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Liban - Initiative

Des agriculteurs libanais se mettent petit à petit à la permaculture

Au Liban-Sud, de plus en plus d'agriculteurs pensent à une transition vers cette pratique plus écologique. Mais le chemin est encore long avant de changer complètement les mentalités.

La permaculture est née dans les années 70 en Australie et repose sur le principe d’une agriculture durable. Photo Laura Damase

Dans le village de Qsaybeh, dans la région de Nabatiyé au Liban-Sud, un groupe de femmes enfilent des gants de jardinage et chaussent leur botte en caoutchouc. Elles sont huit agricultrices qui cultivent du tabac mais aussi des oranges, des salades ou des olives.
Sous le soleil printanier, elles s'apprêtent à préparer les terrains pour leurs nouveaux champs de tomates. Elles voudraient les entretenir selon les règles de la permaculture, une forme d'agriculture qui prend soin de la nature et des hommes, en alliant des notions d'écologie, de paysagisme et d'agriculture biologique. Pour aider à la transition écologique, les femmes ont été formées par les membres de l'association Soils, la première ONG spécialisée dans la permaculture au Liban.
Zeinab Yassine, agricultrice depuis 17 ans, explique avoir commencé la formation parce qu'elle est « au courant des problèmes liés à l'agriculture chimique et intensive ». « Mais je n'ai pas les compétences, je veux apprendre les nouvelles techniques d'aujourd'hui », poursuit-elle. Fadi Kanso, ingénieur agronome, constate que le mouvement écologique avance, mais lentement car « c'est très difficile d'introduire ces idées d'écologie dans les esprits des Libanais. Ils sont habitués à l'agriculture chimique, à l'utilisation d'engrais et de pesticides ».

Une nouvelle philosophie
La permaculture, qui a sa journée internationale chaque 3 mai, est une contraction des mots « culture permanente ». Elle est née dans les années 70 en Australie et repose sur le principe d'une agriculpoture durable. Ainsi, elle vise à diminuer le travail manuel et mécanique pour rendre les sols presque indéfiniment fertiles, tout en respectant l'écosystème environnant. L'objectif est de concevoir des cultures et des lieux de vie autosuffisants et respectueux de l'environnement et des êtres vivants. Daniel Hasley, paysagiste spécialisé en permaculture, explique que sa méthode de travail vise à reproduire le fonctionnement d'une forêt : « La forêt n'a besoin de rien, elle évolue seule, et chaque plante y a sa place. » Le but est de laisser la nature « sauvage » suivre son cours, sans même nécessiter la force de l'homme ou l'aide de produits chimiques. Une nouvelle façon de travailler les terres qui diffère largement des méthodes utilisées de nos jours : « L'évolution que prend l'agriculture mondiale n'est pas viable sur le long terme. Elle détruit l'écologie, tandis que la permaculture la fait croître », constate Daniel Hasley.
Mais plus qu'une nouvelle conception du travail dans les champs, la permaculture tend à « proposer un modèle économique nouveau, basé sur le respect des ressources et sur l'échange humain », explique Alexis Baghdadi, cofondateur de l'ONG Soils. L'idée est de baser nos échanges sur « la collaboration et non la compétition », ajoute-t-il.

 

 

