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Liban - Portrait

Ivonne A-Baki à « L’OLJ » : Prendre au sérieux les idées que l’on défend sans se prendre soi-même au sérieux

Ivonne A-Baki est une femme d'une autre trempe. Dans un entretien avec « L'Orient-Le Jour », elle évoque sa carrière de négociatrice pour la paix et d'ancienne candidate à l'élection présidentielle de l'Équateur, ainsi que les changements que les femmes peuvent effectuer pour améliorer leur société, notamment au Liban.

La femme qui a changé de vie à l’âge de 40 ans en s’inscrivant à Harvard est ici entourée de sa fille Tatiana et de deux de ses six petits-enfants.

La vie commence à 40 ans. Cela n'est pas un slogan pour rassurer les femmes, mais c'est une constatation que l'on ne peut pas s'empêcher de faire après avoir rencontré Ivonne A-Baki, plus connue au Liban sous le nom d'Yvonne Abdelbaki, Équatorienne d'origine libanaise.
Ce n'est pas qu'Ivonne A-Baki n'a rien réalisé avant ses quarante ans. Elle s'est mariée, a fondé une famille et tenu table ouverte chez elle. Elle a fait de la peinture, suivi des cours d'art à Paris tout en étant l'une des personnalités mondaines les plus en vue de la vie beyrouthine.
Mais à 40 ans, la vie d'Ivonne A-Baki a pris tout à fait une autre tournure. Le déclic a été la longue guerre du Liban et le nouveau cheminement a commencé avec son entrée au début des années 90 à la Kennedy School of Government, à l'Université de Harvard, où elle décroche des masters en Public Policy et en Public Administration. La suite est bien connue : elle devient membre de l'équipe qui mène les négociations de paix entre l'Équateur et le Pérou, première ambassadrice de l'Équateur à Washington, présidente du Parlement des Andes, qui regroupe la Bolivie, la Colombie, le Chili, l'Équateur et le Pérou.
Elle a occupé plusieurs portefeuilles ministériels, et non des moindres, en Équateur, où elle se présente également à l'élection présidentielle et devient aussi candidate à la direction générale de l'Unesco.

Les femmes, facteur de changement
Ivonne A-Baki est une belle femme, d'une autre trempe, qui impressionne les moins impressionnables.
Pour des raisons personnelles, elle vient plus régulièrement au Liban, mais elle n'arrête pas pour autant de travailler que ce soit en Équateur, où elle mène actuellement des négociations pour la préservation de Yasuni, un parc national du pays. Au Liban, le projet Tokten du Pnud, un programme portant sur la résolution des conflits et les droits des femmes, est actuellement en cours de négociation.
Elle a plein d'idées pour le Liban, l'Équateur et le monde entier, et jamais elle n'a perdu l'espoir de voir une véritable réconciliation au pays du Cèdre ou une paix au Moyen-Orient. Pour elle, « ce sont les femmes qui sont facteur de changement ». « Les femmes négocient, écoutent, font des concessions beaucoup plus que les hommes, affirme-t-elle. Une fois au pouvoir, les hommes développent des ego surdimensionnés et tiennent à prouver qu'ils ont toujours raison. »

Renforcer le système judiciaire
Née en Équateur de parents originaires du village de Btater, de la famille Khoueiss, qui deviendra Juez en Amérique latine, elle rentre pour des vacances au Liban alors qu'elle était âgée de 13 ans. Les vacances deviennent un séjour permanent. Elle va à l'école al-Ahliya, où elle est pour la première fois confrontée au confessionnalisme. « En Équateur, tout le monde est catholique. Le problème ne se pose donc pas. Au Liban, dès ma rentrée à l'école, les élèves m'ont demandé quelle était ma confession. Je ne le savais pas. Je suis rentrée à la maison rapportant les conversations de l'école, une affaire qui a scandalisé mon père », se souvient-elle.
Ivonne A-Baki apprendra plus tard qu'elle appartient à la communauté druze.
Elle s'insurge contre le confessionnalisme. « Pour édifier un État de droit au Liban, il faut habituer les habitants du pays à ne pas se tourner vers les leaders confessionnels ou claniques. Il faut instaurer un bon système judiciaire où tous les citoyens seraient égaux devant la loi. Il faut aussi que chaque Libanais, homme ou femme, puisse être capable de réaliser ses ambitions », dit-elle.
Jeune fille à Beyrouth, Ivonne tombe amoureuse d'un homme plus âgé, Sami Abdelbaki, qu'elle épouse à 16 ans. À 21 ans, elle a déjà ses trois enfants Mohammad, Fayçal et Tatiana.
Ce sont son père et son mari qui l'ont le plus marquée : « Ils m'ont donné confiance en moi, m'ont fait sentir que tout est possible, ils m'ont soutenue. »
Au Liban, Ivonne A-Baki devient consule honoraire de l'Équateur, dessine, organise des expositions. La guerre changera sa vie. « Je voyais des gens mourir devant moi et je ne pouvais pas arrêter le conflit. Cela me révoltait », note-t-elle.
À la fin de la guerre, le couple décide d'envoyer ses enfants faire des études aux États-Unis. Ivonne A-Baki entre, elle aussi, à l'université de Harvard, et n'arrête pas de tenir table ouverte comme elle le faisait à Beyrouth. Elle est aussi consule honoraire de l'Équateur à Boston.
« Je voulais faire des études, progresser pour travailler pour la paix au Moyen-Orient », martèle-t-elle.
Elle devient membre du Board of Directors du « groupe de la résolution des conflits », à Harvard, pour la promotion de la paix dans diverses régions dans le monde. Le groupe est mené par le professeur Roger Fischer.
C'est à ce moment-là qu'elle est sélectionnée pour entreprendre des négociations de paix, avec un autre groupe de personnes, entre l'Équateur et le Pérou. Elle est la seule femme de l'équipe qui parvient à mettre un terme à un conflit âgé d'un peu moins de deux siècles.

