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Lifestyle - Nostalgie

Beyrouth : D’une ville à l’autre, un siècle nous sépare

Avant/après, des cartes postales d'hier revisitées par Patrick Baz.

En arrière-plan, l’avenue des Francais, plus communément appelée la Corniche de Beyrouth, aujourd’hui. Sur la carte postale, prise par l’Agence économique et publiée par la Maison d’art colonial en 1925, la même vue. Patrick Baz/AFP

Petite surprise hier matin sur le fil de l'AFP. Une série de 18 photos sur le Liban signées Patrick Baz. Sur chaque cliché, une carte postale du début du siècle dernier au premier plan, avec la même vue en arrière-plan, aujourd'hui, et le décalage, immense, entre les deux. « J'ai besoin de me reposer après 30 années passées à couvrir non-stop les guerres et conflits de la région. » Longtemps directeur photo de l'Agence France Presse pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, basé à Chypre, Patrick Baz vient de poser ses valises à Beyrouth. « J'ai surtout envie de me confronter au quotidien. »
Questions-réponses.

 

Parlez-nous de ce projet.
J'ai quitté le pays en 1988. Je vivais en exil, réfugié en France. Ma mère achetait des cartes postales, aux puces. Les cartes étaient timbrées, postées, rédigées du Liban par des militaires ou des expatriés français. Ça lui rappelait ses parents, son pays. Je voyais ces cartes tout le temps. Il y a quelques années, elle me les a offertes, puis m'a demandé ce que je voulais en faire. « Je ne sais pas encore, lui ai-je répondu. Mais un jour, j'en ferai quelque chose, car ce sont des images, et j'en fais toujours quelque chose. » Quand je suis rentré au Liban, début septembre, j'ai vu la métamorphose du pays, ce côté nouveau Abou Dhabi-Dubaï, qui m'a choqué. Je me suis senti envahi par tous ces gratte-ciel, ces villages verticaux qui n'existaient pas quand j'ai quitté le pays. Il n'y avait alors que les tours Murr et Rizk, nids de snipers d'un côté et de l'autre. J'ai voulu montrer cela, et raconter une histoire. Je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire.

 

Pourquoi 18 photos ?
J'ai 300 cartes postales anciennes. Mais il fallait réunir les conditions pour faire les mêmes prises de vue aujourd'hui. La lumière tout d'abord. Depuis l'existence de ces horribles gratte-ciel, les rues sont à moitié plongées dans l'ombre. Il y a donc 3 à 4 diaph(ragmes) d'écart dans une même rue, entre un immeuble et celui qui lui fait face. C'est impossible à photographier. De plus, la carte postale doit être dans la lumière pour être visible sur la photo. C'est très difficile, comme pour la photo du vieux phare de Beyrouth, entouré d'immeubles. Le problème de Beyrouth, c'est qu'on ne voit plus le ciel. Puis certains endroits n'existent plus. Enfin, il faut qu'il y ait une touche dans le paysage actuel photographié qui rappelle la carte postale ancienne. Sans compter les problèmes sécuritaires : il y a beaucoup de lieux où il m'est impossible de sortir mon appareil photo.

 

 

 Cliquez sur la double flèche en bas à gauche pour agrandir le diaporama

 

Votre photo préférée ?
La photo de la municipalité de Beyrouth prise depuis la piscine du Gray. Pourquoi ? Je ne sais pas. C'est la première que j'ai prise. Et j'ai vu le ciel, j'ai vu la mer. C'était beau.



Combien de temps avez-vous pris pour faire ces photos ?
Je les ai prises dimanche et lundi. Je voulais le faire en un jour pour les balancer sur le fil AFP en une seule fois, mais le centre-ville était fermé dimanche, j'ai dû y retourner le lendemain. Le 1er jour, j'ai embarqué Joseph Eid, mon collègue à l'AFP. Il connaît très bien le Liban, contrairement à moi. J'ai sorti une carte et je lui ai demandé de me conseiller : quels sites pouvons-nous faire ? Où puis-je sortir mon appareil photo ? Il a réduit ma liste. Et on est parti, en voiture. Il m'a fait découvrir le pont du Pacha (à Jisr el-Bacha) et les quelques vergers qui subsistent. Le lendemain matin, dès 7 heures, c'est avec Élie Bekhazi, photographe commercial et ami d'enfance, que j'ai terminé le projet, en mobylette.

 

Pourquoi faire passer ces photos sur le fil AFP ? Y a-t-il une suite au projet ?
L'AFP, c'est ma vie. Je suis là pour faire des projets personnels. On ne peut pas fournir à nos clients toujours le même genre d'images. Quant à l'avenir du projet, il faut demander à Sammy Ketz (le chef du bureau AFP Beyrouth). Les photos appartiennent à l'AFP. Moi, je suis ouvert à toute proposition. Les cartes postales sont à moi. Et elles sont très intéressantes. Elles datent du mandat français. Rédigés par des ressortissants français, elles constituent un flash-back vers cette époque.

 

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Depuis 1975, je n'ai plus circulé à Beyrouth intra-muros afin de ne pas perdre de ma mémoire mon Beyrouth où j'ai travaillé de 1948 à 1973 dont 3 ans à Souk-Sursock côté "Café Automatique" et 22 ans à l'Avenue des Français à l'est du "Qahwet el-Hamra". C'est avec une immense tristesse que je dis "Adieu" à l'hôtel Normandy, à l'hôtel Bassoul, au Kit-Kat, au bain Ondine, au cinéma Rialto, au Club de l'Union française, au Restaurant Mansour, au Club des Officiers, à la baie Saint-Georges, à l'hôtel Saint-Georges, au bain français de l'amiral Baz...

Un Libanais

13 h 01, le 03 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • Depuis 1975, je n'ai plus circulé à Beyrouth intra-muros afin de ne pas perdre de ma mémoire mon Beyrouth où j'ai travaillé de 1948 à 1973 dont 3 ans à Souk-Sursock côté "Café Automatique" et 22 ans à l'Avenue des Français à l'est du "Qahwet el-Hamra". C'est avec une immense tristesse que je dis "Adieu" à l'hôtel Normandy, à l'hôtel Bassoul, au Kit-Kat, au bain Ondine, au cinéma Rialto, au Club de l'Union française, au Restaurant Mansour, au Club des Officiers, à la baie Saint-Georges, à l'hôtel Saint-Georges, au bain français de l'amiral Baz...

    Un Libanais

    13 h 01, le 03 novembre 2015

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