le faire, mais la loi dicte que seule l'élection d'un chef de l'Etat peut se tenir en ce moment", a martelé Samy Gemayel.
"J'en appelle au président Berry pour éviter des tensions supplémentaires. Allons élire un président de la République. Rien ne nous en empêche, a-t-il martelé. Il est inacceptable de débattre d'une séance législative sans même mentionner la vacance à la présidence". Et d'ajouter sur un ton alarmiste : "Nous mettons garde contre la division et la guerre civile, car quand la Constitution est bafouée, la loi du plus fort règne".
Le bureau estudiantin des Kataëb a ainsi appelé à manifester, jeudi à 9h, en marge de la séance. Le parti a appelé ses militants à se rassembler devant le siège du parti à Saïfi (Beyrouth), afin de "faire pression sur les députés qui violent la Constitution et ignorent la nécessité d'élire immédiatement un président de la République".
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Ensemble, les déchets et l'Etat sont en décomposition! La Constitution et le Pacte National passés outre, bafoués. Les finances et les aides internationales passent en premier dans l'intérêt de ces gens indignes qui gouvernent ce pauvre pays qui va à la dérive. Pourtant les législateurs ont bien défini la loi en vigueur au sujet de l'élection du Président de la République. Chaque bloc parlementaire l'interprète à sa façon pour la "sauvegarde" de ses propres intérêts! Lorsqu'un Etat de Droit reprendra sa place au Liban, les premiers seront les derniers. Avant qu'il ne soit trop tard!! Le Liban et la majorité de son peuple méritent plus de considération. Ou non?
20 h 01, le 11 novembre 2015