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À qui perd gagne

On n'applaudira jamais assez fort à cet exploit de la Sûreté générale que fut la capture du cheikh radical sunnite al-Assir, en cavale depuis deux ans et que sa propre mère n'eût pas été capable de reconnaître dans son apparence habilement relookée.


En revanche – car ainsi est fait le Liban actuel –, on ne s'empêchera pas de relever, une fois de plus, le laxisme, pour ne pas dire la coupable complaisance, dont font montre d'aussi performants services sécuritaires envers des repris de justice qui bénéficient, eux, de hautes protections. On pense, entre mille autres, à ces cinq responsables de milice recherchés par la justice internationale dans l'affaire de l'assassinat d'un ancien Premier ministre et qui, forts de leur immunité, ne se privent même plus désormais d'apparaître en public...


Pour une fois cependant, et par un juste retour des choses, c'est à rebours que joue paradoxalement, cette fois, la fâcheuse règle du deux poids, deux mesures. De toutes les parties libanaises, la plus sincèrement soulagée par l'arrestation d'al-Assir, c'est précisément celle-là même qu'une propagande aussi ridicule et stupide que malveillante accuse de couvrir sournoisement les activités des extrémistes : c'est le camp des sunnites modérés, que l'on vient de délivrer de cette épine qui lui envenimait le pied. Car le véritable ennemi de l'extrémisme, ce n'est pas l'extrémisme d'en face : bien au contraire, l'un trouve une raison d'être dans l'existence de l'autre, et les deux ne font, en définitive, que se nourrir l'un l'autre.


Toutes les coalitions internationales, toutes les armadas aériennes du monde n'y changeront rien : il est clair depuis longtemps que c'est aux musulmans qu'il appartient, en priorité, de combattre l'extrémisme musulman. C'est seulement aujourd'hui que des États arabes s'y mettent après avoir longtemps financé des groupes plus que suspects, car ils sont, à leur tour, menacés par le phénomène terroriste. La modération du gros des sunnites libanais n'en est que plus méritoire, même si elle ne devait découler que d'une perception réaliste, pragmatique, du cas spécifique de notre pays, assemblage de minorités dont nulle ne peut prétendre dominer toutes les autres : quand bien même serait-elle massivement armée et parrainée par une puissance extérieure...


Que cette mosaïque libanaise inclue une importante composante chrétienne, et cela dans des proportions introuvables partout ailleurs dans le monde arabo-musulman, a été dans le passé motif à tiraillements, à discorde. C'est au contraire, aujourd'hui, facteur de mesure, d'ouverture, de quête commune d'une place au vacillant soleil du Levant d'aujourd'hui. Le temps n'est plus où les sunnites réclamaient le rattachement à la Syrie, et s'ils sont revenus des chimères unionistes, ce n'est pas seulement parce que, par les bons soins de Bachar el-Assad, il ne reste plus grand-chose de la Syrie d'antan. Liban d'abord et parité islamo-chrétienne sont désormais leurs slogans, à l'heure où d'autres instances œuvrent visiblement à une refonte totale du système libanais en base de la théorie dite des trois tiers, laquelle réduirait d'autant la part de pouvoir dévolue aux chrétiens. Cela sans omettre d'afficher leur vassalité à la République islamique d'Iran. Et même d'en tirer orgueil !

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

On n'applaudira jamais assez fort à cet exploit de la Sûreté générale que fut la capture du cheikh radical sunnite al-Assir, en cavale depuis deux ans et que sa propre mère n'eût pas été capable de reconnaître dans son apparence habilement relookée.
En revanche – car ainsi est fait le Liban actuel –, on ne s'empêchera pas de relever, une fois de plus, le laxisme, pour ne pas dire...