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Liban - Agronomie

À Dlebta, l’agriculture du futur a les pieds dans l’eau

« Eco Industries » est la première entreprise au Moyen-Orient à avoir mis au point un système d'agriculture hydroponique à l'échelle industrielle.

L’hydroponie utilise de 70 % à 90 % moins d’eau que l’agriculture conventionnelle.

Perdu dans les nuages, au-dessus de Jounieh, le village de Dlebta cache au milieu des arbres une installation plutôt étonnante. Quelque deux cents mètres carrés de locaux réservés à la culture hydroponique, une méthode de culture hors-sol qui consiste à faire pousser des plantes dans de l'eau, en y injectant des nutriments minéraux. « La technique de l'hydroponie rencontre un certain succès aux États-Unis, au Japon et en Europe, même si elle reste encore très marginale », explique Ghantous Gemayel, un des six associés à l'origine du projet « Eco Industries » au Liban.
Les locaux sont entourés d'espaces verts. On y entre avec des chaussons en plastique autour des chaussures et une charlotte sur la tête. La première pièce est réservée à la mise sous emballage des produits ainsi qu'à la plantation des graines. Les semences sont ensuite exposées à la lumière dans une première chambre, sous électricité, jusqu'à ce qu'elles germent. Une fois en pousse, les boutures sont déplacées dans l'unité de production. À ce stade, la culture hors-sol prend forme. Installées dans des récipients cylindriques, les boutures sont alimentées en eau enrichie en hydrogène et minéraux, et poussent à la verticale. « Nous avons actuellement quelque six mille plantes sur deux cents mètres carrés. Il faudrait cinq mille mètres carrés à l'extérieur pour cultiver la même quantité de plantes », assure Ghantous Gemayel.
Au moment où nous nous y trouvons, l'unité de production est remplie de basilic. « La culture des herbes aromatiques est pratique car celles-ci prennent moins d'espace que d'autres, et elles sont très demandées, explique Ghantous Gemayel. Cela ne nous empêche cependant pas d'être capables de produire tous types de culture. » Au fond de la pièce, des pieds de fraisiers sont en phase d'expérimentation. « J'ai goûté les fraises cultivées suivant cette technique, leur saveur est surprenante, se félicite Ghantous. Les produits sont vraiment d'excellente qualité. »

Des économies d'énergie et de main-d'œuvre
Les avantages de la culture hors-sol et de l'hydroponie sont indéniables : économie d'espace, économie d'énergie, économie d'eau... Seule la consommation d'électricité peut poser problème, tout comme l'utilisation des nutriments minéraux. Un détail dont a conscience Hind Farah Khoueiry, l'ingénieur agronome en charge du développement du projet. « À terme, nous voulons utiliser l'énergie solaire et développer un système qui ne nécessiterait pas l'utilisation de minéraux, pour obtenir des produits à 100 % bio et durables », prône-t-elle. Pour le moment, les plantes récoltées sont maintenues deux à trois jours dans de l'eau après leur récolte afin d'être nettoyées des résidus de minéraux.
« L'hydroponie, c'est l'agriculture du futur, souligne Ghantous Gemayel, notamment au Liban où les terres cultivables se font rares et les terrains chers. Ce système présente l'avantage d'un coût de production inférieur à une culture traditionnelle. » Au niveau de la main-d'œuvre, l'entreprise emploie trois salariés dont deux ouvriers agricoles. « C'est suffisant pour faire tout le travail, commente Hind Farah Khoueiry. Nous n'utilisons que 200 ml d'eau par semaine et aucun pesticide. »
Autre avantage : en cultivant à l'intérieur, la production n'est pas exposée aux intempéries et aux changements de saison, ce qui permet à l'entreprise de maintenir une production stable toute l'année. « Nous sommes en mesure d'assurer la même qualité toute l'année sans variation de prix », a relevé Ghantous Gemayel.

Un projet rentable depuis peu
Le projet a vu le jour il y a deux ans. L'idée de monter un projet d'hydroponie a été proposée par un des associés. « À l'époque, nous nous sommes réunis entre amis autour d'une table, raconte Ghantous Gemayel. Nous avons discuté de son projet. Nous y avons cru et nous avons réuni les quelques centaines de milliers de dollars nécessaires pour se lancer dans l'aventure. »
Deux ans et demi plus tard, le concept est enfin opérationnel. « Nous sommes actuellement prêts à produire toutes sortes de culture », affirme Hind Farah Khoueiry. Pendant deux ans, elle a travaillé à l'élaboration de la « recette magique », comme elle l'appelle, dans les laboratoires prévus à cet effet. « Il faut tout régler avec une extrême précision : la température de la pièce, le niveau de luminosité, la pression de l'eau, la quantité de minéraux et d'hydrogène... Chaque plante a sa recette », insiste-t-elle, tout en refusant de divulguer les dosages. « Nous sommes les premiers au Moyen-Orient à avoir atteint un résultat aussi global », renchérit Ghantous Gemayel.

L'objectif : exporter le concept
L'ambition ultime du projet, Ghantous Gemayel ne s'en cache pas. « Nous ne voulons pas destiner nos recherches seulement à la production, nous voulons aussi exporter le concept tel que nous l'avons mis au point dans d'autres pays, précise-t-il. Pour le moment, des personnes se sont montrées intéressées aux Émirats arabes unis, au Koweït, à Dubaï, en Arabie saoudite et en Afrique. Nous sommes en train de réaliser l'étude de faisabilité. Nous voulons passer des contrats de gestion : nous exporterons le matériel et nous nous occuperons de la production. »
Mais, dans tous les cas, pas question de divulguer le secret de la « recette magique ». Eco Industries compte bien garder la main sur le marché en préservant son expertise. « Nous n'avons fait appel à aucun expert étranger pour nous aider, et, aujourd'hui, c'est nous qu'on contacte pour avoir accès aux expertises », conclut Hind Farah Khoueiry.

 

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