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Culture - salon du livre 2015

Lire, mais aussi écouter « la langue des dieux »

Gilberte Favre, romancière et poétesse suisse, grande amie du Liban et de Jacqueline Massabki, signe ce soir* un petit livre plein d'émotion en hommage à la juriste et auteure de « La mémoire des Cèdres », disparue il y a quelques mois.

Gilberte Favre. Séquence d’écriture de « La Langue des dieux » en 2012 à l’ABC.

Votre livre «La langue des dieux» est dédié à Jacqueline Massabki. Pourquoi ne pas l'avoir expressément nommée? Et que représentait-elle à vos yeux ?
Je pourrais vous répondre par une pirouette avec cette citation de Paul Auster: «Personne ne sait d'où vient un livre, surtout pas celui qui l'écrit»... Car il y a un peu de cela. La langue des dieux s'inspire d'une réalité, mais il est d'abord une fiction et se prête à différentes lectures.
Quand Jacqueline fut soudain privée de parole, j'ai dû inconsciemment m'interroger sur la manière de poursuivre le dialogue avec elle. J'ai tout simplement suivi mon cœur en pratiquant ce que j'appelle «la langue des dieux». Car, au-delà des mots, il existe une langue où les regards et les silences cohabitent avec la tendresse. Ainsi ai-je pu communiquer avec elle grâce aussi à la musique et aux photos que je projetais sur mon ordinateur.
En fait, les premières lignes de ce livre se sont écrites quasi automatiquement. Je les portais en moi depuis longtemps. Depuis 2006, la maladie de Jacqueline Massabki m'accompagnait au quotidien. Rien de plus normal puisqu'elle était ma «grande sœur naturelle». Elle m'a appris la ténacité, à suivre mon cœur. Elle était la joie de vivre, la générosité, l'exigence aussi. On ne pouvait que l'aimer. Jacqueline, qui a été la première femme du Moyen-Orient à avoir été élue au Conseil de l'ordre des avocats, aimait tellement son pays qu'elle voulait faire partager son Liban. C'est à elle que je dois ma découverte de la poésie de Nadia Tuéni, qui était de ses proches, comme Ghassan Tuéni et Andrée Chedid le furent aussi. Elle avait le culte de l'amitié et disait: «J'aime que les amis de mes amis s'aiment...»

Vous dites « fréquenter » le Liban depuis les années 70, vous l'évoquez souvent dans vos ouvrages. Comment est née votre relation au pays du Cèdre. Comment a-t-elle évolué au fil des années et quel regard y portez-vous aujourd'hui ?
En 1967, après avoir traversé la Turquie, l'Iran, le Koweït, l'Irak, la Syrie, j'ai découvert le Liban, qui m'apparut alors comme une oasis de démocratie. Je m'y suis d'emblée sentie à la maison. Et je m'y suis toujours sentie heureuse. Depuis, je suis revenue 16 fois, en toutes saisons, en reportage, pour des interviews et aussi en vacances. J'ai longtemps considéré le pays du Cèdre comme ma patrie de cœur. À vingt ans, je me disais que si je devais me retrouver seule, un jour, c'est au Liban que je m'installerais. Je ne suis pas sûre aujourd'hui que j'opterais pour le choix de mes vingt ans. Le Liban actuel n'est plus mon Liban...Comment ne pas voir le fossé qui s'est creusé entre les intellectuels, brillants, et la classe politique? Mais malgré mes inquiétudes face à la régression du pays, je ne veux pas désespérer. Je garde confiance en la capacité des Libanais, que j'aime profondément, à rebondir, à resurgir.

Vous donnez demain soir (à 19h) au stand suisse du Salon une lecture poétique dédiée à Marwan Hamadé. Pour quelles raisons ?
D'abord parce que, pour des raisons personnelles liées au passé de mon mari, je partage sa lutte en faveur de la démocratie et de la justice. Lors de son intervention au Tribunal spécial sur le Liban, à La Haye, en décembre 2014, Marwan Hamadé a prouvé qu'il était l'honneur du Liban. Peu après ce passage au TSL, j'ai écrit d'un seul jet un poème qui a touché un certain nombre de personnes. J'y évoque l'attentat subi par Marwan Hamadé, mais d'autres prénoms apparaissent aussi dans ce texte: Rafic, Gebran, Samir, Pierre, May et le garde du corps de Marwan Hamadé... Je crois qu'il faut sans cesse rappeler les choses: pourquoi, depuis onze ans, les auteurs de l'attentat auquel Marwan Hamadé a échappé n'ont-ils pas encore été jugés? Comment peut-on tolérer pareille injustice? Parce que le silence tue, je veux m'exprimer. En plus de ce poème «engagé», je lirai d'autres poèmes, notamment certains textes écrits sur le Liban dès 1975. Et une jeune violoniste libano-suisse, Jacinthe Khalifé, m'accompagnera. Je souhaite que le public soit nombreux à venir écouter la petite musique que Jacinthe interprétera pour tous, qu'ils soient ici ou là-haut!»

* Ce soir, mardi 27, à 18h, Gilberte Favre participera à l'« Hommage à Jacqueline Massabki et Farès Zoghbi » (amphithéâtre Gebran). Puis, à 19h, elle signera son ouvrage au stand suisse.

Votre livre «La langue des dieux» est dédié à Jacqueline Massabki. Pourquoi ne pas l'avoir expressément nommée? Et que représentait-elle à vos yeux ?Je pourrais vous répondre par une pirouette avec cette citation de Paul Auster: «Personne ne sait d'où vient un livre, surtout pas celui qui l'écrit»... Car il y a un peu de cela. La langue des dieux s'inspire d'une réalité, mais il...

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