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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le rôle de Wilhelm Fliess dans la théorisation freudienne – 1

Nous avons vu la semaine dernière comment Freud, dans sa relation à Fliess s'est engagé dans ce qu'on appelle « l'analyse originelle ». Cette analyse originelle fut absolument nécessaire à la mise en place par Freud, et de la technique analytique et de la théorie de l'appareil psychique. Le fait que Fliess ait joué le « pôle de moindre résistance » à l'écoute de Freud est aussi un élément capital dans la naissance de la psychanalyse. Cela permit à Freud de théoriser, de se tromper, puis de changer de théorie, comme on l'a déjà vu avec « L'esquisse d'une psychologie scientifique ». Ce sera le cas également, comme nous le verrons plus loin de la « Théorie de la séduction ».
Contrairement à Charcot et Breuer, qui tout en reconnaissaient l'importance de la sexualité dans l'hystérie, n'en voulaient rien savoir eux-mêmes, Fliess n'avait pas peur d'explorer la sexualité. Ce qui permit à Freud de découvrir sa propre sexualité. Car n'oublions pas, comme nous l'avons déjà vu, que lorsque Charcot, Breuer et Chrobak affirmèrent l'importance capitale de la sexualité dans l'hystérie, ils refusaient de le reconnaître publiquement, laissant Freud dans la perplexité et renforçant sa propre censure : « C'est avec étonnement, incrédulité voire aversion » qu'il écouta leurs affirmations. Ce n'est donc pas tant le contenu du savoir de Fliess sur la sexualité que le rapport de Fliess à cette même sexualité, un rapport libre et sans aucune censure qui remporta la foi de Freud en Fliess et déclencha son transfert.
Ce « médicastre », ce « chatouilleur de nez » comme l'appelait Lacan avec ironie pour bien indiquer que ce n'était nullement son savoir en tant que tel qui était en jeu, mais le fait que Freud lui supposait ce savoir qui déclencha son transfert. Fliess était dans la position du « sujet supposé savoir », position définie par Lacan comme étant celle de l'analyste. La foi de Freud en Fliess lui permit de reconnaître, non seulement le rôle fondamental de la sexualité dans l'hystérie, mais sa propre résistance à l'admettre auparavant : « l'aversion » était l'indice le plus sûr du fait que Freud n'en voulait rien savoir de sa propre sexualité. Pour la première fois dans l'histoire de la psychothérapie, on comprenait enfin que le dégoût était la réaction inversée contre un désir sexuel inconscient. En d'autres termes que le dégoût permettait de reconnaître le désir sexuel inconscient, tout en le niant. C'est comme si Freud, ou n'importe quel autre humain disait : « Je ne peux désirer cela puisque ça me dégoûte ».
Le concept de « résistance » était maintenant clair, de même que le fait que Fliess fut appelé « le pôle de moindre résistance ». La formation du psychanalyste est précisément en ce point : repérer ses propres résistances contre son propre désir sexuel inconscient. Refaire le même chemin que Freud fit au départ, réinventer la psychanalyse sinon la psychanalyse restera intransmissible comme l'affirmait Lacan en 1978.
Fliess abordait la sexualité par les cycles biologiques, la périodicité et les rapports symboliques qui existaient entre les organes sexuels et le nez. Il pensait qu'à côté des périodes féminines de vingt-huit jours, auxquelles correspond la menstruation, une autre période de vingt-trois jours influençait sensiblement les hommes. Le développement de l'organisme ainsi que les caractères sexuels étaient déterminées par ces périodes, de même que le jour de la naissance de l'individu ainsi que de sa mort. L'influence de Fliess était telle qu'elle amena Freud à la conviction que sa mort surviendrait à l'âge de 51 ans (28+23).
Sur le plan théorique, Freud essaya d'introduire cette théorie des périodes dans la distinction entre la « névrose d'angoisse » et la « neurasthénie ». Comme il avait des symptômes fonctionnels digestifs, cardiaques et respiratoires et se considérait comme neurasthénique, toutes les conditions étaient réunies pour faire de Freud le malade de Fliess. Il va même jusqu'à soupçonner Fliess de lui cacher « la maladie mortelle » dont il était atteint et lui témoigne sa reconnaissance pour « l'avoir guéri de pseudo troubles cardiaques ».
La prochaine fois, nous verrons dans les lettres mêmes de Freud l'expression de son amour de transfert pour Fliess.

Chawki Azouri

Nous avons vu la semaine dernière comment Freud, dans sa relation à Fliess s'est engagé dans ce qu'on appelle « l'analyse originelle ». Cette analyse originelle fut absolument nécessaire à la mise en place par Freud, et de la technique analytique et de la théorie de l'appareil psychique. Le fait que Fliess ait joué le « pôle de moindre résistance » à l'écoute de Freud est aussi...

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