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Campus - Libre cours

Les étudiants du Moyen-Orient élisent leur Goncourt

Réunis le 18 octobre à l’Institut français de Amman, des étudiants et des étudiantes en provenance de l’Université du Yarmouk et de l’Université de Jordanie ont débattu sur les livres en lice pour le prix Goncourt.

Les étudiants des départements de français dans vingt universités moyen-orientales choisissent, aujourd'hui à 16h, à l'espace Agora du Salon du livre francophone de Beyrouth, leur Goncourt. Un moment très attendu du Salon qui revêt cette année une importance particulière puisqu'il intervient dans un contexte marqué par les conflits, la recrudescence de l'extrémisme religieux, le repli sur soi et la peur de l'autre. Le prix littéraire francophone régional « Liste Goncourt / Le Choix de l'Orient », lancé en 2012 par l'Institut français du Liban et le Bureau Moyen-Orient de l'AUF, et qui bénéficie du parrainage et du soutien de l'Académie Goncourt, est proclamé après une délibération à huit clos du grand jury étudiant présidé, pour la deuxième année consécutive, par Najwa Barakat, romancière, journaliste et réalisatrice libanaise. La proclamation du prix est suivie d'un débat public sur le livre primé.

Les coulisses du Choix de L'Orient
Dans les facultés concernées, au Liban, en Palestine, en Jordanie, en Syrie, en Égypte, aux Émirats arabes unis, en Irak, en Iran, au Soudan et au Djibouti, plus de 300 étudiants – rassemblés en 26 jurys – et des dizaines de professeurs encadrants sont mobilisés depuis le 3 septembre, date de révélation de la 1e sélection des romans en lice pour le Prix Goncourt, pour lire, analyser, interpréter, commenter et critiquer les ouvrages sélectionnés.
Au Liban, cinq universités prennent part à cette édition du Choix de l'Orient : l'Université libanaise, l'USJ, l'Université islamique du Liban, l'Université arabe de Beyrouth et l'Université Jinan. « Ce qui m'a frappée cette année, ce sont les problèmes soulevés par les romans : le fanatisme religieux, l'extrémisme, l'abus de l'autorité quelle qu'elle soit, les rapports de force entre individus, le génocide et ses conséquences, la préservation du patrimoine face au capitalisme sauvage », indique Hoda Rizk-Hanna, professeure à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université libanaise, section II à Fanar.
Également de l'Université libanaise, la professeure assistante Samah Daakour, qui a « assisté à la naissance de ce prix », est convaincue que « seules les activités culturelles peuvent former vraiment les étudiants, en créant entre eux et la littérature un lien plus fort que celui établi par les cours ». Outre l'importance pour les jeunes participants de découvrir et de rencontrer des écrivains contemporains, Samah Daakour souligne que ce projet a changé la façon de lire de ses étudiants. « Il s'agit maintenant de lire autrement, de lire activement. Une lecture libre, loin des contraintes des examens et des obligations des cours », explique-t-elle. « Personnellement, ce prix m'a aidée à voir la littérature différemment, confie-t-elle. Mes discussions avec mes étudiantes ont enrichi ma conception même d'une œuvre littéraire. Il m'arrive de ne pas aimer un roman donné et elles réussissent parfois à me montrer – ce dont je suis très fière – que j'avais tort. »
Tout en promouvant la littérature francophone contemporaine, ce prix encourage l'exercice du jugement critique à travers la lecture, les débats et la rédaction de chroniques littéraires. « Ces activités développent chez les étudiants des compétences pragmatiques, intellectuelles et socioculturelles, et les encouragent à bien argumenter, exprimer librement leur opinion, savoir écouter et accepter l'autre », explique Ilham Slim Hoteit, chef de département de langue et littérature françaises à l'Université islamique du Liban où chaque année une vingtaine d'étudiants consacrent une large part de leur temps au Choix de l'Orient. Et de préciser : « Outre la finalité psychoaffective, celle du plaisir de lire, la lecture littéraire, dans le cadre de cette activité, permet de mettre en jeu quatre processus inexorables : la compréhension, l'interprétation, la réaction et l'appréciation. Les étudiants opèrent une analyse "narratologique" des œuvres en identifiant les personnages et leurs rôles "actantiels", en étudiant les structures des intrigues et en déterminant les cadres spatio-temporels. Ils questionnent ensuite les textes dans un travail d'analyse et d'interprétation afin d'en dégager les unités de signification. Finalement, ils révèlent les sentiments qu'ils ont ressentis en cours de lecture et portent un jugement sur les œuvres à partir de critères précis tels le vocabulaire, les styles adoptés, l'agencement des faits et l'ensemble des choix d'écriture. »

