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Des hommes de respect

On aura tout vu ? Eh bien, non, pas encore. Chaque jour apporte en effet son lot d'incongruités, au gré de cette folle dérive d'un pays où les gouvernements sont incapables de gouverner sans l'assistance – nullement désintéressée – d'une gouvernante étrangère. Quand bien même ne s'agirait-il que de se débarrasser proprement de ses ordures ménagères.


Au terme d'un mois d'agitation dans la rue, il est clair que quelque chose est en train de changer, même si ce n'est guère toujours pour le mieux. Les points noirs de cette révolution des poubelles ont souvent été relevés dans ces colonnes : coordination plutôt sommaire au sein du mouvement de contestation, noyautage massif opéré tantôt par des provocateurs et tantôt par des groupes extrémistes, vandalisme à grande échelle, et on en passe. Est-ce assez pour discréditer sans appel un élan populaire né d'un fort légitime ras-le-bol face à la médiocrité et la corruption d'une large part de l'élite au pouvoir ?


En attendant d'être fixé, force est d'admettre que quelque chose s'est rompu (à jamais ?) dans ces liens d'allégeance, d'aliénations traditionnelles, familiales, sectaires, régionales, partisanes et autres qui, telle une de ces grosses torsades de chanvre, liaient implacablement le citoyen au zaïm du cru. Ce n'est pas à l'irrévérence mais au mépris, et même à l'injure, qu'ont eu droit, conjointement sinon solidairement, des personnages publics, et non des moindres.


Le plus extraordinaire cependant, le plus désespérant aussi, est la riposte apportée par d'aucuns à cette pluie de crachats. Des ripoux notoires ont ainsi tenté de prendre le train en marche, s'associant sans vergogne aux récriminations des foules alors qu'ils figuraient en bonne place dans l'infamante liste noire du banditisme d'État. D'autres ont envoyé leurs cogneurs tabasser sauvagement ou même poignarder les insolents. Plus fantasmagoriques encore sont les poursuites judiciaires pour diffamation engagées contre un manifestant par l'un de ces caïds, en l'occurrence le président de l'Assemblée.


L'Assemblée, parlons-en. C'est là que se tenait hier, pour rien, une troisième session de ce dialogue de sourds – mais certes pas de muets ! – que l'on dit national. Une fois de plus, n'a pu être scellé le mariage de l'eau et du feu. Et c'est pour garder ce haut lieu de la politique politicienne que vient d'être érigé un de ces murs de blocs de béton dont le passé récent a pourtant montré qu'ils ne faisaient, finalement, qu'exacerber la contestation.


Une chose est certaine, pour finir. Dans le sombre tunnel où tâtonne le pays, ce n'est pas d'Électricité du Liban, gouffre sans fond de magouilles et de prévarications, scène de crime par excellence, que risque de venir la lumière. Pas plus qu'au sein de la faune politique, on ne manque de culot à EDL. C'est maintenant seulement qu'on s'y souvient de quittances laissées impayées, depuis des années, par quelques célébrités : subit exercice de mémoire alors que les compteurs ne sont même pas installés, et encore moins visités, dans les régions du pays relevant de la milice. Du pillage à grande échelle des ampères, on n'est visiblement pas au courant.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

On aura tout vu ? Eh bien, non, pas encore. Chaque jour apporte en effet son lot d'incongruités, au gré de cette folle dérive d'un pays où les gouvernements sont incapables de gouverner sans l'assistance – nullement désintéressée – d'une gouvernante étrangère. Quand bien même ne s'agirait-il que de se débarrasser proprement de ses ordures ménagères.
Au terme d'un mois...