Alexandre Zasypkin, ambassadeur de Russie à Beyrouth, n'en démord pas : « Non, tonne-t-il, mon pays n'a pas changé de position au sujet de la crise syrienne. Nous disons la même chose depuis le début. » Que dit donc Moscou à ce propos ? Que « ce qui est important, en Syrie, ce n'est pas le régime, c'est la stabilité », assure-t-il.
En d'autres termes, la Russie, qui a beau avoir ces quatre dernières années protégé diplomatiquement le régime syrien en bloquant des dizaines de tentatives occidentales visant à mobiliser le Conseil de sécurité contre la répression brutale de la révolte, est convaincue aujourd'hui (tout comme hier, insiste l'ambassadeur) que l'édification d'une Syrie stable n'est pas – ou en tout cas pas seulement – l'affaire de Bachar el-Assad. D'autres protagonistes syriens, y compris du côté des opposants, seraient tout aussi qualifiés pour y contribuer.
M. Zasypkin s'exprimait dans le cadre d'un déjeuner-débat organisé dans un grand restaurant de Beyrouth par le Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais (RDCL), présidé par Fouad Zmokhol. Plusieurs dirigeants d'entreprise et hommes d'affaires de premier plan participaient à cette rencontre, en présence notamment du consul de Russie et président du Conseil des hommes d'affaires libano-russes, Jacques Sarraf, du président du Conseil économique et social, Roger Nasnas, et de L'Orient-Le Jour.
Tout au long du débat, l'ambassadeur a évoqué à plusieurs reprises le problème que pose à l'évidence le groupe État islamique (EI), qu'il a qualifié d'« expansionniste », mais s'est montré très peu disert sur l'autre trublion de la rébellion syrienne, le Front al-Nosra. Sachant qu'à l'heure actuelle, ce dernier est, avec l'EI et le régime, l'une des trois forces qui comptent réellement sur le terrain, et que la rivalité entre les deux premiers pour le contrôle de la Syrie de l'après-Assad est déjà manifeste, il importait dès lors de savoir si Moscou, à l'instar de son vieil (ex-)allié libanais Walid Joumblatt, commençait à opérer une distinction entre « bons » et « mauvais » jihadistes.
Certes, le diplomate ne s'est pas engagé, mais sa réponse, tout en nuances, laisse entrevoir une fenêtre ouverte dans cette perspective. « Selon les critères internationaux, Daech (l'EI) et al-Nosra sont des organisations terroristes », a-t-il relevé. Les États-Unis ne diraient pas le contraire. « Mais allons plus loin. Certaines parties pourraient participer à la solution politique », a-t-il souligné, laissant entendre que Moscou serait favorable à leur démarche.
Noirceur relative
Plus globalement, M. Zasypkine s'est employé à défendre la vision russe des relations internationales, déplorant notamment que la crise de l'Ukraine ait « tout compliqué » avec les États-Unis et l'Occident.
Pour ce qui est du Moyen-Orient, il a rejeté les affirmations selon lesquelles Moscou serait aligné sur un axe contre un autre, affirmant que son pays était en quête de bonnes relations aussi bien avec l'Iran qu'avec l'Arabie saoudite.
Sur le problème des chrétiens de la région, M. Zasypkin s'est montré assez prudent, n'emboîtant que timidement le pas à M. Sarraf qui a carrément évoqué un rôle de la Russie en tant que « protectrice des minorités » au Moyen-Orient. L'ambassadeur, lui, s'est contenté de faire part de la « préoccupation » de son pays à l'égard du sort des chrétiens.
Pour le reste, le diplomate russe s'est longuement efforcé de relativiser, face aux divers intervenants, la noirceur du tableau pour ce qui est de la situation au Liban. Ce dernier « se porte mieux que la région », cela va sans dire, et les grandes puissances sont toutes d'accord pour l'aider autant que possible à rester à l'écart des retombées des crises régionales, a-t-il fait remarquer. Pour autant, a noté M. Zasypkin, on ne voit toujours pas de solutions à court terme pour ce qui est des blocages institutionnels libanais et il ne faut pas espérer un règlement du dossier des réfugiés syriens avant la conclusion d'un compromis politique mettant fin à la guerre en Syrie.
Auparavant, le président du RDCL avait ouvert le débat en insistant dans son intervention sur l'effet d'étranglement que produit la crise des réfugiés syriens sur le Liban, son économie, sa structure sociale, ses équipements, son système scolaire, ses hôpitaux, etc. M. Zmokhol avait aussi exprimé la crainte des Libanais d'être une fois de plus contraints de voir leur pays transformé en « boîte postale », autrement dit de faire les frais des conflits régionaux et internationaux.
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commentaires (5)
Je répète le libanais chrétien, n'est pas le chrétien d'Irak, ni de SYRIE, ni d'Égypte ... Les chrétiens libanais n'ont compter que sur eux meme lors des invasions barbare du tyran asssdique !! Pendant que ce temps Israël attaquait le sud c'était un bon partage du gâteau llbanais ... Je repete le libanais chrétien du LIBAN a montrer pendant la guerre 75-90 qu'elle était terrible DS sa RESISTENCE !!
Bery tus
14 h 35, le 25 juin 2015