Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Décryptage

Quatre clés pour comprendre l’accord sur le nucléaire iranien

Trois jours après la conclusion, mardi dernier, de l'accord sur le nucléaire iranien, l'International Crisis Group a réuni experts et journalistes lors d'une conférence téléphonique afin de faire le bilan. L'analyste et spécialiste de l'Iran, Ali Vaez, qui était à Vienne pour les négociations, a déchiffré l'accord et tenté d'établir les différents scénarios qui pourraient survenir durant les prochains mois. La discussion et les questions/réponses ont été modérées par le directeur de programme du Groupe de crise pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Joost Hiltermann.

Bachar el-Assad peut-il profiter de cet accord ?

L'accord va-t-il affecter la situation du président syrien Bachar el-Assad ? Est-il parmi ceux qui pourront tirer profit de ce changement ?
Je pense qu'il y a débat à ce sujet. Certains disent que l'Iran utilisera ses ressources afin de renforcer le régime syrien, mais d'autres pensent que l'Iran devrait les consacrer entièrement au pays, étant donné que les sanctions ont étranglé l'économie depuis plusieurs années. Je pense que la réalité est quelque part entre les deux. Une partie de l'argent sera probablement utilisée pour accroître la politique régionale iranienne, mais le soutien au régime Assad est, en réalité, une entreprise extrêmement coûteuse. Laissez-moi vous donner un exemple : au cours des deux dernières années, l'Iran a gagné environ 14 milliards de dollars avec la levée du gel d'avoirs, grâce à l'accord par intérim (signé en novembre 2013). Parallèlement, au cours des deux dernières années, la moitié de l'Irak et de la Syrie est tombée aux mains de l'État islamique (EI). Le régime syrien est à genoux et il est plus faible qu'il ne l'a jamais été. Ce n'est pas uniquement une question d'argent. Le revers de la médaille est qu'entre 2011 et 2013, quand l'Iran souffrait vraiment de sanctions draconiennes, c'est à ce moment-là qu'il a enregistré une majorité de gains (en termes d'influence) dans la région. C'est beaucoup plus qu'une question d'argent, c'est également de l'ordre de la géostratégie.

 

La bataille au Congrès est loin d'être remportée...

Quels vont être les défis à relever côté iranien et côté occidental dans les prochaines semaines ? Qu'en est-il du guide suprême, l'ayatollah Khamenei, et de ses « lignes rouges » à ne pas franchir ?
Les grands défis pour les quelques mois à venir sont les suivants : premièrement, « vendre » le deal de façon à ce que celui-ci ne crée pas, des deux côtés, de nouveaux cycles de rhétorique qui monteront crescendo et pourraient être utilisés par les détracteurs de l'accord aussi bien à Washington qu'à Téhéran.
Le second enjeu sera que le Congrès et le Parlement iranien l'approuvent. Le risque est beaucoup plus grand du côté du Congrès puisque le Parlement iranien interfère rarement dans les décisions qui sont prises au plus haut sommet de l'État. L'accord a reçu l'aval du guide suprême, l'ayatollah Khamenei. Mais pour le Congrès américain, c'est complètement différent. Il a la capacité de rejeter un tel accord en refusant d'accorder le budget nécessaire à son exécution ou en trouvant des failles juridiques lui permettant de sanctionner l'Iran sous différents prétextes. Je pense que l'administration Obama a le soutien (numérique) dont elle a besoin, mais la bataille est loin d'être remportée. D'autre part, des facteurs extérieurs peuvent entrer en jeu, un « cygne noir » qui peut émerger dans la région.
Concernant le guide suprême, même s'il savait que les négociations étaient nécessaires, il a souligné l'importance de montrer que l'Iran n'était pas en position de faiblesse et qu'il y a un certain équilibre entre la République islamique et les autres pays. Les « lignes rouges » qu'il avait fixées ont été franchies par les négociateurs, mais de façon assez subtile afin que l'équipe iranienne accepte les conditions de l'accord.

 

Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif au balcon de l'hôtel du palais Coburg le 11 juillet à Vienne. Photos d'archives AFP


Une levée des sanctions également pour le commandant Suleimani ?

Qu'en est-il du général iranien Qassem Suleimani, commandant de la Force al-Qods, présent sur les champs de bataille en Irak depuis plusieurs mois ? Le département américain du Trésor a imposé des sanctions à son encontre en raison de son soutien au régime syrien ainsi que pour avoir encouragé le terrorisme. Étant donné que toutes les sanctions vont être levées, vont-elles l'être également pour lui ?
Ce sujet a donné lieu à des controverses dès les premières heures après la publication du texte de l'accord. J'ai vérifié cette donnée avec un officier qui participait aux négociations. Malheureusement, Qassem Suleimani a un homonyme qui travaille pour l'Organisation de l'énergie atomique d'Iran (OEAI). Ce dernier avait été inscrit sur la liste noire de l'Union européenne (par erreur ?), mais il devrait en être rayé très prochainement. Le général Suleimani, quant à lui, est visé par les sanctions de l'Onu. Comme toutes les sanctions contre l'Iran seront levées par l'Onu, les siennes le seront aussi. Mais il restera sanctionné par les États-Unis et par l'Union européenne parce que ces mesures sont liées au terrorisme. De nombreuses personnes ont accusé les négociateurs non seulement de permettre à l'Iran de souffler économiquement, mais également de lui permettre d'acquérir des armes, tout en laissant le champ libre à ce commandant.

