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Culture - Rencontre

« Voilà un Liban fantastique où les gens sont encore plus chaleureux qu’en Italie »

Carmen Giannattasio, napolitaine d'origine mais aujourd'hui libanaise de cœur. Diva transalpine, soprane assoluta, toute en simplicité, aisance et gaieté.

Carmen Giannattasi, diva transalpine. Photo Michel Sayegh

Elle dit qu'elle n'est qu'une « voix ». De la Scala de Milan au Covent Garden de Londres en passant par Paris et le Bustan de Beit Méry l'hiver dernier, Carmen Giannattasio, silhouette menue au minois de poupée, n'en est pas moins tombée en amour avec notre pays. Pour y passer ses vacances avant de rebondir pour la rentrée.

Agilité, puissance, style. C'est de sa voix qu'on parle. Qu'on n'a pas oublié dans la Norma de Bellini, avec une robe pyramide rigide, presque amidonnée, signée Rabih Keyrouz, sur les planches de l'Auditorium Émile Bustani.
En ces temps de méchante canicule, de temps noirs pour une fée électricité plus Carabosse que Pimprenelle, avec la gadoue pourrie qui fait la roue et joue aux prolongations, dans une ville encore plus multipolaire que bipolaire, une ville menacée par les rats qui batifolent déjà dans les cages d'escaliers des immeubles, la cantatrice n'a pas craint, malgré toutes les rumeurs d'insécurité, de chaos et les remous locaux et régionaux, de venir au pays du Cèdre qui l'emballe. Littéralement. Pays vert, ensoleillé, ouvert à tous les horizons du monde, parfois plus préoccupé de futilité, d'apparence, de nouba et fiesta que de s'autogérer et se reconstruire convenablement.

Au point de dire qu'elle ne lui trouve aucun point négatif, du moins jusqu'à maintenant ! Et puis non, toute réflexion faite, sauf que la musique a trop de décibels autour de la piscine où elle fait ses brassées et ses papillons... En bikini et non en maillot une seule pièce. « Oui... oui... » souligne-t-elle avec un sourire craquant, « bien sûr en bikini », martèle-t-elle avec une délicieuse coquetterie.
Installée dans un hôtel face à la mer à Byblos, la voilà entre piscine, plages, randonnées et virées nocturnes de Batroun à Zaytounay Bay pour écumer pubs, restos (glamour, précise-t-elle avec une moue !), mais pas de boîte de nuit. Pas envie de danser en ce moment !

Inutile de préciser qu'elle n'est pas non plus adepte de la cigarette ou de l'alcool, sans toutefois les proscrire totalement. Une clope ? Pour frimer, une fois l'an, et encore !
Les cheveux aux mèches balayées de blond dans une coupe vaguement garçonne, un chemisier en lin ample et légèrement transparent sur un jeans fuseau noir serré, le tout agrémenté d'un long collier en perles blanches rehaussées de pierres couleur brique, très allure vénitienne baroque. Non, la cantatrice rouquine sombre sous son fond de teint et ne s'expose pas au soleil. Ne veut pas attraper des rides. La beauté pour elle, c'est une peau très blanche et laiteuse.
Elle s'exprime en un français impeccable (celui de l'école, confie-t-elle), sauf pour certains accords et conjugaisons, avec une intonation italienne savoureuse et chantante. Chantante comme une musique où l'interlocuteur voyage brusquement très loin au son de sa très mélodieuse conversation...

« Donner la joie »
Fille du sud de l'Italie, élevée par des parents catholiques, la foi – ô impénétrables desseins de Dieu – lui a faussé compagnie pour un bout de temps, et voilà que brusquement elle rentre dans le droit chemin du Seigneur. Sa spiritualité aujourd'hui a quelque chose de lumineux et de touchant. Elle en est imprégnée. Et c'est en termes frémissants qu'elle évoque sa visite à Annaya. Frappée par le dépouillement du couvent, la ferveur des fidèles, jeunes et vieux, qui prient dans l'humilité au cœur du silence des lieux de saint Charbel.

Mais son regard s'illumine aussi, grande gourmande et gourmet qu'elle est, pour parler des « mankouchés au saj ». Et de nommer le « labné », le « kechk » et autres variantes de cette galette, tout comme l'huile d'olive, ingrédient de base de toute nourriture du sud de l'Italie où les pâtes ont la vedette... Et si l'on glissait sur la liste de ses envies alimentaires ? La nomenclature est plus que substantielle : « kebbé », caviar d'aubergine ou « baba ghannouge », « sanioura », et on n'a pas tout dit... Dans ses préférences culinaires, elle a cet ordre : cuisine japonaise, libanaise, italienne. Mais l'ordre peut s'inverser ! Dans tous les sens !
« C'est fou comme les fausses idées reçues sont coriaces, enchaîne-t-elle. Beaucoup d'étrangers croient qu'ici c'est la pulpe des dattes, les dromadaires et les chameaux qui sont dans le paysage. Et puis, grande surprise, voilà un Liban fantastique où les gens sont encore plus chaleureux qu'en Italie. Ils sont amicaux, sympathiques, polyglottes. Beyrouth, chantier de construction et d'avant-gardisme époustouflant, avec cette volonté de renaître, est une ville "friendly" où je peux me montrer libre, comme je suis. Pour mes cinq jours de vacances, je veux me relaxer ici. »

Installée à cheval entre Londres et Naples, professeure de littérature russe, pianiste et néanmoins diva des scènes lyriques aux quatre points cardinaux, voilà quelques bribes de son agenda surchargé pour la saison prochaine (et excusez-nous du peu !) : Le Trovatore de Verdi à Amsterdam, Nedda de Pagliacci au Covent Garden, La Norma de Bellini à Munich, Attila de Verdi à Monte-Carlo, Simon Boccanegra avec Placido Domingo à la Scala de Milan, au Bolchoi de Moscou et à Taipei. Et pour clore la boucle, Falstaff de Verdi à Vienne.
Une dernière vocalise, une dernière roucoulade avant de tourner la page de cette entrevue.
Quels sont les souhaits de Carmen Giannattasio ? Petit soupir, regard bleu diaphane (à damner tous les saints) au ciel bleu et la réponse fuse : « Être contente de ce que je fais et de moi-même ! Donner de la joie à ceux qui m'écoutent. Telle est la mission de ma vie. »

 

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