Contribuer au dialogue interculturel
« Prendre part à ce projet est enrichissant, sur les plans personnel et académique, surtout qu'on a eu l'occasion et le plaisir de débattre avec des jeunes en provenance de différentes universités du monde arabe », confie Afaf Moughrabi, jeune étudiante de 21 ans en 4e année de littérature et langue françaises à l'Université arabe de Beyrouth. « Durant deux mois intensifs de lecture, mes camarades et moi-même avons lu quelques milliers de pages de (15) romans », précise-t-elle, invitant « tout le monde à s'évader dans la lecture », et à « jeter sur la vie une lumière », cite-t-elle.
Farah Obeid, a, elle, 19 ans. Originaire de Bakhoun, dans le casa de Denniyé au Liban-Nord, la jeune étudiante en littérature française de l'UL est fascinée depuis son enfance par « la lecture et la langue française ». Participant pour la première fois au Choix de L'Orient, elle confie avoir lu trois romans en lice pour le Goncourt : Soudain, seuls d'Isabelle Autissier, Titus n'aimait pas Bérénice de Nathalie Azoulai et Boussole de Mathias Enard. « Prendre part à ce projet m'a ouvert des portes. J'ai découvert le vrai plaisir de la lecture en plongeant dans les moindres détails des romans. Et, en rédigeant des chroniques littéraires, j'ai découvert le sens de la critique constructive », confie-t-elle.

Au-delà des frontières
En Jordanie, à l'Université du Yarmouk qui participe pour la première fois au Choix de l'Orient, huit étudiants relèvent « ce grand défi », selon Batoul al-Muhaissen, enseignante en français langue étrangère et responsable du prix. Batoul al-Muhaissen, qui prendra part avec deux étudiants à la proclamation du prix à Beyrouth, conclut : « Cette expérience ouvre un nouvel horizon devant les étudiants. Elle leur donne confiance en eux-mêmes, les motive et les aide à améliorer leur niveau de français. »

Traduction en arabe du Choix de l'Orient
Comme pour les éditions précédentes, le roman lauréat sera traduit en arabe et l'œuvre traduite sera lancée au prochain Salon du livre francophone de Beyrouth. La version en langue arabe du roman Meursault, contre-enquête, Choix de l'Orient 2014 – coéditée par Dar al-Jadid (Liban) et Barzakh (Algérie)–, a ainsi été remise à l'auteur Kamel Daoud, au Salon, le 25 octobre.

Le Goncourt oriental, regard d'une professeure iranienne
Zeinab Rezvantalab enseigne la littérature française, l'histoire de France et la littérature francophone contemporaine à l'Université de Téhéran.
« Je suis très contente que l'Université de Téhéran ait pu prendre part à cet événement pour la première fois cette année; c'est l'occasion pour nos étudiants de participer à un dialogue interculturel et d'échanger leurs points de vue avec d'autres étudiants de la région au sujet des œuvres littéraires qui les passionnent tous, et ce grâce à la francophonie qui les unit autour d'une langue commune, d'autant plus que les Iraniens ne partagent pas a priori l'arabe, langue majoritaire du Moyen-Orient.
Une quinzaine d'étudiants iraniens se sont intéressés au projet Goncourt/Choix de l'Orient et se sont attelés à la lecture des livres, ainsi qu'à la prise de notes en vue de rédiger des commentaires et des chroniques. Ce sont des étudiants de maîtrise et des doctorants. Cette activité a été pour eux l'occasion d'une émulation intellectuelle hors pair puisqu'ils étaient invités à lire des livres, sélectionnés parmi les meilleures productions culturelles francophones de l'année, et cela dans une durée limitée. Ainsi, non seulement les participants se sont retrouvés, à l'intérieur du vaste univers qu'est la littérature, sur un terrain commun qui rend possible le dialogue dans sa forme la plus pertinente, mais aussi ils se sont familiarisés avec l'actualité littéraire
en France.
La littérature est avant tout un riche lieu de réflexion. Chaque œuvre littéraire est ainsi une nouvelle fenêtre sur le monde qui nous entoure, et nous permet de découvrir des subtilités que l'on ignorait auparavant. La littérature française et, plus largement, la littérature francophone sont devenues, aujourd'hui, des éléments de notre rituel social, dans le sens où on les côtoie de près, où elles font partie intégrante de notre quotidien. La littérature francophone d'aujourd'hui est le vecteur de transmission de vérités et de valeurs primordiales. Elles constituent le meilleur moyen permettant de se plonger dans des univers tout aussi diversifiés que fascinants.

Les étudiants des départements de français dans vingt universités moyen-orientales choisissent, aujourd'hui à 16h, à l'espace Agora du Salon du livre francophone de Beyrouth, leur Goncourt. Un moment très attendu du Salon qui revêt cette année une importance particulière puisqu'il intervient dans un contexte marqué par les conflits, la recrudescence de l'extrémisme religieux, le repli sur soi et la peur de l'autre. Le prix littéraire francophone régional « Liste Goncourt / Le Choix de l'Orient », lancé en 2012 par l'Institut français du Liban et le Bureau Moyen-Orient de l'AUF, et qui bénéficie du parrainage et du soutien de l'Académie Goncourt, est proclamé après une délibération à huit clos du grand jury étudiant présidé, pour la deuxième année consécutive, par Najwa Barakat, romancière, journaliste...
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