 

« L' Iran semble montrer qu'il ne cherche pas à dominer le Moyen-Orient »

Quelles conséquences pour la région ? Comment s'y prendre pour que les tensions s'amenuisent ?
Même s'il est difficile à l'heure actuelle de prédire les conséquences de cet accord sur la région, on peut dire que celui-ci va exacerber les tensions qui existent déjà sur les différentes lignes de front. Pire, il se peut que l'on assiste à des provocations de la part de l'Iran et des pays occidentaux, et ce pour prouver à leurs alliés régionaux respectifs que leur politique étrangère reste inchangée, malgré le succès de l'accord.
Mais ils ont d'autres moyens permettant de contenir ces conséquences négatives. L'un d'entre eux pourrait être que ces mêmes pays qui ont conclu l'accord joignent leurs efforts et forment un groupe. Ceci pourrait être la première étape vers l'établissement d'un modus vivendi dans la région.
Par ailleurs, ce serait à l'Iran de convaincre ses voisins que l'accord ne le renforce pas outre mesure dans la région. La République islamique semble montrer qu'elle ne cherche pas à dominer le Moyen-Orient. Dans ce cas, le type d'approche doit commencer à petite échelle, pays par pays. Il faudrait commencer par faire front commun et démarrer par l'option la plus « simple » : le Yémen qui est un enjeu secondaire pour les Iraniens, mais l'enjeu principal pour les Saoudiens. Ou bien, concernant le plus urgent : le dossier syrien. Étant donné le niveau d'animosité entre l'Iran et l'Arabie saoudite, je ne pense pas qu'ils puissent régler ces différends tout seuls, mais ils devront faire partie d'un groupe d'alliances.

 

L'accord a été salué comme une grande victoire par les Iraniens, le 14 juillet, à Téhéran. Archives AFP

 

Interview express
Un « zéro pointé pour la République islamique »

Djamchid Assadi, professeur à l'École supérieure de commerce de Dijon et spécialiste de l'Iran, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Qui sont les grands gagnants de cet accord et qui sont les perdants ?

On peut dire que si c'était un match, la communauté internationale aurait gagné par 2 contre 1 au peuple iranien et un zéro pointé pour la République islamique. C'est l'échec total de tout ce que ce régime voulait faire dès le début du contentieux sur l'énergie nucléaire. Il y a beaucoup de choses que l'Iran a abandonnées, sinon l'accord n'aurait pas été possible. C'est l'échec de ses ambitions nucléaires. Tout est pratiquement stoppé. Toutefois, je pense que l'accord sera très positif pour les Iraniens. Ils n'auront plus à souffrir de sanctions et ça sera une certaine ouverture pour la population. Il faut le dire, ce n'est pas du tout une victoire de la République islamique contre l'impérialisme et le colonialisme. Tout cela n'a pas de sens.

Pourquoi la communauté internationale remporte-t-elle « 2 points » ?
La communauté internationale gagne 2 points pour deux raisons. Politiquement, elle est maintenant assurée que l'Iran n'aura pas accès au potentiel nucléaire militaire. Elle est rassurée. La France, qui avait joué le rôle de l'avocat du diable, a réussi à faire accepter tout ce que la communauté internationale espérait dès le début. Deuxièmement, économiquement parlant, c'est un grand marché qui s'ouvre aux pays occidentaux et surtout aux Européens. Il y a un besoin d'investissement à hauteur de 250 milliards de dollars pour reconstruire tout le pays. Tous les avions, par exemple, doivent être remplacés, les chemins de fer, les aéroports ainsi que les ports sont à reconstruire. La colonne vertébrale de l'économie iranienne que sont les industries pétrolière et gazière est complètement dévastée.

Zéro pointé pour la République islamique selon vous?
Dans cet accord, on a cédé certaines concessions politiques à la République islamique pour gagner sur le dossier nucléaire. C'était la grande priorité de Barack Obama et il a gagné, mais au prix d'une concession politique. L'Iran ne s'est pas engagé du tout en ce qui concerne la Syrie, ni au sujet de son soutien aux chiites en Irak, pas même au niveau du Hezbollah. La République islamique aura les coudées franches.

 

Nucléaire iranien
Le Congrès US aura 60 jours pour voter

Le vice-chancelier allemand est arrivé hier à Téhéran ; économie et reconnaissance d'Israël seront au menu de cette visite.

