Pour concevoir le parc, Vladimir Djurovic a fait quarante fois l’aller-retour Beyrouth-Toronto.
À Toronto, la plus grande ville du Canada, le musée Agha Khan, conçu par le célèbre architecte japonais Fumihiko Maki, et le Centre ismaélien, œuvre de l'Indien Charles Correa, se dressent superbement au sein d'un écrin végétal dessiné sur mesure par l'architecte paysagiste libanais d'origine serbe Vladimir Djurovic. Commandité par l'Agha Khan, ce projet d'envergure, qui se déploie sur sept hectares, est un havre qui capture l'essence des jardins islamiques. Effets de volumes et de géométrie, présence permanente d'eau (élément essentiel d'un jardin d'islam), de lumière et de senteurs, le parc offre une symbiose parfaite de la tradition et de l'innovation.
S'inspirant des jardins de l'Alhambra en Espagne, du spectacle des parcs de Fatehpur Sikri, au Rajastan, et des jardins style perse abritant la tombe de Humayun et des empereurs moghols à Delhi, Djurovic a inventé une œuvre magnifique qu'il ne doit qu'à son propre génie. Composé de plusieurs paysages et même d'une infinité de micropaysages, le parc Agha Khan décline le même esprit et la même symbolique que les jardins islamiques, mais « réinterprétés dans un langage contemporain qui fait écho aux bâtiments modernes réalisés par Maki et Correa ».
Décomposé en plusieurs espaces qui se répondent entre eux, le parc est une vaste oasis sous laquelle coulent des ruisseaux et où tout pousse à profusion. Au-delà des haies de cèdres, les chemins piétons longent des arbres aux couleurs et formes variées, adaptés au rude climat du Canada, dont les Star Magnolias, les peupliers et les cerisiers pleureurs, ainsi que des espèces en péril comme l'amélanchier, le chêne bicolore, le chêne blanc, le noyer cendré, le genévrier de Virginie, l'érable noir, l'élégant et majestueux micocoulier occidental et l'orme liège... L'ensemble renvoie l'image d'une nature immuable et harmonieuse.
Pour ajouter le plaisir des yeux à la gourmandise, les arbres fruitiers ont aussi leur place dans les jardins, où les rosiers, les glycines de Chine et autres arbustes au nectar odorant abritent un sanctuaire de papillons et d'oiseaux. L'ensemble est dessiné selon un principe strict de proportions qui réussissent à dialoguer entre elles pour créer un équilibre impressionnant.
Au cœur de ce havre, digne des paradis prédits par les prophètes, se posent cinq plans d'eau où se mirent le musée et le Centre ismaélien. Sculptés dans du granit, ces « miroirs d'eau » sont conçus comme des tableaux, à l'image des jardins japonais. Jardins de contemplation, zens et épurés, fascinants par l'équilibre et la sérénité qu'ils dégagent.
Inaugurée par Kathleen Wynne, ministre de l'Ontario, et le prince Karim Aga Khan, l'œuvre de Vladimir Djurovic a été largement saluée par la presse torontoise. Rappelons que le Libanais est bardé de nombreux prix dont celui de l'Aga Khan Award for Architecture (The Tenth Award Cycle) et un autre de l' Award of Excellence in Residential Design, Washington DC, remis par l'American Society of Landscape Architects. Il a également remporté en Californie le First Prize Winners in Landscape Architecture, lors de l'International Design Awards, et le First Prize Winners in Community Building, dans le cadre du Cityscape Architectural Review Awards tenu à Dubaï...
Tout autant que le parc, le musée Agha Khan est considéré comme « une contribution majeure à la ville de Toronto ». Conçu par Fumihiko Maki, lauréat du Prix Pritzker 1993, « il compte plus de 1 000 objets dont des chefs-d'œuvre témoignant d'une prodigieuse richesse de styles artistiques et de matériaux. Textiles, miniatures, manuscrits, céramiques, carreaux de faïence, textes médicaux, livres et instruments de musique couvrent plus de dix siècles de l'histoire de l'humanité et une vaste zone géographique, allant de la péninsule Ibérique à la Chine ».
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