Des champs diversifiés et sans pesticides
L'un des grands principes de la permaculture repose sur la polyculture, autrement dit la diversification des productions agricoles. Ainsi, sur un terrain de 50 m², il est possible de mettre 45 variétés végétales. Cette diversité permet de rendre les sols plus riches, avec la finalité d'apporter une meilleure productivité.
Pourtant, à l'heure actuelle, les industries agroalimentaires font tout le contraire : elles encouragent les cultivateurs à pratiquer la monoculture. Au fil des ans, la surexploitation des sols diminue la quantité de minéraux présents dans le sol, ce qui facilite la propagation des maladies végétales. Si un plant est infesté, c'est toute la production monoculture qui se verra rapidement contaminée et à terme détruite.
Parallèlement, le recours aux pesticides, encouragé par les industriels, nuit gravement à la qualité des sols, mais aussi des hommes. Zeinab Yassine, agricultrice dans le secteur du tabac depuis 17 ans au Liban-Sud, raconte : « Quand je mets des pesticides sur mes champs, j'ai les yeux qui brûlent et les mains qui gonflent. Travailler le tabac me fatigue, il me fait vieillir plus tôt. »
Pour Rita Khawand, membre fondatrice de l'ONG Soils, « la permaculture sait aussi faire des compromis. On prend des décisions au cas par cas parce qu'on sait pertinemment qu'il est difficile d'évoluer en tant que "permaculteurs" aux côtés d'agriculteurs non biologiques ». Pour le tabac, Zeinab continuera donc d'utiliser des pesticides, mais pour le reste de sa culture, elle l'organisera selon les principes permacoles.
La petite révolution qu'est en train de mener l'ONG Soils a un impact écologique certain. Récolter plus en travaillant moins, et en respectant les êtres vivants environnants, là est l'intérêt de la permaculture.

 

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À Saydoun, un atelier de formation
par Sidonie HADOUX

Perdu entre les versants de la région de Jezzine, le village de Saydoun a accueilli pour la deuxième année consécutive la formation du Permaculture Design Certificate (PDC, certificat de spécialisation en permaculture). À l'origine de cette initiative, l'association Soils Lebanon, la seule qui milite pour la permaculture au Liban. La journée a été dense, entre théories et pratiques, afin de former les 12 participants aux principes de base de la permaculture.

La formation, soutenue par la municipalité, a été créée par Bill Mollisson et David Holmgren, fondateurs du concept scientifique de la permaculture. « Cette formation est destinée à un public débutant qui veut se familiariser avec les valeurs de la discipline », explique Rita Khawand, présidente de Soils Lebanon, et également originaire de Saydoun.
Les formations du PDC sont organisées dans le monde entier et répondent toutes au même schéma de base qui peut être ajusté selon les contextes et les endroits. Il existe ensuite d'autres formations plus approfondies pour ceux qui le souhaitent. « Les PDC sont parfois un peu trop théoriques, nous avons choisi de mettre l'accent sur la mise en œuvre en incluant davantage d'ateliers pratiques au sein de la formation, poursuit Rita Khawand, ensuite chaque professeur ajoute sa touche personnelle. » La première semaine était ainsi centrée sur l'étude des différents types d'écosystèmes, les derniers jours étant réservés à la mise en pratique et la conception des projets.
Pour Klaudia Van Gool, l'une des deux enseignantes d'origine hollandaise, l'apprentissage de la permaculture doit avant tout passer par un changement de soi. « La permaculture défend trois principes fondamentaux, souligne-t-elle, la protection de l'environnement, le bien-être des individus et le partage équitable. » La seconde, Betty Khoury, d'origine libanaise, est venue d'Égypte spécialement pour la formation. « La permaculture est une solution pour le Liban et lui permettrait d'enrichir son sol et de lutter contre l'érosion », insiste-t-elle.
Des personnes de profils différents ont participé à la formation, des articles, des designers, des architectes, des agronomes, des étudiants. « Ils ont tous des intérêts différents : certains ont un terrain et veulent l'aménager, d'autres souhaitent mener des projets collectifs », souligne Rita Khawand.
Hassane Mourad, qui travaillait dans la publicité, s'est inscrit à la formation pour apprendre un nouveau mode de vie. « Dans un monde où les gens sont séparés les uns des autres, et où la ségrégation est devenue la norme, la permaculture est, pour moi, un langage qui nous unit », confie le jeune homme.
Le stage fut aussi l'occasion de poursuivre la sensibilisation des habitants du village. « Une des participantes est originaire de Saydoun et a déjà installé un compost, déclare Rita Khawand. Le changement se fait peu à peu. »

 

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