Sixième sens et intelligence émotionnelle
« Dans mon travail, je ne me suis jamais perçue comme une femme ou un homme, mais comme un être humain », dit-elle.
Mais Ivonne A-Baki tient aussi à ne pas renoncer à sa féminité et met en avant les qualités des femmes, bonnes négociatrices, à l'écoute des autres, dotées d'un sixième sens très fort, d'une intelligence émotionnelle et capables d'effectuer en même temps plusieurs tâches.
Six fois grand-mère, elle tient à préserver ses atouts physiques féminins. Nous sommes bien loin donc des féministes du début du siècle dernier.
« Quand ma candidature a été présentée à la direction générale de l'Unesco, certains experts ont dit à mon fils que je ne donnais pas mon âge, qu'il fallait que je me teigne les cheveux en blanc pour avoir plus de chances. Mon fils a tout de suite su que je n'accepterai jamais... » raconte-t-elle, en ajoutant : « Mais peut-être que ces experts avaient raison. »
Quand elle pense à sa vie de jet-setteuse passée, elle en a un peu honte et elle souhaite que les femmes qui mènent actuellement la vie qu'elle menait avant son départ pour les États-Unis puissent, elles aussi, changer de parcours.
À quel moment de sa carrière a-t-elle pensé qu'elle n'a plus rien à prouver ? Ivonne A-Baki hésite à répondre mais décide ensuite de raconter une histoire sans donner de noms. « Durant de longues années, j'ai admiré une personne assez puissante et puis quand j'ai fait sa connaissance, j'ai remarqué que je l'avais énormément surestimée et j'ai pensé à ce moment que je n'ai plus vraiment rien à prouver », dit-elle, confiant que le secret de sa réussite « est de prendre très au sérieux les choses que je fais et les idées que je défends sans pour autant que je me prenne moi-même au sérieux, sans jamais devenir grosse tête avec un incommensurable ego ».
Ivonne A-Baki aimerait former un groupe de femmes au Liban pour changer la situation du pays et aussi celle des femmes, afin qu'elles prennent leur destin à bras-le-corps. « Le premier ennemi des femmes c'est elles-mêmes. C'est à elles qu'il revient en premier de prendre des décisions pour changer leur propre destin. Et si elles le décident, elles en sont capables », souligne-t-elle en conclusion.

La vie commence à 40 ans. Cela n'est pas un slogan pour rassurer les femmes, mais c'est une constatation que l'on ne peut pas s'empêcher de faire après avoir rencontré Ivonne A-Baki, plus connue au Liban sous le nom d'Yvonne Abdelbaki, Équatorienne d'origine libanaise.Ce n'est pas qu'Ivonne A-Baki n'a rien réalisé avant ses quarante ans. Elle s'est mariée, a fondé une famille...

commentaires (2)

CONCEPTION... OU TITRE... CONTRADICTOIRE !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 52, le 27 juillet 2015

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Commentaires (2)

  • CONCEPTION... OU TITRE... CONTRADICTOIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 52, le 27 juillet 2015

  • "Ivonne A-Baki apprendra plus tard qu'elle appartient à la communauté druze." ! Huhuuum ! Il était "indispensable" de le souligner.... mahééék !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 05, le 27 juillet 2015

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