Volonté de transparence ou confusion croissante : la banque centrale américaine est-elle devenue trop bavarde ? « J'ai voté pour... », « J'aurais voté contre... » : l'inflation de déclarations des membres de la Réserve fédérale (Fed) sur la politique monétaire donne en tout cas le tournis aux marchés.
Le temps est loin où, sous la houlette de son président Alan Greenspan, la Fed ne publiait qu'un laconique communiqué à l'issue de ses débats internes sur les taux : « Le Comité monétaire s'est réuni et il n'y aura pas d'annonce ultérieure. » Depuis 2011, sous l'impulsion notamment de son successeur Ben Bernanke et à cause de la crise financière de 2008, la Fed s'est fait plus transparente instaurant entre autres le rite d'une conférence de presse trimestrielle. Les exégètes se jettent aussi sur le communiqué officiel de plusieurs centaines de mots, qui est publié à l'issue des huit réunions annuelles du Comité monétaire (FOMC). S'ajoutent les « minutes » – long compte-rendu paraissant trois semaines après ces réunions –, les témoignages bisannuels du dirigeant de la banque centrale devant le Congrès et surtout les nombreux discours, voire interviews des membres de la Fed. Parmi eux, il faut distinguer les gouverneurs (membres votants permanents du FOMC), les présidents régionaux qui votent à tour de rôle au sein du comité, et ceux qui ne votent pas mais qui s'y font entendre et qui sont souvent parmi les plus loquaces ensuite. Tous s'imposent néanmoins une semaine de silence-radio (« blackout period ») avant toute réunion du Comité monétaire.
Cette profusion d'interventions « contribue bien sûr à la confusion », concède Mace Blicksilver, de Marblehead Asset Management. Comme de nombreux intervenants à Wall Street, il essaye de digérer les multiples commentaires sur la dernière décision de la Fed de laisser encore les taux inchangés proches de zéro par crainte « des développements internationaux ». « Même si les membres de la Fed étaient relativement homogènes dans leur décision, sous la surface, ils ont tous des opinions bien tranchées », ajoute cet analyste. « La Fed essaye de transmettre son hésitation, mais du coup les marchés sont un peu troublés », estime Vassili Serebriakov, de BNP Paribas.
Mais davantage de communication n'est pas un mal pour autant, il suffit de trier. « Ce n'est pas qu'ils parlent trop, il faut seulement savoir qui écouter », affirme Timothy Duy, professeur d'économie à l'Université d'Oregon. Ed Yardeni, président de Yardeni Research, est plus dubitatif sur l'efficacité d'une large communication. « C'est bien en théorie (...), mais si tout ce que vous avez à dire est que vous n'êtes pas sûr de ce que vous allez faire, cela n'aide pas vraiment », ironise ce consultant en investissements. « Sans compter qu'ils changent d'opinion : récemment, ils ne cessaient de dire que les développements internationaux étaient négligeables pour l'économie américaine et maintenant ils y attachent plus de poids ! »
souligne M. Yardeni. Il est de ceux qui préfèrent le style de communication de la Banque centrale européenne (BCE). « Draghi (le président) a sa conférence de presse tous les mois et demi. On n'a pas ce phénomène des cadres de la banque qui deviennent des personnalités du petit écran et sont cités dans les journaux », ajoute M. Yardeni.
Virginie Montet/AFP
Économie - Politique monétaire
La Fed serait-elle devenue trop bavarde ?
OLJ / le 24 septembre 2015 à 00h00