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Culture - Beirut Art Fair

Respirer à pleins yeux l’air de la Marina

Au cœur de la Beirut Art Fair, dans le saint des saints du parcours dédié aux arts numériques, 3 vidéos de la papesse de la performance corporelle, (ré)explorent les énergies de vie et de mort, et l'esprit du sacré. Marina Abramovic dans sa quintessence.

Vanitas (2009).

Son nom est synonyme de performance corporelle. D'art en action. D'art kamikaze aussi, tant Marina Abramovic, née en 1946 en Serbie, n'a eu de cesse de se mettre en danger pour explorer, à travers son propre corps et les événements les plus intimes de son existence, les limites humaines. Dans une tentative de les redéfinir, les outrepasser et se surpasser.
Elle s'est flagellée, piquée, violentée, sacrifiée, lacérée (le ventre au rasoir pour dessiner l'étoile rouge du communisme subi par ses parents) ; elle s'est gelée/transie sur des blocs de glace ; elle s'est injectée des substances de contrôle musculaire ; elle a réalisé avec son ex-compagnon l'artiste Ulay (de 1975 à 1988) des performances communes mettant en scène leurs rapports de couple en confrontation/fusion... jusqu'à l'étouffement. Bref, elle a brouillé les frontières de la vie et de l'art, faisant de son être-même sa propre matière, son objet de création et son unique personnage.
« C'est le théâtre qui l'a amenée à cette forme d'art, indique le curateur et directeur artistique de la BAF, Pascal Odille. Car la performance, pour Marina, est dans le partage et l'échange... D'énergie, notamment. Elle est dans cette notion-là. D'ailleurs, elle lance à New York un grand projet, le « Marina Abramovic Institut », qui a pour objectif d'offrir une plate-forme pour tous les jeunes artistes et créateurs qui travaillent la danse, le théâtre, la vidéo, la performance. »

Sainte au-dessus des fourneaux
Installée aux États-Unis depuis les années 60, cette pionnière de la performance (s')offre donc au public comme un miroir reflétant son humanité douloureuse et mortelle, mais aussi victorieuse et transcendée. « Nous sommes mortels, mais il y a aussi l'énergie, l'esprit. Je veux montrer l'esprit. Car c'est si facile d'oublier le spirituel, très facile, on le fait tout le temps », confiait-elle dans une de ses récentes interviews.
Justement, les trois pièces présentées à la Beirut Art Fair par la galerie grecque Kappatos Gallery sont dans cette veine-là. Trois œuvres magnétiques, fascinantes, palpitantes. À découvrir absolument.

D'abord, l'Hommage à sainte Thérèse/Lévitation. Cette installation-vidéo a été présentée lors de la grande rétrospective de Marina Abramovic au MoMa, à New York, en 2009. Elle est tirée de la série The Kitchen, Homage to St Theresa. Dans cette projection sur grand écran, l'artiste, en robe noire stricte, les cheveux tirés en arrière, semble en lévitation dans une cuisine. Les bras en croix, les jambes écartées, les yeux clos, elle flotte carrément dans l'air au-dessus des casseroles, gamelles, fourneaux et évier... dans une mise en scène qui renvoie à la sainte espagnole, figure de l'extase dans l'ascèse et le sacrifice. Une image (au magnifique travail numérique, en 3D) qui fait, évidemment, référence à l'esprit d'abnégation de la femme dans cet espace de domesticité. « Une œuvre tragique dans laquelle Marina Abramovic rend surtout hommage à son grand-père, un patriarche serbe assassiné et à sa grand-mère espagnole », signale Pascal Odille.

Ensuite, Vanitas. Cette seconde vidéo, montrant les mains de l'artiste encerclant un crâne humain, est clairement une réinterprétation personnelle des Vanités. Également tirée de la série The Kitchen, Homage to St Theresa, cette prise de vue courte évoque l'attitude d'une voyante autour d'une boule de cristal. Mais surtout c'est le léger tremblement des mains, cette vibration qui en émane, qui renvoie au mystère et à la poésie de la mort, à son emprise sur la vie et la tension de tous les instants qu'elle induit chez l'humain.

Enfin, Stromboli I. Recouverte d'un drap blanc qui, paradoxalement, fait ressortir avec plus de relief la figure de l'artiste, filmée de profil en plan rapproché, cette vidéo (de 2002, en noir et blanc) est la moins dramatique mais aussi la moins envoûtante. Et pourtant l'image qu'elle offre de sa tête livrée au flux et reflux des vagues, sur une plage de galets, est d'une grande sérénité. Elle y délivre tout simplement un des messages majeurs de Marina Abramovic : la nécessité de se laisser (em)porter par la vague, le temps, le mouvement. Lâcher prise. Ne plus avoir le contrôle de soi...

 

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