Le département d'État a officiellement transféré hier au Congrès américain le texte complexe de l'accord sur le nucléaire iranien, sur lequel les deux Chambres devraient voter sous 60 jours.
Le Congrès, dont la majorité républicaine est hostile à l'accord décroché avec Téhéran la semaine passée, pourra adopter soit une improbable résolution d'approbation symbolique, soit une résolution de désapprobation de l'accord. Celle-ci empêcherait la suspension des sanctions américaines contre Téhéran, promise par Washington en contrepartie des concessions iraniennes.
« Le décompte de cette période de 60 jours va commencer aujourd'hui, le 20 juillet », a précisé le porte-parole du département d'État John Kirby, ce qui devrait en théorie donner aux élus jusqu'au 17 septembre pour voter, à la Chambre des représentants et au Sénat.
De son côté, le secrétaire d'État américain John Kerry a défendu au contraire l'accord : « On aimerait que le Congrès nous écoute attentivement », a-t-il dit sur CBS alors qu'il se prépare à affronter une commission du Sénat jeudi. « Cet accord va tenir car il ouvre la voie à des inspections sans précédent, à un accès sans précédent, à des contraintes sans précédent sur leur programme, sur lesquels ils ont donné leur accord », a-t-il dit. La vraie menace pour le Moyen-Orient « serait qu'il n'y ait pas eu d'accord », a-t-il ajouté sur CNN : « Si le Congrès ne valide pas cet accord, si le Congrès tue cela, alors il n'y aura pas d'inspections, pas de sanctions, nous ne pourrons pas négocier », a-t-il conclu.
Outre les critiques venant du Congrès, cet accord est vu avec inquiétude par des alliés de Washington au Moyen-Orient, en particulier Israël, qui redoutent une influence accrue de Téhéran dans la région ou que la République islamique ne parvienne malgré tout à développer l'arme atomique. « Ce régime a juste reçu un accord de rêve », a affirmé hier le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, sur la chaîne américaine CBS. Cet accord « peut bloquer la possibilité pour l'Iran d'avoir une ou deux bombes dans les années à venir, en partant du principe qu'ils ne trichent pas, mais cela ouvre la voie à beaucoup de bombes dans une décennie », a-t-il ajouté. M. Netanyahu a insisté sur la chaîne ABC qu'il s'agissait d'un « mauvais accord » et affirmé qu'il demanderait au secrétaire américain à la Défense Ashton Carter, qui doit se rendre en Israël dans les heures à venir, que les puissances occidentales « négocient un meilleur accord ».

Les Allemands en Iran
Par ailleurs, le vice-chancelier et ministre allemand de l'Économie Sigmar Gabriel s'est rendu hier en Iran où il devra s'entretenir avec le président Hassan Rohani, devenant ainsi le premier haut responsable occidental à se rendre à Téhéran depuis l'accord sur le nucléaire iranien. La question de la reconnaissance d'Israël par la République islamique sera au menu des discussions, a-t-il annoncé, précisant qu'il ne pouvait y avoir de « relations stables et véritables » entre l'Allemagne et l'Iran sans acceptation de l'existence de l'État hébreu. M. Gabriel séjournera en Iran jusqu'à demain « avec une petite délégation composée de représentants des secteurs allemands de l'économie et de la science », selon un communiqué de son ministère.
Outre sa rencontre avec le président Rohani, il doit s'entretenir avec trois ministres et le responsable de la Banque centrale iranienne, selon l'agence allemande DPA. Après Téhéran, il se rendra à Ispahan (centre), toujours selon DPA.
Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a lui aussi annoncé son intention de se rendre prochainement en Iran.


Lire aussi

L'Iran maintient sa politique contre "l'arrogance" américaine, souligne le Guide suprême

Après l'accord, le commentaire de Volker Perthes

À Vienne, tout le monde a gagné, ou presque..., le décryptage d'Anthony Samrani

Bachar el-Assad peut-il profiter de cet accord ?
L'accord va-t-il affecter la situation du président syrien Bachar el-Assad ? Est-il parmi ceux qui pourront tirer profit de ce changement ?Je pense qu'il y a débat à ce sujet. Certains disent que l'Iran utilisera ses ressources afin de renforcer le régime syrien, mais d'autres pensent que l'Iran devrait les consacrer entièrement au pays,...

commentaires (2)

"Sacrés" mollâhs Per(s)cés, quand il s’agit d’argent et d’intérêts ils deviennent de la même religion que les autres !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 13, le 20 juillet 2015

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • "Sacrés" mollâhs Per(s)cés, quand il s’agit d’argent et d’intérêts ils deviennent de la même religion que les autres !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 13, le 20 juillet 2015

  • L'ACCORD DÉLIE ENTIÈREMENT LES MAINS DES PERC(S)ÉS ET LEURS INTERVENTIONS DANS LES PAYS ARABES ET LEUR DÉSTABILISATION S'ACCENTUERONT SANS CESSE... LES OCCICONS ONT COMMIS LEUR PLUS GRANDE CONNERIE EN NE PRENANT PAS DES ENGAGEMENTS POUR TOUS LES DOSSIERS PARALLÈLES !!! D'AILLEURS L'ARME ATOMIQUE APRÈS DIX ANS... RIEN NE PRESSE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 17, le 20 juillet 2015

Retour en haut