Des produits de Puressentiel, le leader français de l'aromathérapie. Photo AFP
Longtemps éclipsée par la science moderne, l'aromathérapie, l'utilisation des huiles essentielles à des fins thérapeutiques, a de nouveau le vent en poupe, notamment en France, profitant de l'engouement pour les produits naturels bio et la défiance envers les médicaments.
Marco et Isabelle Pacchioni dirigent Puressentiel, le leader français de l'aromathérapie, et incarnent le succès fulgurant du secteur. Ils reçoivent dans leurs bureaux des beaux quartiers de l'ouest parisien, parfumés de leur "best-seller", un spray assainissant composé de 41 huiles essentielles.
Créé il y a seulement dix ans, Puressentiel est aujourd'hui une société d'une centaine de salariés avec cinq filiales en Europe: en 2014, son chiffre d'affaires a atteint les 70 millions d'euros et les dirigeants de l'entreprise espèrent 20% de plus cette année. La société familiale conçoit ses produits en laboratoire puis s'approvisionne en matières premières dans le monde entier. Elle confie ensuite la fabrication par distillation à la vapeur d'eau à un sous-traitant français de la chimie fine, Fareva, installé dans le sud-est de la France.
Puressentiel aspire à devenir le numéro 1 mondial de l'aromathérapie et vient d'ouvrir une filiale au Canada, avec l'immense marché américain en ligne de mire à partir de 2017.
Le contexte est porteur. Rien qu'en France, le chiffre d'affaires sur un an dans le secteur de l'aromathérapie, avec ses produits vendus en pharmacie et parapharmacie, avoisine les 180 millions d'euros, en hausse de près de 16% sur 12 mois, selon la société d'études OpenHealth.
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"On se rend compte que les utilisateurs de nos produits veulent prendre en charge leur forme, leur bien-être et leurs petits bobos du quotidien, ils se posent des questions qui ont été longtemps occultées par une espèce de lobbying de la chimie de synthèse", estime Isabelle Pacchioni, dont la mère était herboriste et le père naturopathe.
Gare aux abus
L'aromathérapie propose surtout de prévenir et soulager quantité de maux du quotidien: rhume, angine, mal de tête, insomnies, fatigue, stress, douleurs articulaires, piqûres d'insectes...
"On n'est plus du tout dans l'ère de la 'plantouille', mais dans la démonstration par la preuve", selon Mme Pacchioni.
Puressentiel multiplie ainsi les études scientifiques sur l'efficacité et la tolérance sur ses produits, en collaboration avec des médecins ou des hôpitaux, tout en se fixant une limite: "On ne va pas soigner des maladies, mais traiter l'environnement" des malades, selon sa fondatrice. En Allemagne aussi par exemple, une trentaine d'hôpitaux utilisent des huiles essentielles, comme assainissant ou pour prévenir des escarres, notamment chez les patients âgés.
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"On s'aperçoit souvent que les coûts sont moindres qu'avec des produits pharmaceutiques conventionnels", relate Monika Werner, une spécialiste allemande des médecines douces et conférencière sur l'aromathérapie. "Le regard de beaucoup de médecins a changé sur l'aromathérapie, mais le chemin a été long et il y aura toujours des sceptiques", résume Mme Werner.
Anne Landreau, chercheuse en biodiversité végétale à l'Université de Nice (sud-est de la France) et enseignante en sciences pharmaceutiques et ingénierie de la santé, met toutefois en garde contre une utilisation abusive des huiles essentielles. "La tendance du grand public à un retour à la nature" peut conduire à "aller chercher le miracle un peu partout", dit-elle.
Bien que ces huiles n'aient pas le statut de médicament, elles n'en constituent pas moins "un mélange de composés actifs, qu'il faut prendre dans des cas précis, avec un bon conseil et en quantité adéquate", ajoute cette pharmacienne de formation, déconseillant par exemple leur usage pour les femmes enceintes et les bébés.
Mme Landreau a réalisé une étude sur les expositions aux huiles essentielles, notamment à partir de cas relevés dans un centre anti-poison français (CHU d'Angers). Sa conclusion ? "On ne peut pas dire si les huiles essentielles sont dangereuses ou pas. Ça dépend de leur composition, de la quantité utilisée et des réactions de chaque personne".
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